"J'ai été propulsée dans un cauchemar": une doctorante turque témoigne de sa détention par l’ICE
- "Nous étions toutes piégées dans nos propres cauchemars, mais nous avons trouvé du réconfort les unes auprès des autres, partageant nos douleurs en nous écoutant mutuellement", a confié Rumeysa Ozturk.

Washington DC
AA / Washington / Michael Hernandez
Rumeysa Ozturk, une doctorante turque de l’université Tufts, a livré jeudi un témoignage poignant sur sa détention par les services américains de l’immigration (ICE), affirmant avoir été « propulsée dans un cauchemar » lorsqu’elle a été arrêtée dans la rue par des agents masqués plus tôt cette année.
Dans une tribune publiée par Vanity Fair, Ozturk revient sur les six semaines et demie qu’elle a passées dans un centre de détention à but lucratif géré par l’ICE, où elle a été enfermée dans une cellule exiguë avec 23 femmes originaires de divers pays. Un climat de solidarité s’est rapidement noué entre elles, raconte-t-elle.
"Nous étions toutes piégées dans nos propres cauchemars, mais nous avons trouvé du réconfort les unes auprès des autres, partageant nos douleurs en nous écoutant mutuellement", écrit-elle, ajoutant que chaque conversation se transformait en une "séance de thérapie collective" face à la déshumanisation qui régnait dans cette prison privée isolée de l’ICE, en Amérique – un pays où chacune était venue pour poursuivre ses rêves.
Ozturk, dont le visa aurait été révoqué à son insu en raison d’une tribune co-écrite dans le journal étudiant de Tufts appelant à la reconnaissance du génocide palestinien à Gaza, figure parmi plusieurs étudiants visés par l’administration Trump dans le cadre d’une campagne de répression des prises de position pro-palestiniennes sur les campus.
En mars, Rumeysa Ozturk a été interpellée dans la rue par des agents masqués de l’immigration et contrainte de monter dans un fourgon. Elle a ensuite été rapidement transférée hors de Somerville, dans l’État du Massachusetts, avant d’être acheminée vers plusieurs sites, pour finalement être détenue dans un centre de rétention situé en Louisiane, à des milliers de kilomètres de son lieu de résidence.
Souffrant d’asthme, Ozturk affirme que les conditions de détention ont gravement aggravé son état. Lors d’une crise, les agents n’auraient pas réagi avant que ses codétenues ne frappent sur les vitres pour alerter le personnel. "Ensuite, on m’a même refusé quelques minutes d’air frais, sous prétexte que cela représentait un risque pour la sécurité des agents", raconte-t-elle.
Selon elle, les préoccupations médicales des détenues étaient régulièrement ignorées ou traitées de manière dérisoire, les autorités se contentant souvent de distribuer de l’ibuprofène, quels que soient les symptômes. "C’était la pilule magique du personnel médical", ironise-t-elle.
Avant son audience pour une libération sous caution en mai, Ozturk affirme avoir laissé une lettre à ses codétenues, exprimant sa gratitude envers ces femmes "extraordinaires, compatissantes, bienveillantes et remarquables, malgré les innombrables épreuves que nous avons traversées à chaque instant".
"J’ai appris d’elles que même dans les conditions les plus inhumaines, la dignité ne peut être enlevée que si l’on y renonce soi-même. J’ai découvert auprès de ces femmes fortes ce que signifie la solidarité", conclut-elle.
* traduit de l'anglais par Ayse Betul Akcesme