Gaza / Deux ans de génocide : Les humanitaires face à la faim et à la mort aux côtés de ceux qu’ils aident
- Au moins 265 travailleurs humanitaires avaient été tués dans le monde au 14 août 2025, approchant le bilan de l’année précédente qui s’élevait à 383, selon la Base de données sur la sécurité des travailleurs humanitaires

Geneve
AA / Genève / Beyza Binnur Donmez
Une « tempête humanitaire parfaite » – c’est ainsi que la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) décrit la situation à Gaza, où les travailleurs humanitaires subissent la même faim et la même peur que les personnes qu’ils tentent d’aider.
Cet avertissement survient alors que la guerre en Israël approche de sa troisième année, après ce que les agences humanitaires qualifient de l’année la plus meurtrière jamais enregistrée pour les travailleurs humanitaires – et l’année 2025 suit déjà la même trajectoire.
« L’année dernière a été l’année la plus meurtrière jamais enregistrée pour nos collègues tués dans différentes organisations – nous parlons de centaines », a déclaré Tommaso Della Longa, porte-parole de la FICR, à Anadolu. « La grande majorité, malheureusement, provient de Gaza, de la Cisjordanie et du Soudan. Et 2025 suit déjà la même tendance. »
Au moins 265 travailleurs humanitaires avaient été tués dans le monde au 14 août 2025, approchant le bilan de l’année précédente qui s’élevait à 383, selon la Base de données sur la sécurité des travailleurs humanitaires.
Les dernières statistiques de l’ONU indiquent que les forces israéliennes ont tué au moins 562 travailleurs humanitaires à Gaza au cours des deux dernières années, dont 376 membres du personnel de l’ONU et 54 employés et volontaires de la Société du Croissant-Rouge palestinien.
Alors que la violence contre les travailleurs humanitaires atteint des niveaux historiques, la FICR met en garde : Gaza se trouve au cœur d’une tendance qui risque de faire des attaques contre les humanitaires une nouvelle caractéristique de la guerre. « Le risque ici est de normaliser ce qui ne devrait jamais l’être », a déclaré Della Longa, déplorant que des personnes qui consacrent leur vie à sauver les autres soient au contraire « attaquées, tuées, blessées ou détenues ».
- Vivre avec la faim et la famine
À l’intérieur de Gaza, où l’ONU a officiellement déclaré la famine fin août, les difficultés sont accablantes. Les travailleurs humanitaires racontent que des collègues disent aux enfants d’aller se coucher tôt pour ne pas ressentir la faim ou qu’ils gardent un seul morceau de pain jusqu’à la fin de la journée pour le donner à leurs enfants.
« Un collègue m’a expliqué ce que signifie vivre avec la famine et la faim : on rêve de nourriture qu’on ne peut pas avoir, et quand on obtient enfin ne serait-ce qu’un morceau de pain, il faut le garder pour son enfant », a déclaré Della Longa. « Puis, après le lui avoir donné, il faut s’excuser et lui demander d’attendre encore un peu, car vous ne pourrez pas en fournir davantage. En tant que père moi-même, j’ai trouvé cela absolument choquant. »
Médecins et infirmiers à Gaza travaillent frénétiquement, souvent sans repos ni réponse à leurs besoins élémentaires, endurant des pertes et souffrances personnelles inimaginables tout en essayant de sauver ceux qui tombent victimes des attaques israéliennes incessantes.
« Il n’y avait jamais personne pour les remplacer… même pour quelques jours. Ils ont été tués, ils n’étaient pas protégés, et maintenant même eux ne savent plus comment prendre leurs repas pendant la journée », a-t-il ajouté. « Affaiblir médecins et infirmiers, c’est affaiblir des communautés entières. »
Carla Drysdale, porte-parole de l’Organisation mondiale de la Santé, a partagé cette inquiétude et a attiré l’attention sur les attaques qui ont non seulement détruit le fonctionnement des hôpitaux et des ambulances, mais ont également blessé et tué des milliers de professionnels de santé.
Les deux organisations soulignent que sans protection et accès, l’action humanitaire à Gaza restera paralysée.
- L’impunité ici risque de devenir l’impunité partout
Au cours des deux dernières années, Israël a tué plus de 67 000 Palestiniens à Gaza, pour la plupart des femmes et des enfants, et en a blessé près de 170 000, selon les chiffres des autorités palestiniennes confirmés par l’ONU et d’autres organisations internationales.
Une commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU a conclu le mois dernier qu’Israël commet un génocide dans l’enclave, où son siège et son blocus de tous les produits essentiels ont aussi provoqué une famine ayant tué plus de 450 Palestiniens, dont plus de 150 enfants.
Au début du mois d’août, des experts de l’ONU ont averti que la destruction ciblée par Israël du système de santé de Gaza équivaut à un « médicide ».
Dans une déclaration, les rapporteurs spéciaux de l’ONU, Tlaleng Mofokeng et Francesca Albanese, ont affirmé qu’Israël « attaque délibérément et affame les travailleurs de la santé, les ambulanciers et les hôpitaux afin d’anéantir les soins médicaux dans l’enclave assiégée ».
« En plus d’être témoins d’un génocide en cours, nous assistons également à un ‘médicide’, une composante sinistre de la création intentionnelle de conditions destinées à détruire les Palestiniens à Gaza, ce qui constitue un acte de génocide », ont déclaré les experts.
Della Longa a averti que l’érosion du respect envers les travailleurs humanitaires ne se limite plus aux zones de guerre.
« Si l’on pense à il y a dix ans, parler de la protection des humanitaires de cette manière aurait été incompréhensible, car on n’attaque pas les humanitaires. Cette tendance est désormais si largement répandue qu’elle est profondément préoccupante et choquante. »
Il a appelé à l’application du respect des lois existantes et souligné la nécessité de mécanismes pour mettre fin à l’impunité.
« S’il y a impunité une fois, cela signifie qu’il y aura impunité partout. C’est un précédent que nous ne pouvons pas accepter », a-t-il déclaré.
« Le problème réside dans la volonté politique. Les humanitaires doivent accomplir leur travail et appeler les gouvernements à assumer leurs propres responsabilités », a-t-il ajouté.
Il a conclu par un appel : « Ne tirez pas sur la Croix-Rouge. Ne tirez pas sur les humanitaires. Ne tirez pas sur ceux qui sauvent des vies et soulagent la souffrance. »
*Traduit de l'anglais par Ben Amed Azize Zougmore
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