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Journée mondiale de la liberté de la presse : Israël accusé de cibler et de faire taire les journalistes à Gaza

– « Parler de liberté de la presse n’a aucun sens tant que le silence international face à l’assassinat systématique de journalistes se poursuit », déclare un responsable de Gaza

Ikrame Imane Kouachi  | 03.05.2025 - Mıse À Jour : 03.05.2025
Journée mondiale de la liberté de la presse : Israël accusé de cibler et de faire taire les journalistes à Gaza

Gazze

AA / Gaza, Palestine – Ankara / Nour Abuaisha et Ikram Kouachi

Alors que le monde célèbre la Journée mondiale de la liberté de la presse, les journalistes palestiniens de Gaza poursuivent, malgré les bombardements, les tirs de snipers et les arrestations, leur mission professionnelle et humanitaire : documenter la guerre qualifiée de génocidaire menée par Israël depuis le 7 octobre 2023.

Cette situation se déroule dans un silence assourdissant de la part de la communauté internationale et des institutions mondiales censées défendre les droits des journalistes. Un mutisme qui, selon des organismes gouvernementaux et de défense des droits humains, encourage Israël à poursuivre ses crimes.

Depuis le début de l’offensive, Israël a tué 212 journalistes palestiniens, dont 13 femmes, selon le Bureau des médias du gouvernement à Gaza, qui parle d’« assassinats délibérés ».

Ce chiffre représente le bilan le plus élevé jamais enregistré au niveau mondial pour les journalistes depuis le début des recensements en 1992, a rappelé le Centre palestinien pour les droits de l’homme le 26 avril.

Bien que des organisations de défense des droits humains et des agences onusiennes dénoncent régulièrement les attaques visant les journalistes à Gaza, elles restent sans action concrète pour les protéger ou garantir leur droit à la liberté de la presse.

À l’instar des 2,4 millions de Palestiniens vivant sous blocus israélien depuis 18 ans, les journalistes de Gaza et leurs familles subissent des dangers extrêmes : frappes directes, assassinats, arrestations, mais aussi la faim, la soif, le manque de soins et les conditions d’existence déshumanisantes.

Le 18 avril, le président turc Recep Tayyip Erdogan a condamné le silence des institutions médiatiques internationales face à l’assassinat de journalistes, dénonçant également l’inaction des défenseurs des droits humains face au meurtre d’enfants à Gaza par Israël.

– Un lourd tribut humain

Au 25 avril, l’armée israélienne a tué 212 journalistes à Gaza dans le cadre de son offensive contre les civils.

Selon un communiqué du Bureau des médias du gouvernement à Gaza, l’ensemble de ces meurtres ont eu lieu depuis le 7 octobre 2023.

Le directeur du bureau, Ismail Al-Thawabta, a déclaré à Anadolu que les victimes comprenaient des journalistes locaux, des reporters d’agences de presse et des correspondants de chaînes internationales.

Il a ajouté qu’Israël a également blessé 409 journalistes, arrêté 48 d’entre eux et assassiné 21 figures médiatiques influentes connues pour leur présence active sur les réseaux sociaux.

Al-Thawabta a par ailleurs précisé qu’Israël a directement visé les familles de journalistes, tuant des membres de 28 familles médiatiques et détruisant totalement ou partiellement 44 habitations appartenant à des journalistes.

Il a qualifié cette campagne de ciblage systématique de « crime délibéré relevant de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité », visant à « faire taire la vérité et empêcher la documentation du génocide et du nettoyage ethnique en cours » contre les civils palestiniens.

Thawabta a condamné les assassinats de journalistes, les bombardements de bureaux de presse et les restrictions à la couverture médiatique, les qualifiant de « violations flagrantes » des Conventions de Genève et du droit international humanitaire, qui garantissent clairement la protection des journalistes en zone de conflit.

– Pertes financières massives

Ismail Al-Thawabta a également souligné que le secteur des médias à Gaza a subi des pertes financières estimées à environ 400 millions de dollars depuis le début de l’offensive, il y a plus de 19 mois.

Ces pertes incluent la destruction d’institutions et d’équipements médiatiques, tels que des chaînes de télévision, stations de radio, agences de presse et centres de formation au journalisme.

Il a précisé que 12 imprimeries et 23 médias numériques ont été totalement ou partiellement détruits, tandis que 11 stations de radio et 16 chaînes de télévision – dont 4 locales et 12 internationales – ont été ciblées.

Par ailleurs, cinq grandes imprimeries et 22 presses plus petites ont été détruites, de même que cinq syndicats professionnels et juridiques liés à la liberté de la presse.

Malgré ces destructions et les pertes humaines, 143 institutions médiatiques continuent de fonctionner dans la bande de Gaza.

Depuis le début de la guerre, les forces israéliennes ont également pris pour cible des véhicules de transmission, des émetteurs, des dizaines de caméras et de voitures clairement identifiées par la mention « PRESSE ».

« Parler de liberté de la presse n’a aucun sens tant que le silence international sur les assassinats systématiques de journalistes perdure », a-t-il déclaré en lien avec la Journée mondiale de la liberté de la presse.

« Nous disons au monde que la liberté de la presse ne se mesure pas aux discours ou aux communiqués, mais à la capacité de protéger les journalistes et de leur garantir le droit d’informer librement », a-t-il conclu.

– Ciblage délibéré des journalistes

Le 26 avril, le Centre palestinien pour les droits de l’homme a accusé Israël de tuer « délibérément » les journalistes à Gaza afin de les intimider et d’empêcher la diffusion de la réalité de la guerre.

L’organisation indépendante de défense des droits humains a affirmé que l’escalade dans les assassinats de journalistes ne laisse aucun doute quant à l’intention de « faire taire la vérité et dissimuler les crimes » perpétrés contre les civils à Gaza.

La majorité des journalistes ont été tués lors de frappes aériennes, tandis que d’autres ont été abattus par des snipers, selon le rapport du centre.

Celui-ci considère que le meurtre délibéré de journalistes constitue un « crime de guerre relevant de la compétence de la Cour pénale internationale », conformément à l’article 8 du Statut de Rome.

Le centre a mis en garde contre l’impunité dont bénéficie Israël, estimant qu’elle l’encourage à « commettre davantage de crimes contre les journalistes et leurs familles ».

Il a appelé la communauté internationale à agir pour protéger les civils à Gaza, et exhorté le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, à accélérer les démarches concrètes dans l’enquête sur les crimes commis en Palestine, notamment les assassinats de journalistes ayant payé de leur vie la quête de vérité.

Pour rappel, la Journée mondiale de la liberté de la presse a été instaurée par une résolution de l’ONU le 20 décembre 1993, et est célébrée chaque année le 3 mai.


* Traduit de l'Anglais par Adama Bamba

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