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La fermeture des mosquées, une punition collective contre les musulmans de France (Opinion)*

- Profitant d’un climat islamophobe généralisé mais surtout banalisé, le gouvernement français exploite chaque occasion pour prononcer une fermeture en se basant tantôt sur la loi Séparatisme, tantôt sur des procédures administratives abusives

Ekip  | 22.01.2022 - Mıse À Jour : 22.01.2022
La fermeture des mosquées, une punition collective contre les musulmans de France (Opinion)*

France

AA/Paris/Fatih Karakaya

Ces deux dernières années, jamais les mosquées en France n'ont été autant visées par la politique répressive d’un gouvernement. Profitant d’un climat islamophobe généralisé mais surtout banalisé, le gouvernement français exploite chaque occasion pour prononcer une fermeture en se basant tantôt sur la loi séparatisme, tantôt sur des procédures administratives abusives.

Fin décembre dernier, la justice avait confirmé la fermeture de la mosquée de Beauvais sur accusations « de prêches d’un imam faisant notamment l’apologie du djihad armé ».

Et plus récemment, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait annoncé avoir « fermé » une mosquée à Cannes (Alpes-Maritimes) en raison, notamment, de « propos antisémites ».

« Maintenant, le procédé consiste à dire qu’un imam ou des fidèles auraient proféré des propos « antisémites », entendez par là, d’avoir, peut-être critiqué la politique israélienne ou l’idéologie sioniste », constate, Daniel Milan, activiste de 73 ans qui a décidé de s’exiler au Sénégal « ne pouvant plus vivre librement en France du fait de sa foi musulmane », précise-t-il.

Comme lui, beaucoup d’observateurs font le même constat : les mosquées sont particulièrement visées pour leur portée symbolique puisqu’elles sont visibles du fait que « la punition collective » se matérialise concrètement. C’est-à-dire un grand bâtiment avec une pancarte « fermée » où les fidèles ne peuvent pas y entrer. Imaginez alors la pensée des citoyens français qui passent par là et qui voient cette mosquée fermée par le gouvernement. On ne peut pas dire qu’ils auront des pensées positives sur l’édifice et surtout les fidèles.


-Vingt-deux mosquées fermées depuis 2020

Selon le ministre de l’Intérieur, sur 2 623 mosquées et salles de prière en France, 22 mosquées ont fermé leurs portes « du fait de prescriptions administratives, d’une décision judiciaire, d’une reprise de bail, de travaux ou d’une fermeture administrative ».

Il faut comprendre par-là qu'au-delà d’un délit réel, le pouvoir s’appuie sur des procédures administratives abusives comme « le manque de places de parking » pour punir des fidèles qui contestent la politique du gouvernement.

Pour constater à quel point le gouvernement use de son pouvoir, il suffit de comparer la période post-attentat de 2015 jusqu’à décembre 2020. Ainsi, en cinq ans, 15 lieux de culte avaient été fermés dans le cadre de l’état d’urgence, puis 8 sur la base de la loi de Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (SILT), qui avait succédé à l’état d’urgence en 2017 soit 23 fermetures en cinq ans.

- Loi sur le séparatisme et l’assassinat du professeur Paty

Mais tout s’accélère notamment après le discours à Les Mureaux (région parisienne) du Président de la République, Emmanuel Macron, qui jeta la base de la loi sur le séparatisme.

Ainsi, après plusieurs différentes notions utilisées par certains politiques comme « l’islamogauchisme », le Président français a commencé à définir certains musulmans « de séparatistes » comme s’ils avaient une volonté de diviser la France.

Cette notion trop vague, amalgamant volontiers les pratiques des musulmans et le terrorisme lié au radicalisme, a permis de mieux cibler les mosquées. Mais c’est surtout l’assassinat horrible du professeur Paty quelques jours plus tard qui a accéléré les choses. Alors que le terroriste n’avait aucun lien avec les mosquées, ces dernières ont été désignées comme responsable du terrorisme de certains se définissant comme musulmans.

Lors de la présentation du projet de loi sur le séparatisme, rebaptisée par la suite « lois confortant les principes républicains », Gérald Darmanin annonçait sur Twitter une « action massive » visant 76 mosquées.

Par la suite, les fermetures de mosquées se sont enchaînées sur décision de conseil des ministres sans passer par un jugement. Même si par la suite des mosquées ont fait appel devant la justice, elles n’ont jamais eu gain de cause.

Ainsi par exemple, la grande mosquée de Pantin qui figure parmi les 3 mosquées fermées en Seine-Saint-Denis a été fermée pour six mois après que le président de son association gérante a partagé, en octobre 2020, une vidéo accusant l’enseignant Samuel Paty d’avoir montré des caricatures du Prophète. D’autres mosquées à Marseille, Bobigny, Romainville ou Goussainville ont dû aussi fermer leurs portes aux fidèles.

Pourtant, le gouvernement refuse de voir l’évidence. Comme le rappelle le journal la « Croix », qui a dressé une liste des mosquées fermées ces dernières années, « les sociologues indiquent pourtant qu’ils ne sont plus l’épicentre du prosélytisme ni des recrutements ».

En plus des mosquées, le gouvernement a aussi dissous plusieurs associations musulmanes. Deux d’entre elles avaient pour objectif de lutter contre l’islamophobie en France. C’est justement pour cette raison que le gouvernement a décidé de dissoudre le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI). En clair, le gouvernement reprochait à des associations de faire des activités conforme à leur statut. Ce qui est encore plus frappant, c’est que le ministre de l’Intérieur s’est servi de ces dissolutions pour justifier la fermeture d’autres mosquées « parce que des dirigeants apportaient leur soutien à ces associations ».

C’est ainsi qu’implicitement un délit d’opinion a été instauré en France où l’expression d’une opinion a donné lieu à des punitions collectives contre tous les fidèles d’une mosquée.

Il faut dire que le ministre n’a pas hésité à employer les grands moyens pour discréditer les mosquées concernées. Ainsi, les imams de ces mosquées, donc à priori pas le bâtiment mais des personnes réelles, « auraient proféré des sermons antisémites, auraient fait apologie du terrorisme et auraient incité à la haine envers la France ».

Mais, sans que l’on puisse expliquer pourquoi, face à des accusations aussi graves, aucun dirigeant ou imam n’ont eu droit à des poursuites judiciaires. Pour comprendre la raison, il suffit de voir la démonstration faite par le compte « dômes et minarets » sur Twitter.

En effet, selon ce compte, « la fermeture injustifiée de la mosquée de Cannes est le symptôme de l'incompétence des renseignements généraux ». En effet, alors que Darmanin s’appuyait sur les partages de la Grande mosquée de Cannes sur les réseaux sociaux, « le recteur accusé n'était plus responsable depuis juin 2021 de la mosquée et c'est lui qui gère la page de la mosquée, qui n'a rien à voir avec la direction actuelle ».

Mais ce qui inquiète le plus « Dômes et Minarets » qui a parcouru le fil de cette page, c'est que « l'ex-recteur semble plutôt être d'obédience soufie. Il n’a rien à voir avec l'islam radical".

« Il faut que Darmanin arrête de prendre toute critique du pouvoir actuel par un musulman comme une haine de la France », suggère le responsable du site communautaire.

Toujours selon « Dômes et Minarets », « les posts Facebook prétendument antisémites sont en réalité pro-palestiniens et critiquent l’Etat d’Israël pour ses crimes ». Mais de toute évidence le gouvernement français non seulement ne supporte plus les critiques envers sa politique mais aussi les critiques vers d’autres pays notamment Israël et use de son pouvoir pour faire taire toute critique en fermant notamment les mosquées et appliquer ainsi une punition collective.

C’est aussi pour ça que l'imam de la mosquée de Beauvais a porté plainte, lundi 17 janvier, pour dénonciation calomnieuse. Une façon pour lui de démontrer que le gouvernement utilise de fausses preuves contre les musulmans qui sont devenus des « suspects éternels »

*Les opinions exprimées dans cette analyse n'engagent que leur auteur et ne reflètent pas forcément la ligne éditoriale de l'Agence Anadolu.

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