Gaza:“La phase la plus horrible de la campagne de famine menée par Israël”, alerte un rapporteur de l’ONU
« Nous sommes à l’étape la plus horrifique de la campagne de famine menée par Israël. Nous entrons dans un degré d’horreur que nous n’aurions jamais pu imaginer », a-t-il déclaré à Anadolu.

Geneve
AA/Genéve/Beyza Binnur Donmez
Israël inflige des horreurs d’une ampleur inédite aux Palestiniens de Gaza, en les soumettant à l’une des campagnes de famine les plus graves de l’histoire, a averti Michael Fakhri, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, appelant à une intervention urgente de l’Assemblée générale de l’ONU.
« Nous sommes à l’étape la plus horrifiante de la campagne de famine menée par Israël. Nous entrons dans un degré d’horreur que nous n’aurions jamais pu imaginer », a-t-il déclaré à Anadolu.
Et d'ajouter : « Le taux de décès dus à la faim, à la malnutrition et aux maladies, parce que le système immunitaire est affaibli, augmente de façon exponentielle. »
Interrogé sur la gravité de la situation à l’échelle mondiale, Fakhri a été sans équivoque : « Sans aucun doute… Jamais une campagne de famine n’a été mise en œuvre aussi rapidement et complètement. Cette vitesse est propre à Israël… et elle touche l’ensemble de la bande de Gaza, soit 2,3 millions de personnes. »
Le responsable onusien a souligné qu’il ne fait « aucun doute » qu’Israël porte la responsabilité de cette crise alimentaire.
Il rappelle que le blocus imposé à Gaza dure depuis un quart de siècle, et que bien avant octobre 2023, la moitié de la population était déjà en situation d’insécurité alimentaire, 80 % dépendant de l’aide humanitaire.
Depuis le début de la guerre qualifiée de génocidaire par de nombreuses organisations, Israël a interrompu l’acheminement de l’aide vers Gaza pendant plusieurs mois. Près de 60 000 Palestiniens ont été tués, et des dizaines de milliers d’autres blessés, en majorité des femmes et des enfants.
Entre mars et fin mai, aucune livraison de nourriture, d’eau ou de médicaments n’a été autorisée par Israël. Selon le ministère de la Santé de Gaza, au moins 101 Palestiniens dont 80 enfants sont morts de malnutrition depuis octobre 2023.
Mardi, les autorités ont signalé la mort de 15 Palestiniens supplémentaires, dont quatre enfants, en l’espace de 24 heures, confirmant l’aggravation dramatique de la crise de la faim provoquée par Israël.
Les Palestiniens tentant d’accéder à la maigre aide autorisée font face à une autre horreur sur les sites de distribution, contrôlés par la controversée Fondation humanitaire de Gaza (GHF), soutenue par Israël.
Selon Philippe Lazzarini, chef de l’UNRWA, plus de 1 000 Palestiniens affamés ont été tués par l’armée israélienne en tentant de récupérer de la nourriture depuis fin mai.
**Israël vise à «détruire le système alimentaire de Gaza»
Des experts indépendants de l’ONU, dont Michael Fakhri, ont officiellement reconnu dès juin 2024 l’existence de conditions de famine à Gaza, sur la base de témoignages directs et de premières preuves de la faim sévère.
Cependant, l’ONU n’a pas encore officiellement déclaré la famine à Gaza, une décision technique qui suscite de plus en plus de critiques.
Fakhri a affirmé que les critères ne devraient pas se limiter aux bilans de décès ou à des mesures techniques. Les agences humanitaires attendent souvent des données complètes, mais selon lui, une approche basée sur les droits humains exige une reconnaissance et une action immédiates.
« Nous parlerons de famine dès qu’un premier enfant mourra de malnutrition et de faim, » a-t-il déclaré. « Nous n’avons pas besoin d’attendre qu’un deuxième enfant meure. Nous n’avons pas besoin d’attendre d’avoir assez de données. »
Fakhri a également dénoncé l’approche « horrifiante » d’Israël envers l’aide humanitaire, l’accusant de marginaliser activement l’ONU et de démanteler systématiquement l’infrastructure alimentaire de Gaza.
« Ce n’est pas qu’une question d’aide humanitaire. C’est la destruction du système alimentaire, » a-t-il expliqué. « Ce sont des terres agricoles détruites, des sols empoisonnés, des pêcheurs et leurs bateaux anéantis.»
**Appel à une action mondiale : Casques bleus, sanctions, justice
Face au blocage fréquent du Conseil de sécurité de l’ONU, en grande partie dû au droit de veto exercé par des membres permanents comme les États-Unis, Michael Fakhri a exhorté les gouvernements à utiliser l’autorité de l’Assemblée générale des Nations unies pour intervenir.
« L’Assemblée générale a le pouvoir de demander la présence de casques bleus pour accompagner les convois humanitaires afin qu’ils entrent à Gaza, » a-t-il expliqué.
« C’est ce qui doit se passer. La majorité des gouvernements dans le monde souhaitent agir ainsi. »
Il a souligné que résoudre la crise actuelle nécessite une action rapide, indépendante de l’accord d’Israël. « Nous ne pouvons pas attendre la permission d’Israël, » a-t-il insisté.
Fakhri a également appelé les États à appliquer les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant.
La pression économique régionale doit également s’intensifier, a-t-il affirmé, en soulignant : « Les pays de la région, en particulier les pays arabes, doivent imposer de vraies sanctions larges pour contraindre Israël à respecter le droit international. »
Malgré l’inaction des gouvernements, Fakhri a reconnu une montée de l’activisme et de la pression de la société civile à l’échelle mondiale, avec un engagement accru à travers des flottilles, des manifestations et des marches mondiales.
« Ils exercent une vraie pression sur leurs gouvernements, et ils doivent continuer, car ça fonctionne, » a-t-il affirmé.
Il a mis en garde contre les conséquences à long terme de la campagne de famine menée par Israël contre les Palestiniens.
« Les effets de cette campagne de famine seront ressentis par le peuple palestinien pendant des générations, » a-t-il déclaré, citant des recherches récentes montrant que le traumatisme lié à la famine peut même modifier la transmission génétique.
Malgré la situation sombre, Fakhri estime que les moyens pour arrêter les atrocités israéliennes existent : «Le monde peut mettre fin aujourd’hui à cette campagne de famine, et nous savons comment : Premièrement, il faut cesser d’envoyer armes et financements à Israël, et deuxièmement, les pays ayant des accords économiques avec Israël doivent imposer des sanctions.»
*Traduit de l'anglais par Sanaa Amir
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