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France / Violences policières : La sœur d'une victime appelle à l'abrogation de la "loi Cazeneuve"

- Dans le contexte de la mort d'un jeune homme à Aubervilliers, Anadolu a interrogé la sœur d'une victime, qui manifestait samedi contre les violences étatiques et le racisme institutionnel.

Ümit Dönmez  | 20.03.2024 - Mıse À Jour : 21.03.2024
France / Violences policières : La sœur d'une victime appelle à l'abrogation de la "loi Cazeneuve"

Ile-de-France

AA / Paris / Ümit Dönmez


La sœur d'une victime de violence policière, interrogée samedi par Anadolu, a appelé à l'abrogation de la "loi Cazeneuve", qu'elle a décrite comme un "permis de tuer". Cette revendication est également partagée par Manuel Bompard, coordinateur de La France Insoumise (LFI), qui a évoqué la mort d'un jeune homme à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), mercredi 13 mars, suite à une intervention policière.

Pour rappel, selon l'article L.435-1 du Code de la sécurité intérieure (CSI), en application de la "loi Cazeneuve", les policiers peuvent tirer en cas de refus d’obtempérer, s’ils ne sont pas en capacité d'arrêter un véhicule autrement que par l’usage d’arme et si le conducteur "est susceptible de perpétrer […] des atteintes à leur vie ou leur intégrité physique et celle d’autrui".

Il s'agit d'une loi qui est dénoncée par plusieurs ONG et institutions onusiennes.


- Manifestation contre les violences étatiques


Le correspondant d'Anadolu s'est rendu, ce samedi, à la marche annuelle et internationale contre "les violences, les crimes d’État et le racisme systémique", qui s'est tenue à Paris.

Rassemblés place de la République en début d'après-midi à l'appel du Réseau d'entraide, vérité et justice, les manifestants ont dénoncé les violences policières, pénitentiaires, psychiatriques et judiciaires, ainsi que l’impunité de ces violences. "Stop aux crimes d'État" "Solidarité avec les victimes" et "Non au fascisme", pouvait-on lire sur les banderoles et pancartes déployées à cette occasion, selon le correspondant d'Anadolu.

"La violence policière, on n'en veut pas", "La police tue, la police assassine", ont scandé les manifestants appelant à la justice pour les victimes des violences et de la xénophobie. Cette marche annuelle et internationale, qui s'est tenue dans la capitale française, vise à protester contre les violences et le racisme systémiques, avec une importance particulière accordée à la lutte contre les violences policières, carcérales, psychiatriques et judiciaires.

Les organisateurs mettent l'accent sur la solidarité avec les familles des victimes et les survivants. Ils dénoncent "l'impunité policière" et "la complicité de la justice", appelant à l'action collective pour la vérité, la justice et les réparations. L'initiative s'inscrit dans un contexte global de prise de conscience et de contestation des abus étatiques. En France, les mouvements sociaux récents ont mis en lumière des cas de violences et de racisme institutionnels, suscitant des débats et des actions citoyennes.

Cette marche se présente donc comme un moment clé pour rallier les différentes voix et renforcer la lutte contre ces injustices.



- Témoignage de la sœur d'une victime

Dans le cadre cette manifestation, le correspondant d'Anadolu (AA) a interrogé Fatou Dieng, la sœur de Lamine Dieng, un homme franco-sénégalais, âgé de 25 ans, mort suite à un plaquage ventral opéré par quatre policiers dans un fourgon au cours de son interpellation, le 17 juin 2007 à Paris. Malgré la quête de justice de sa famille, l'affaire a abouti à un non-lieu.

"Nous demandons la suspension et la radiation définitive de tous les agents qui sont mis en cause pour homicide, ainsi que les agents qui sont auteurs de propos et actes racistes," a d'abord tenu à souligner Fatou Dieng au micro d'AA.

La sœur de Lamine a également appelé le public à "ne pas attendre d'être concerné pour agir".

"Cela va faire 17 ans que mon frère a été tué, et ce n'est pas pour autant qu'on a arrêté la lutte. On est allé jusqu'à la Cour européenne. Donc, c'est vraiment le bout du bout, pour rétablir la vérité et avoir une reconnaissance de son assassinat. Et donc, pour cela, ce que nous faisons, ce n'est pas pour nous-mêmes. On a dépassé notre propre histoire : là, c'est vraiment pour la survie d'autres personnes, pour faire la prévention et de pouvoir dénoncer ces violences-là", a-t-elle estimé.

Interrogée sur ce qu'elle attend du point de vue législatif, elle a déclaré que "ce que nous attendons toutes, tous, c'est qu'au niveau de l'Assemblée nationale, que les lois qui sont votées soit abrogées, à savoir déjà l’article de loi L.435-1 ["Loi Cazeneuve"], qu'on appelle 'permis de tuer' qui est soi-disant de la 'légitime défense', ainsi que toutes ces lois meurtrières, racistes, sécuritaires".



- Drame d'Aubervilliers


Trois jours avant la marche annuelle et internationale contre "les violences, les crimes d’État et le racisme systémique", qui s'est tenue à Paris, un autre drame est survenu à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).

En début de soirée mercredi, un scooter monté par deux jeunes hommes était poursuivi par la police après un refus de contrôle. Dans une avenue de cette commune située en périphérie de Paris, le deux-roues a été heurté par un véhicule d'une brigade anti-criminalité (BAC) appelé en renfort, qui arrivait en sens inverse.

Dans la collision, le conducteur Wanys, âgé de 18 ans, a été tué et son passager blessé. Une vidéo du drame a d’ailleurs été largement diffusée sur les réseaux sociaux et dans les médias. "La vidéo montre que c'est le véhicule de police qui fait une embardée et qui percute à contre-sens et volontairement le scooter", a estimé vendredi, dans un communiqué, Maître Yassine Bouzrou, avocat de la famille de Wanys et du passager blessé.

Les trois policiers qui se trouvaient dans le véhicule impliqué dans la collision ont été entendus en audition libre par les enquêteurs de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).



- Un mort par mois en France

Lors de la conférence de presse hebdomadaire de La France Insoumise (LFI), Manuel Bompard, coordinateur du parti, a tenu à "rappeler le drame qui a eu lieu mercredi dernier à Aubervilliers, avec ce jeune homme qui a été fauché par une voiture de police".

"Nous voulons rappeler que neuf mois après la mort du jeune Nahel, c'est encore une fois un jeune homme qui meurt suite à une intervention policière", a déclaré Bompard, faisant référence à la mort du jeune homme en juin dernier suite à une intervention policière à Nanterre (Hauts-de-Seine). Cet événement tragique avait mené à une semaine d'émeutes dans de nombreuses villes de France.

"Suite à la mort du jeune Nahel, nous, les Insoumis, avons alerté, sur la nécessité que la question du rapport conflictuel et dégradé entre la police et une partie de la population, soit traitée et que cette question amène des réponses politiques. Le président de la République, la minorité présidentielle, après la mort du jeune Nahel, ont voulu parler de tout sauf du sujet qui avait été la cause des révoltes populaires auxquelles on a assisté au mois de juillet dernier", a estimé le coordinateur LFI.

"Et, malheureusement, on se retrouve aujourd'hui avec un nouveau drame. Donc, nous continuons à demander qu'enfin le travail soit fait pour revenir sur la loi Cazeneuve qui a permis et qui s'est traduit par une augmentation du nombre de morts suite à des refus d'obtempérer. Je vous rappelle qu'il y a eu un mort en dix ans en Allemagne suite à un refus d'obtempérer et qu'en France, il y a un mort par mois", a-t-il tenu à souligner. Il s'agit d'un chiffre confirmé par les sources officielles.

"Nous demandons qu'enfin cette question soit traitée politiquement, c'est-à-dire que cette loi soit révisée, soit abrogée, que les demandes de transparence, de vérité et de justice qui sont exprimées par la famille de ce jeune homme, soient suivies des faits. Il y a notamment une demande de dépaysement de l'enquête, pour que l'enquête puisse être faite dans des conditions irréprochables en matière de transparence et de vérité, et ce sont des demandes que nous soutenons et que nous appuyons", a conclu Manuel Bompard.



- Violences policières en France

Pour rappel, l'Organisation des Nations Unies (ONU), ainsi que plusieurs ONG, ont appelé, en 2023, la France à se pencher sur "les sérieux problèmes de racisme" parmi les forces de l'ordre, ainsi qu'à la refondation des règles d'usage des armes par les forces de l'ordre.

"L’homicide de Nahel M. est un exemple tragique des failles de la formulation élargie figurant dans l’article L.435-1 : la vidéo publiquement disponible de cet homicide montre que l’avancée du véhicule ne constituait pas une menace pour les policiers puisqu’ils se trouvaient sur le côté du véhicule, et non devant lui," a souligné Amnesty International, faisant référence à l'application du code de sécurité intérieure selon une loi votée en 2017 (dite "Loi Cazeneuve", du nom de l'ancien ministre de l'Intérieur du président François Hollande) qui a modifié les conditions d’ouverture du feu par les forces de l'ordre.

Jusqu'à l'application de cette loi, les policiers étaient soumis au Code pénal et au principe de la légitime défense, comme tous les citoyens français. Sur la seule année 2022, 13 personnes ont été tuées par des policiers lors de contrôles routiers, suite à des refus d’obtempérer.

De nombreuses violences policières ont également été constatées en 2023, en marge de manifestations, notamment contre la réforme des retraites. Plusieurs journalistes ont également été victimes de coups par les forces de l'ordre alors qu'ils suivaient une manifestation en hommage à Adama Traoré et contre ces violences policières, en juillet 2023.

La mort d'Adama Traoré, un jeune homme de 24 ans, survenue le 19 juillet 2016 à la gendarmerie de Persan, Val-d'Oise, continue d'agiter la France. Après son arrestation à Beaumont-sur-Oise, la famille et les proches d'Adama se sont rapidement mobilisés, exigeant des réponses sur les circonstances de son décès. Cette affaire judiciaire, marquée par des allégations d'homicide involontaire, d'entrave à l'enquête et de non-assistance à personne en danger, a pris une dimension internationale, notamment après le meurtre de George Floyd aux États-Unis en 2020.

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