Monde

Il y a 67 ans, la Toussaint rouge en Algérie

Ekip  | 01.11.2021 - Mıse À Jour : 02.11.2021
Il y a 67 ans, la Toussaint rouge en Algérie

France

AA / Nice / Feïza Ben Mohamed

Le 1er novembre 1954 marque un tournant majeur dans l’histoire de l’indépendance de l’Algérie.

En une journée, soixante-dix attentats ont eu lieu dans une trentaine de villes de ce pays colonisé par la France. Bilan : 10 morts.

Les opérations sont, à l'époque, pilotées par le Front de Libération Nationale (FLN) tout juste constitué, qui déclenche une insurrection sans précédent contre le régime colonial français.

Ce sera le début de la Révolution algérienne, ou ce qui est communément appelé "Guerre d’Algérie", un conflit sans merci, qui durera huit ans et fera de nombreuses victimes, un million et demi de martyrs selon les Algériens, et au moins 300 mille morts selon les historiens.

D'ailleurs, la France n’a reconnu le terme de «Guerre d’Algérie » qu’en 1999, faisant preuve d’un déni certain. Le terme officiel utilisé pendant près de 45 ans fut celui des "événements d'Algérie".

Moustapha Ben Boulaïd est l’un des fondateurs du FLN. Cet ancien adjudant de l’armée française, déjà condamné à sept ans de prison en 1950 pour atteinte à la sûreté de l’Etat, a accumulé des centaines d’armes pendant la deuxième Guerre mondiale.

Elles seront la principale source d’armement pour les attaques lancées par les nationalistes algériens.

Les multiples attentats de cette nuit sanglante, feront dix morts. Parmi les victimes, figurent deux Français d’Algérie, quatre militaires, un agent de police, un garde-forestier, un algérien pro-colonisation, et un jeune instituteur, tué par erreur.

Les cibles ont été choisies méthodiquement pour déstabiliser le régime colonial : bombardement d’une gendarmerie, incendies de récoltes, embuscades visant les forces de l’ordre, etc…

Le 1er novembre, parallèlement aux attaques dans le pays, le FLN fait diffuser un texte, la «Déclaration du 1er novembre 1954". Le mot d’ordre est donné, il réclame «la restauration de l’Etat algérien, souverain, démocratique et social dans le cadre des principes de l’islam ».

Les opérations de la "Toussaint rouge" sont planifiées pendant quatre mois et démarrent dans la région des Aurès (Est), fief de Moustapha Ben Boulaïd.

La France, qui n’avait rien vu venir, s’emballe et prend conscience de la gravité et de l’ampleur du mouvement d’insurrection.

Dès le 5 novembre, le ministre français de l’Intérieur de l'époque, un certain François Mitterrand, multiplie les discours et estime que «la seule négociation, c’est la guerre», avant de préciser deux jours plus tard que «l’Algérie c’est la France, et que la France ne reconnaîtra pas, chez elle, d’autre autorité que la sienne».

Ces deux déclarations, ne laissent que peu de doute sur la méthode qui sera employée par Paris pour faire cesser la progression du soulèvement indépendantiste.

Le Premier ministre Pierre Mendès-France prendra de son côté la parole face à l’Assemblée Nationale pour faire savoir qu’« à la volonté criminelle de quelques hommes, doit répondre une répression sans faiblesse ».

Sans l’ombre d’une hésitation, la France choisit de réprimer. La guerre d’Algérie commence avec son lot de massacres, de crimes et autres forfaits commis par l'armée française, épaulés par des supplétifs internes, traîtres de leur patrie, appelés les Harkis, qui ont dû regagner la "Métropole" après 1962 où ils ont été parqués dans des camps.

67 ans plus tard, les plaies de ce conflit, où les pires tortures ont été commises sous couvert de l'autorité politique française, ne se sont toujours pas refermées et laissent toujours leur ombre sur une relation "passionnelle" entre Alger et Paris.

Depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron multiplie les gestes « d’apaisement » concernant le passé colonial français, mais ravive la colère par certaines de ses déclarations.

Après avoir commandé un rapport à l’historien Benjamin Stora visant à « dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie », le chef de l’Etat a également pris la décision de rendre les crânes de résistants algériens conservés au musée de l’Homme.

Mais les postures ambivalentes du président français n’en finissent plus de crisper Alger et les relations entre les deux pays ont connu depuis la fin de l’été 2021, de nouvelles tensions.

Le 20 septembre, Emmanuel Macron, qui a reçu 300 représentants de harkis, avait demandé « pardon » aux « combattants ayant subi les camps, la prison et le déni », estimant que la France « a manqué à ses devoirs envers les harkis, leurs femmes, leurs enfant ».

Le chef de l’Etat en a profité pour annoncer que l’exécutif « portera avant la fin de l'année un projet visant à inscrire dans le marbre des lois, la reconnaissance et la réparation à l'égard des harkis ».

À ces déclarations, le ministre des Moudjahidine, Laïd Rebigua avait furtivement réagi en assurant que « le pardon de la France aux Harkis est une question purement française qui ne concerne en rien l’Algérie ».

Parallèlement à cela, et alors qu’il était très attendu sur le sujet, Emmanuel Macron, qui a commémoré le massacre du 17 octobre, ne s’est pas ouvertement excusé et n’a pas reconnu de manière officielle, qu’il s’agit d’un crime d’Etat.

Le clou a été définitivement enfoncé au moment de la réception des harkis, alors que le chef de l’Etat a saisi l’occasion pour critiquer une « histoire officielle » qui aurait été « totalement réécrite et qui ne s’appuie pas sur des vérités » mais sur « un discours qui, repose sur une haine de la France ».

« La nation algérienne post-1962 s’est construite sur une rente mémorielle, et qui dit : tout le problème, c’est la France », a-t-il poursuivi avant de déclarer que « le système politico-militaire » algérien « s’est construit sur cette rente mémorielle ».

Il a également estimé que « le système algérien est fatigué » et que « le Hirak l’a fragilisé ».

La réaction algérienne ne s’est pas faite attendre et El Mouradia, qui a dans un premier temps rappelé son ambassadeur à Paris, a également fait le choix d’interdire aux avions militaires français, de survoler son espace aérien.

Ces épisodes sont autant d’illustrations de l’ombre du passé colonial et des exactions de l’Etat français, qui continuent de hanter les relations entre la France et l’Algérie.

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.