
France
AA / Tunis / Salim Boussaïd
Une Commission de magistrats français du département de l'Hérault (sud) a donné un avis favorable, mercredi, pour l'expulsion de l'influenceur algérien "Doualemn", déjà condamné à 5 mois de prisons avec sursis et visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Suivi par plus de 138 mille fans, Doualemn, Boualem Naman de son vrai nom, 59 ans, était poursuivi depuis janvier dernier pour incitation à la violence après une publication sur les réseaux sociaux.
Suite à cette publication, il a été expulsé suite à une décision du ministère de l'Intérieur, arguant que l'influenceur constituait une menace à l'ordre public. Il a été, toutefois, refoulé par l'Algérie, faute de laissez-passer consulaire et pour "non-respect de la procédure", selon Alger.
L'affaire a tourné en incident diplomatique entre Paris et Alger, dont les relations étaient déjà tendues à cause de la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental à l'été dernier.
Après son refoulement, Doualemn a été placé dans un Centre de rétention administrative (CRA). Il a été libéré après que la justice administrative a suspendu son expulsion, puis annulé son obligation de quitter le territoire français (OQTF), demandant aux autorités de réexaminer sa situation.
Jeudi dernier, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Montpellier, à 5 mois de prison avec sursis pour "provocation non suivie d’effet à commettre un crime ou un délit".
Dans la foulée, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, avait évoqué des mesures de rétorsion si Alger "continuait l’escalade".
Dans un entretien sur LCI, il s’était dit "stupéfait" par le refus de l’Algérie de reprendre l’influenceur. Parmi les options évoquées figuraient une révision des quotas de visas, une réduction de l’aide au développement ou des ajustements dans la coopération bilatérale.
"La France n’aura pas d’autre possibilité que de riposter si cette posture persiste" avait-il mis en garde.
De son côté, Bruno Retailleau avait vivement critiqué la décision des autorités algériennes de refuser l’entrée de Doualemn, estimant que "l’Algérie cherche à humilier la France" et qualifiant cette situation de "seuil extrêmement inquiétant".
-- Réaction algérienne
En réaction, la diplomatie algérienne avait, dans un communiqué, dénoncé avec fermeté ce qu’elle avait qualifié de "campagne de désinformation" menée par certains courants politiques en France, notamment l’extrême droite, à l’encontre de l’Algérie.
"L’Algérie n’est, d’aucune façon, engagée dans une logique d’escalade, de surenchère ou d’humiliation", avait affirmé la diplomatie algérienne qui accuse "l’extrême-droite revancharde et haineuse, ainsi que ses hérauts patentés au sein du gouvernement français" de mener "une campagne de désinformation, voire de mystification, contre l'Algérie".
Jugeant "arbitraire et abusive" l’expulsion de "Doualemn", la diplomatie algérienne considérait que cette expulsion avait "fourni à cette partie nostalgique de la France l'occasion de donner libre cours à ses règlements de compte historiques avec l'Algérie souveraine et indépendante".
"Cette occasion a été bien mal-choisie. En effet, le ressortissant objet de l'expulsion vit en France depuis 36 ans. Il y dispose d'un permis de séjour depuis 15 ans. Il est père de deux enfants nés de son union avec une ressortissante française. Enfin, il est socialement intégré dans la mesure où il exerce un emploi stable depuis 15 ans" poursuivait le communiqué de presse.
Selon la même source, "l’extrême droite, haineuse et revancharde, mène, à travers ses soutiens dans le gouvernement français, une campagne de désinformation contre l’Algérie".
Le Quai d'Orsay avait répliqué à ces déclarations, via son porte-parole Christophe Lemoine.
"Depuis quelque temps, les autorités algériennes ont adopté une attitude assez hostile vis-à-vis de la France", avait-il déclaré sur France Info.
"C'est une réflexion qui est en cours entre le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, et tout particulièrement son ministre Jean-Noël Barrot, et le ministère de l’Intérieur", avait-il conclu.
Et l'affaire de prendre une plus grande ampleur, avec la remise en question par le Premier ministre François Bayrou, de l'accord bilatéral de 1968 régissant la migration entre les deux pays, ce qui a nécessité l'intervention du président Macron pour recadrer ses ministres, appelant à "engager un dialogue exigeant et respectueux".
"C’est ensemble que l’on peut faire des choses intelligentes pour les deux côtés", a-t-il noté.
Pour l'heure, l'avocate de Doualemn, Me Marie David-Bellouard, a qualifié la décision de la Commission d'expulsion de l'Hérault de "politique".
"C’est une décision politique. Notre client est pris en étau et est un étendard de la politique migratoire de ce gouvernement", a-t-elle indiqué aux médias.
"On est abasourdi par cette décision, par la disproportion manifeste entre la menace à l’ordre public qui est avancée et quelqu’un qui a été condamné à cinq mois avec sursis et dont la vie et la famille sont à Montpellier", a-t-elle expliqué, promettant d'engager une procédure d'urgence sur le fond de l'expulsion.