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Guerre en Ukraine : jusqu'où ira Macron ?

- « En cas de future agression armée russe contre l'Ukraine (...)», la France et l'Ukraine «mèneront des consultations dans les 24 heures pour déterminer les mesures nécessaires pour contrer ou dissuader l'agression »

Lassaad Ben Ahmed  | 14.03.2024 - Mıse À Jour : 15.03.2024
Guerre en Ukraine : jusqu'où ira Macron ?

France

AA / Tunis / Lassaad Ben Ahmed

Après avoir signé, le 16 février 2024, un accord de coopération, notamment sécuritaire, avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le président français Emmanuel Macron a obtenu l'approbation symbolique des deux chambres du Parlement qui ont examiné, débattu et voté ledit accord avec des majorités confortables aussi bien à l'Assemblée nationale ( 372 voix favorables / 577 ) qu'au Sénat ( 293 /348).

Le vote, qui a eu lieu les 12 et 13 mars courant, respectivement à l'Assemblée nationale et au Sénat, n'est pas contraignant pour le gouvernement, selon l'article 50-1 de la Constitution française, mais il revêt une dimension symbolique.

Désormais, ce n'est plus un simple engagement du président français, mais de toute la Nation, comme l'a bien souligné le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, juste après l'annonce des résultats du vote à l'Assemblée : "l’Assemblée nationale a envoyé un message clair au peuple ukrainien : la France est avec vous", a-t-il jubilé.


- Que dit l'accord franco-ukrainien ?

L'accord qui prend effet dès sa signature, le 16 février 2024, pour une durée de 10 ans, prévoit un engagement de la France à fournir « 3 milliards d’euros de soutien supplémentaire » sur l’année 2024, ainsi qu’un « soutien structurel à la réforme du secteur de la défense » et à « la défense des frontières, au génie, à la fortification, à la surveillance ».

De même, la France s’engage à « renforcer la chaîne d’approvisionnement en matériaux critiques nécessaires à la fabrication de munitions et d’autres armes prioritaires, en particulier les munitions de gros calibre ».

La France participera également « au développement des capacités de protection des infrastructures critiques de l'Ukraine, y compris par des moyens militaires, en donnant la priorité, sans s'y limiter, aux capacités modernes de défense aérienne».

Cet accord bilatéral prévoit par ailleurs que la France aide « l’Ukraine à rejoindre les instruments collectifs de lutte contre l’ingérence étrangère et la manipulation de l’information » et affirme que « la Fédération de Russie doit payer pour la reconstruction à long terme de l’Ukraine ».

Aussi, est-il précisé dans le texte de l'accord publié sur le site de l'Elysée, qu’en « cas de future agression armée russe contre l'Ukraine, à la demande de l'un ou l'autre des deux [parties]», la France et l'Ukraine « mèneront des consultations dans les 24 heures pour déterminer les mesures nécessaires pour contrer ou dissuader l'agression ».


- Contours de l'engagement français

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022, la France s'est rangée du côté de l'Ukraine en apportant une aide financière, en armement, au niveau diplomatique, en accueillant des réfugiés ukrainiens et en facilitant l'écoulement des exportations ukrainiennes sur le marché français.

Selon une publication récente du ministère des Armées, la France a ainsi livré pour une valeur totale de 2,615 milliards d’euros d’équipements militaires à l’Ukraine, auxquels viennent s’ajouter 1,2 milliard d’euros donnés à la Facilité Européenne pour la Paix (FEP), soit un soutien de plus de 3,8 milliards d’euros entre le 24 février 2022 et le 31 décembre 2023.

La France a initié plusieurs conférences et réunions internationales pour inciter ses partenaires de l'OTAN et de l'Union européenne, à apporter une aide conséquente à l'Ukraine, la dernière en date a eu lieu le 26 février dernier à Paris et au cours de laquelle le président Macron n'a pas exclu l'envoi de troupes occidentales en Ukraine.

Macron considère de fait que l'offensive russe en Ukraine menace la sécurité de toute l'Europe et, partant de ce constat, ne dissimule pas son intention d'empêcher la Russie de gagner, mais « sans entrer dans une logique d'escalade ».

Il a ainsi appelé les alliés à « ne pas être lâches » face à la guerre en Ukraine et à « être à la hauteur de l’Histoire et du courage qu’elle implique ».

« Le succès de l'Ukraine, c'est aussi l'intérêt des Français », a, pour sa part, souligné le Premier ministre Gabriel Attal devant l'Assemblée nationale et le Sénat, insistant sur le fait que « la Russie est une menace » pour la France.


- Réactions en France et au-delà

Si l'accord franco-ukrainien a été largement voté par les deux chambres du Parlement français, l'aide à l'Ukraine, elle, ne fait pas l'unanimité en France. La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN) ont sévèrement critiqué les propos du président français concernant l'envoi de troupes en Ukraine.

« Emmanuel Macron joue au chef de guerre mais c’est la vie de nos enfants dont il parle avec autant d’insouciance. C’est la paix ou la guerre dans notre pays dont il s’agit », a notamment déclaré Marine Lepen, présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée nationale.

"La guerre contre la Russie serait une folie. Cette escalade verbale belliqueuse d'une puissance nucléaire contre une autre puissance nucléaire majeure est déjà un acte irresponsable", a, pour sa part considéré le président de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.

A l'occasion du vote de l'accord franco-ukrainien, Mélenchon a dénoncé un double standard de l'Exécutif français vis-à-vis de la guerre en Ukraine en comparaison aux positions de la France concernant l'agression israélienne contre Gaza.

"Argumentation en mode double standard écœurante pour faire voter un accord déjà signé, l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN et dans l'Union européenne. Trois erreurs dans un seul vote", a-t-il notamment indiqué.

A l'international, l’OTAN et l'Union européenne ne sont pas unanimes quant à l'idée d'envoi de troupes occidentales en Ukraine, alors que la Russie a dénoncé une "ligne directe pour une escalade des tensions", qualifiant les intentions françaises de "dangereuses, très dangereuse".

Face au tollé provoqué par cette hypothèse, Emmanuel Macron a rapidement tempéré ses déclarations en assurant qu’il ne s’agissait pas d’envoyer des troupes au sol en Ukraine mais d’aider le pays sous d’autres formes.

Pour rappel, le 24 février 2022, la Russie a lancé une opération militaire en Ukraine, ce qui a provoqué de multiples réactions à l’échelle internationale notamment de l'Union européenne et des Etats-Unis, ainsi que l'imposition de sanctions financières et économiques inédites et des plus sévères à l'endroit de Moscou.

La Russie affirme être intervenue pour protéger les populations russophones majoritaires dans les régions séparatistes du Donbass, notamment celles de Donetsk et de Lougansk qui souhaitaient obtenir leur indépendance de l'Ukraine et qui ont fini par être annexées par la Russie suite à deux référendums tenus en septembre 2022 dans ces territoires.

La Russie pose, par ailleurs, comme préalable, pour mettre un terme à son opération, le renoncement de l'Ukraine à ses plans d'adhésion à des entités et alliances militaires, dont l'Otan, et l’adoption d’un statut de ‘’neutralité totale’’, ce que Kiev considère comme étant une ‘’ingérence dans sa souveraineté’’.

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