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Interprétation de la laïcité : Des symboles pris pour islamiques dans le viseur des écoles*

- Une fillette de 5 ans s’est vu retirer puis confisquer ses boucles d’oreille, en forme de main de Fatma, par le directeur de l’école

Fatma Bendhaou  | 10.10.2021 - Mıse À Jour : 11.10.2021
Interprétation de la laïcité : Des symboles pris pour islamiques dans le viseur des écoles*

France


AA/Paris/Fatih KARAKAYA

La loi sur les signes religieux dans les écoles publiques est une loi française créée en 2004, restreignant le port de signes religieux. La loi autorise néanmoins le port de signes religieux discrets.

Pourtant, cette loi est, de plus en plus, utilisée afin de rendre difficile la vie des musulmans mais surtout des musulmanes. En effet, prétextant cette loi, des directeurs d’écoles interprètent à leur façon le concept de signes religieux afin de refuser l’entrée des jeunes filles dans les écoles.

C’est à ce titre qu’en 2016, la France avait polémiqué sur les jupes longues des filles. En effet, une adolescente de 16 ans s'était vu refuser l'accès à son lycée en Seine-et-Marne car elle portait une jupe trop longue.

Ce genre d’incident n’était pourtant pas isolé et ne l'est, d’ailleurs, toujours pas. En avril 2015 déjà, les médias français avaient évoqué le cas de Sarah, une jeune collégienne renvoyée deux fois de son collège « à cause d’une jupe longue assimilée à un « signe ostentatoire d’appartenance religieuse », contraire à la loi. Une situation qui s'était déjà produite avec un autre groupe de collégiennes l’année précédente. A l’époque, ces décisions controversées avaient fait la une des médias internationaux « qui parlaient d’une situation ridicule de la part des séculaires ».


- La politique gouvernementale, une incitation au « ridicule »

En réalité comment s’étonner de ce cas particulier à la France qui a « une obsession du voile », comme l’affirmait Radio France Info en 2019. « Pourquoi le voile suscite-t-il autant de débat en France ? », s’interrogeait d’ailleurs le média.

De même, en octobre 2019, Julien Odoul, élu du Rassemblement national, demandait publiquement à une femme d'enlever son voile au nom de la "République" et de la "laïcité".

« Le voile est-il un symbole antirépublicain ? Sommes-nous obsédés par cette question ? », se demandait aussi France Culture.

En fait, la réalité en France est que l’accent est mis sur le renforcement de la sécurité et sur les mesures de répression habituelles à l’encontre de ceux qui affichent par exemple leur appartenance religieuse par leurs choix vestimentaires.

C’est aussi à cause de cette mentalité qu’une fille de 5 ans s’est vu retirer puis confisquer ses boucles d’oreille par le directeur de l’école car « les signes ostentatoires religieux sont interdits ici car c’est une école laïque ».

L’information a été révélée, jeudi, par la journaliste Sihame Assbague. Elle affirme, à l'Agence Anadolu « qu’elle a été contactée par la famille choquée par l’évènement ». Il faut dire qu’il y’a de quoi car « ces boucles d’oreille en question représentent la main de Fatma ».

« Il s’agit d’un symbole non religieux, surtout pas islamique, souvent utilisé comme amulette pour protéger du mauvais œil », explique la journaliste qui précise « qu’il s’agit avant tout d’un objet culturel et non religieux ».

Elle regrette que le directeur « ait fait des raccourcis dans sa tête en assimilant la main de Fatma à l’arabe, perçu comme islam, et donc qui est par définition contraire à la laïcité ».


- Preuve d’islamophobie

« C’est en tout cas une nouvelle illustration de la prégnance de l’islamophobie dans cette société », s’insurge la jeune journaliste qui rappelle que « l’islam rejette ces symboles mais au fond, la question c’est la manière dont la fillette et ses parents ont vécu la situation ».

« Les parents ont tenté d’expliquer la signification mais le directeur a insisté sur l' « atteinte à la laïcité et le contexte », comme s’il voulait rendre responsable la petite fille de ce qui se passe en France », soupire la journaliste.

Elle se souvient d’ailleurs qu’en mars dernier, « la maman d’un enfant de 6 ans avait été convoquée pour prosélytisme de son fils ». En réalité, deux enfants se chamaillaient « sur l’existence ou pas de Dieu »

« C’est autre chose qui se joue. C’est une histoire parmi d’autres, une illustration parmi d’autres du (re)déploiement de l’islamophobie à l’école », prévient la journaliste.

En tout cas, cette attitude du directeur a été vivement critiquée sur Twitter. Nicolas Cadène, ancien rapporteur de l’observateur de la laïcité, démantelé depuis par le gouvernement pour son interprétation paisible de la laïcité, a également commenté la mésaventure de la famille.

« C’est évidemment une bien mauvaise application de la laïcité. La loi de 2004 n’interdit pour les élèves des écoles publiques que les signes ostensibles, c’est-à-dire visibles de tous », a-t-il fait savoir sur son compte Twitter.

De son côté, craignant des représailles de la part du ministre de l’Intérieur et pour éviter toute polémique, la famille a souhaité rester anonyme et n’a pas voulu donner d’indication sur l’école.


* Les opinions exprimées dans cette analyse n'engagent que leur auteur et ne reflètent pas forcément la ligne éditoriale de l'Agence Anadolu.

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