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JO de Paris : 450 personnes expulsées d'un squat à Vitry-sur-Seine pour une image "clean" de la France

- À Vitry-sur-Seine, une vaste opération d'expulsion frappe le plus grand squat de France, à 100 jours des Jeux olympiques de Paris. Le correspondant d'Anadolu s'est rendu sur place.

Ümit Dönmez  | 18.04.2024 - Mıse À Jour : 19.04.2024
JO de Paris : 450 personnes expulsées d'un squat à Vitry-sur-Seine pour une image "clean" de la France

Ile-de-France

AA / Paris / Ümit Dönmez


Mercredi matin, à Vitry-sur-Seine, l'évacuation du "plus grand squat de France" a secoué la communauté des 450 résidents, majoritairement des migrants en situation régulière. Selon des témoignages recueillis par Anadolu et confirmés par la presse française, cette opération massive a mobilisé 250 agents et a été précédée par le départ volontaire d'une partie des résidents, informés de l'imminence de l'expulsion. La plupart des 300 occupants restants ont quitté les lieux avec leurs effets personnels peu après le début de l'intervention policière.

L'intervention a débuté tôt ce mercredi matin à Vitry-sur-Seine, où de nombreuses familles avec enfants, dont certains en bas âge, ont été expulsées d'un ancien bâtiment de bureaux qu'elles occupaient depuis trois ans. À cent jours des Jeux olympiques, elles ont dû préparer leurs bagages en vitesse et abandonner tout ce qui ne pouvait pas être transporté par la force d'une seule main, laissant également derrière elles une partie de leur passé et de leurs souvenirs.

Le correspondant d'Anadolu s'est rendu sur place et a pu interroger des responsables d'associations qui étaient présents lors de ces moments difficiles pour les familles.


- Une image "clean" de la France pour les JO

Paul Alauzy, de Médecins du monde, et Romain Prunier, de United Migrants, ont fourni à Anadolu des détails sur la situation.

Alauzy a tenu à dénoncer "un continuum de politique maltraitante envers les personnes migrantes et les personnes à la rue", qui est menée par le Gouvernement français "depuis longtemps", l'associatif citant la loi immigration, et la loi Kasbarian, dite "loi anti-squat", pour exemples.

"Tout cela n'est pas nouveau. Mais par contre, maintenant, il y a un effet d'accélérateur et l'effet accélérateur, pour nous, c'est l'organisation des Jeux olympiques", a déploré Alauzy.

"Nous documentons avec le collectif « Le Revers de la médaille » une accélération de l'expulsion de plein de types de publics à la rue, ou en habitat très précaire, depuis un an dans la région Île-de-France, pour les envoyer loin de la ville hôte, de façon à ce que, devant les caméras du monde entier, on présente une ville bien propre, bien clean", a constaté le coordinateur pour Médecins du monde.

"Sauf qu'on a aussi l'opportunité de faire mieux, de mettre plus de moyens pour l'accueil et de montrer au monde qu'on est un grand pays capable d'accueillir les gens et de prendre en charge les solidarités", a ajouté Alauzy, déplorant que ce ne soit pas le cas actuellement.



- Solutions temporaires dans des sas en région

Alauzy a rapporté, non sans émotion, que les expulsés, parmi lesquels des familles avec enfants, sont confrontés à un avenir incertain, avec des hébergements souvent temporaires et précaires. "Des sas régionaux ont été mis en place pour déplacer des populations sans-abri loin de la capitale et de la ville hôte des Jeux olympiques," explique-t-il, précisant que seulement 40 % des évalués recevront une solution d'hébergement de moyen ou long terme.

Les sas régionaux ont été créés pour éloigner ces populations du centre de Paris et de la ville hôte des Jeux. "Après trois semaines d'évaluation, seulement 40 % reçoivent une proposition d'hébergement plus ou moins durable. Les 60 % restants, la plupart se retrouvent envoyés vers le 115, l'hébergement d'urgence," précise Alauzy. Il précise que les critères pour un hébergement d'urgence incluent être vulnérables, comme avoir un handicap, être une femme enceinte ou avoir des enfants en bas âge.

Pour sa part, Romain Prunier, représentant de l'association United Migrants, indique que cette expulsion s'inscrit dans une vague d'accroissement des expulsions à l'approche des Jeux olympiques, souvent sans justification adéquate. "Il y a une décision de justice datant de 2021, mais l'expulsion n'avait pas encore été mise en œuvre. Maintenant, avec les Jeux olympiques, il y a un net accroissement des expulsions," constate Prunier.



- Xénophobie et problèmes de logements

"Ce n'est pas un phénomène nouveau, ces gens sont là depuis juin 2021 et malgré leur situation régulière, ils se voient refuser l'accès à un logement classique," explique Alauzy, regrettant la xénophobie, ces gens étant d'origines africaines pour la plupart.

"Cela fait un an qu'on assiste à des expulsions et les squats évacués restent toujours vides," souligne Alauzy, pointant un problème récurrent de refus de location à des travailleurs migrants malgré des situations régulières et des emplois stables.

L'ancien siège d’une entreprise d’autobus, où ces personnes avaient trouvé refuge, à Vitry-sur-Seine, témoigne des conditions précaires dans lesquelles ces migrants ont vécu, avec des aménagements de fortune et une absence totale de confort.

La députée Mathilde Panot, présente sur les lieux, et d'autres élus locaux ont négocié des hébergements temporaires pour certaines familles, une victoire mineure face à l'ampleur du problème. "Des gens en CDI, mais à qui on ne veut pas louer," dénonce Alauzy, faisant écho aux difficultés rencontrées par ces migrants pour intégrer le marché du logement régulier.



- Le rôle des autorités

Prunier insiste sur le rôle que devraient jouer les autorités dans la réquisition de bâtiments vides pour offrir un hébergement stable. "Il ne s'agit pas simplement d'occuper des bâtiments vides. C'est une question de volonté politique de fournir un logement pour tous, indépendamment de leur origine ou nationalité", relève-t-il.

Ce récent épisode d'éviction soulève des questions urgentes sur la politique d'hébergement et la gestion des migrations en France, surtout dans le contexte d'une ville qui se prépare à accueillir le monde entier pour les Jeux olympiques. Les actions des collectifs comme Médecins du monde et United Migrants montrent un engagement continu envers les personnes les plus vulnérables, malgré les défis posés par les politiques actuelles. Reste à voir si les Jeux olympiques provoqueront une prise de conscience nécessaire pour améliorer durablement la situation de ces personnes souvent invisibles aux yeux de la société.

"Nous avons beaucoup dit au début que nous ne voulions pas gâcher la fête, que nous étions de gentils associatifs, mais à force d'évacuations, moi, j'en ai marre de voir nos patients et de voir la vie des gens bafouée comme ça, et de rajouter de l'errance à la souffrance", déploré Alauzy. "En tant que collectif, s'il faut se faire voir pendant les Jeux et ternir un peu l'image de la fête, nous le ferons. Nous hésiterons moins maintenant", conclut le soignant.




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« JO de Paris et déplacement des sans-abri : Utopia 56 dénonce un "nettoyage social" », Anadolu, le 5 avril 2024

https://www.aa.com.tr/fr/monde/jo-de-paris-et-d%C3%A9placement-des-sans-abri-utopia-56-d%C3%A9nonce-un-nettoyage-social/3184363

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