AA / Berlin / Ayhan Şimşek

L'Allemagne a longtemps méconnu la menace terroriste de l'extrême droite, a déclaré, lundi, le président Frank-Walter Steinmeier, qui a appelé à une intensification des efforts pour lutter contre l'extrémisme de droite.

"Les extrémistes de droite et les racistes déshumanisent les individus et répandent la peur et le sentiment d'inquiétude parmi leurs victimes potentielles. C'est ce que j'appelle le terrorisme", a déclaré Steinmeier lors d'une cérémonie, organisée à Solingen, à la mémoire des victimes d'un incendie criminel raciste survenu en 1993, qui avait fait cinq morts parmi les membres d'une famille turque.

Steinmeier a déclaré que pendant de nombreuses années, lorsqu'un attentat d'extrême droite se produisait en Allemagne, les autorités considéraient qu'il s'agissait d'un incident ponctuel, perpétré par un auteur isolé.

"Les structures sous-jacentes et l'idéologie des auteurs ont longtemps été négligées, méconnues et parfois occultées", a-t-il déclaré.

"Le terrorisme d'extrême droite est responsable des décès survenus ici à Solingen. Ce terrorisme d'extrême droite existait avant Solingen, et il existe encore après Solingen. Il y a une continuité de la violence d'extrême droite dans notre pays", a ajouté le président allemand.

** Hommage à Mevlude Genc

Le président Steinmeier a rendu hommage à Mevlude Genc, rescapée de cette attaque et décédée en 2022, pour sa position exemplaire et ses appels répétés à la retenue, à la réconciliation et à la compréhension.

"Même dans les jours agités qui ont suivi l'incendie criminel, elle n'a cessé de répéter qu'il ne fallait pas répondre à la violence par la violence. Pour elle, la solidarité et l'humanité étaient plus fortes que la haine", a-t-il déclaré, rappelant qu'elle avait perdu cinq membres de sa famille dans cette attaque.

"Mevlude Genc n'a pas seulement prôné la réconciliation, elle a également souligné que notre société tout entière devait prendre des mesures énergiques contre l'extrémisme de droite, la haine et la violence - notamment les institutions de l'État", a déclaré Frank-Walter Steinmeier.

** Racisme institutionnel

Le président allemand a souligné qu'il était du devoir de l'État de protéger toutes les personnes, en particulier celles qui sont le plus susceptibles d'être victimes de violences. Il a également souligné qu'il fallait redoubler d'efforts pour s'attaquer à ce problème dans les rangs de la police.

"Je suis stupéfait lorsque je découvre que des membres des forces de sécurité, censés prévenir les attentats d'extrême droite, sont en fait membres de groupes de discussion d'extrême droite. Nous ne pouvons et ne devons pas tolérer cela", a-t-il souligné.

Steinmeier a également souligné que la lutte contre l'extrémisme de droite et le racisme nécessitait un engagement social plus large et plus concret.

"Lorsque je parle d'une démocratie bien ancrée, cela signifie pour moi : être ferme face à ceux qui propagent des discours de haine et de violence ; être fort contre ceux qui ne veulent pas accepter la diversité de notre pays", a-t-il déclaré.

À Solingen, en 1993, dans un contexte de ressentiment envers les étrangers après l'unification des deux Allemagnes, la maison de la famille d'immigrés turcs a été incendiée par des néo-nazis.

Selon la Fondation Amadeu Antonio, organisation de défense des droits de l'homme, au moins 213 personnes ont été tuées en Allemagne par des néo-nazis depuis 1989.

Le racisme demeure un problème majeur dans le pays, les données officielles faisant état d'une recrudescence des crimes d'extrême droite au cours des dernières années.

L'année dernière, les extrémistes de droite ont perpétré 1 170 attaques violentes visant des migrants, des réfugiés ou des opposants politiques. Au moins 675 personnes ont été blessées lors de ces attaques.

*Traduit de l’Anglais par Mourad Belhaj