France : Une élection présidentielle dans une arène politique disloquée
- La présidentielle française se tiendra les 10 et 24 avril prochain.

France
AA/Nice/Feïza Ben Mohamed
Quelque 47,7 millions de citoyens français, inscrits sur les listes électorales, sont appelés aux urnes pour désigner le futur chef de l’Etat, ou éventuellement réélire Emmanuel Macron, déjà à la tête du pays depuis 2017.
Mais la scène politique apparaît aujourd’hui plus que jamais fragilisée, et tiraillée entre des extrêmes qui s’illustrent par des propositions toutes plus dures les unes que les autres et des programmes qui, parfois, ne visent qu’à attiser la haine.
- À droite, la surenchère islamophobe et anti-immigration
Si le journaliste Éric Zemmour est au centre des attentions et bénéficie d’une couverture médiatique bien supérieure à celle de ses concurrents, c’est avant tout lié à ses outrances.
Ses déclarations sur l’islam, les musulmans et l’immigration font vendre, et certains grands groupes médiatiques ne se privent pas d’en assurer le service après-vente.
En témoigne d’ailleurs son « programme islam », publié en ligne dimanche soir et dans lequel il affirme qu’une fois élu, il interdira le foulard dans l’espace public de même que la construction de mosquées avec des minarets.
Sa radicalité semble néanmoins porter ses fruits puisque plusieurs grandes figures du Rassemblement national, à l’image du député Gilbert Collard, ont annoncé cette semaine, rejoindre les rangs du mouvement « Reconquête » fondé par l’ancien journaliste du Figaro, devenu présidentiable.
Inédite de par son ampleur, la percée d’Éric Zemmour est d’autant plus notable qu’elle « s’effectue quasiment au détriment d’une seule autre personnalité, à savoir Marine Le Pen », note Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de Harris Interactive, sur les colonnes d'Ouest-France.
« Marine Le Pen est faible depuis 2017. Elle ne s'est jamais remise de son débat raté de l'entre-deux-tours », analyse, pour sa part, Mathieu Souquière, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès, dans une interview accordée à l'Express. Et d'affirmer : « Ce n'est pas parce qu'Eric Zemmour arrive que Marine Le Pen s'effondre ; c'est parce qu'elle était faible qu'il s'impose ».
Quelles que soient les raisons de sa percée, Eric Zemmour est devenu quasiment omniprésent sur la scène politico-médiatique et suscite autant de curiosité que de craintes.
Interrogée par l'Agence Anadolu, Sonia (le prénom a été changé), fonctionnaire gradée de la police nationale explique sa « crainte » d’avoir à appliquer des directives discriminatoires en cas d’élection d’Eric Zemmour.
« On a déjà énormément durci la manière de travailler depuis quelques mois avec le gouvernement en place, notamment aux frontières, mais là, ça risque d’être vraiment pire » explique-t-elle.
Et pour cause, sur la question de l’immigration, tous les candidats de droite, aussi bien Valérie Pécresse (Les Républicains), que Marine Le Pen (Rassemblement national) s’accordent pour opérer un tour de vis, preuve s’il en fallait, d’une droitisation de l’électorat français.
- Macron, le Président pas encore candidat
Emmanuel Macron, qui n’a toujours pas déclaré officiellement sa candidature, se comporte pourtant depuis plusieurs semaines, comme un président en campagne, enchaînant les déplacements à travers l’Hexagone.
« Pas un Français ne doute que le Président sera candidat. La date est un sujet journalistique », expliquait dans les colonnes du journal Le Parisien, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand.
Mais la double casquette du Président, pas encore candidat, génère de vives crispations dans les rangs de l’opposition qui souhaite plus de clarté, notamment pour que les coûts de ses déplacements soient intégrés à ses éventuels comptes de campagne.
« Ce qui se passe est quand même sidérant : on a un président-candidat, en réalité un candidat Emmanuel Macron » qui fait des déplacements « avec les moyens de l'État, avec les moyens du contribuable donc, en grand équipage, pour annoncer un programme présidentiel à l'horizon 2030 », pestait récemment Valérie Pécresse à l’antenne de France 2.
Le président des Républicains, Christian Jacob a, d’ailleurs, à cet effet, saisi la commission des comptes de campagne pour l’alerter, dans un courrier sur « les nombreux déplacements et interventions médiatiques répétées du président de la République dans cette période pré-électorale, alors qu'il ne fait aucun doute que celui-ci sera candidat à sa propre succession ».
- À gauche, la guerre des égos
Du côté gauche de l’échiquier politique, plusieurs candidats se sont déjà déclarés, malgré des projections très faibles dans les sondages.
De Jean-Luc Mélenchon, à Anne Hidalgo, en passant par Yannick Jadot ou encore Fabien Roussel, tous pensent avoir une carte à jouer.
Mais l’éparpillement de ces multiples gauches irréconciliables pourrait avoir un effet délétère sur les résultats de cette présidentielle aux enjeux cruciaux.
Pour tenter de rassembler, en désignant un potentiel candidat unique, la primaire populaire s’ouvre ce jeudi 27 janvier et recueillera les votes des citoyens de gauche jusqu’au 30.
L’objectif clairement affiché sur le site internet de l’organisation est de « mettre au pouvoir en 2022 une candidature de rassemblement à même de mettre en œuvre nos revendications » pour aider ceux qui ont des difficultés « à boucler les fins de mois » et agir « en urgence sur le plan écologique ».
« La gauche doit se rassembler sinon elle passera son tour. Si elle passe son tour, il faudra assumer de ne pas avoir fait ce qu'il fallait pour agir pour les gens en difficulté dans notre société » estimait lundi sur France 5, l’ancienne ministre de la Justice, Christiane Taubira , elle aussi candidate à cette primaire.
Mais malgré la manifeste nécessité d’une candidature unique (la gauche dans sa totalité étant crédité à environ 25% dans la plupart des sondages), certains ne l’entendent pas de la même oreille.
Ni Yannick Jadot (EELV), ni Anne Hidalgo, ni même Jean-Luc Mélenchon, n’entendent se plier aux résultats de la primaire et assurent qu’ils se maintiendront en lice, quels que soient les résultats.
Pour Olivier Rouquan, politologue et chercheur associé au Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques, interrogé par France Info, « la désorganisation des partis et les clivages qui se sont creusés sur les dix, quinze dernières années empêchent la gauche d'être suffisamment présente dans cette pré-campagne ».
Le spécialiste estime qu’il n’existe que « deux options » viables qui résident dans « une prise de conscience des leaders et un accord autour d'un seul, mais » qui doit avoir lieu rapidement, sans quoi « chacun joue son couloir pour l'après ».
« Mais si les résultats sont faibles, et, semble-t-il, ils le seront, l'après sera catastrophique et augurera d'une reconstruction des partis politiques de gauche » tranche le politologue.
Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.