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France / Ségur de la santé : Les Blouses blanches continuent de manifester leur colère

- Dans le cadre des manifestations nationales des "Jeudis de la colère", plusieurs collectifs des personnels de la Santé, soutenus par le syndicat Sud Santé, ont organisé des "casserolades" à travers le pays, notamment devant le CHU de Besançon.

Ekip  | 29.05.2020 - Mıse À Jour : 30.05.2020
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Ankara

AA - Besançon (France) - Ümit Dönmez

Des milliers d'infirmiers, de médecins et d'aide-soignants français ont à nouveau manifesté leur colère jeudi, face au manque de moyens des hôpitaux du pays, devenu criant au cours des semaines passées, durant la crise sanitaire du nouveau coronavirus.

400 travailleurs de la santé et membres de la société civile, selon les organisateurs, ont pris part aux "Jeudis de la colère" sur le parvis du Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) Jean Minjoz, à Besançon, dans l'Est de la France.

- Gratitude aux Français pour leur soutien moral pendant la pandémie Covid-19

Les manifestants rassemblés à l'appel de plusieurs collectifs des travailleurs de la santé (dont Collectif Inter-Hôpitaux -CIH, Collectif Inter-Blocs -CIB, Collectif Inter-urgences -CIU, Collectif Blues Blanches, et Printemps de la Psy) ont d'abord tenu à remercier les Français pour leur soutien moral apporté par les applaudissements quotidiens, durant la période la plus intense de la pandémie du nouveau coronavirus, en France, au cours des mois de mars et avril.

Le professeur Laurent Thines, chef de service de la neurochirurgie et membre du CIH, a été le premier à prendre la parole, avec émotion.
"Merci beaucoup au nom de tout le Collectif inter-hôpitaux représenté ici, et qui siège a sein du Ségur de la santé, pour défendre l'hôpital public", a déclaré le neurochirurgien de l'hôpital Jean Minjoz, le Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon, dans le Doubs.

"Je vous remercie chaleureusement pour ces témoignages de sympathie envers tous les collègues du service hospitalier, qui travaillent, qui sont là, et qui ont tenu bon tous ces mois face à l'épidémie de Covid. Merci !", a déclaré Thines, ému.

Interrogé par l'Agence Anadolu, l'infirmier Marc Paulin, ayant pris la parole lors de la manifestation, a également tenu à souligner la gratitude des Blouses blanches aux Français, pour leur soutien moral durant la crise de la Covid-19.

"Les Blouse blanches de Besançon sont venues sur le parvis de l'hôpital pour remercier la population de son soutien. Ça fait chaud au cœur, ce qui nous a permis d'affronter le Covid", a déclaré Paulin, témoignant sa gratitude aux Français.

- Revendications des travailleurs de la santé

Le représentant du Collectif Inter-hôpitaux a également tenu à faire part de l'inquiétude de ses collègues, tous collectifs confondus, rappelant que les manifestations des travailleurs de la santé ont débuté en 2019, pour exprimer leur colère face au manque de personnel et de moyens matériels des hôpitaux, mais aussi du niveau insuffisant des salaires.
"Qu'est-ce que nous demandons à Madame Buzyn, qui nous a lâchement abandonnés après avoir menti aux Français sur l'épidémie de Covid-19, pour rejoindre la campagne municipale à Paris ?", a lancé Thines, sa voix s'entremêlant aux huées des manifestants.

Thines a commencé par évoquer l'insuffisance des salaires, et de demander une augmentation pour tous les travailleurs des hôpitaux :
"300 euros d'augmentation des salaires de tous les personnels hospitaliers, que ça aille des technico-logistiques, aux médecins, aux soignants, aux infirmiers, aux aides-soignants de nos hôpitaux, qui sont sous-payés par rapport à nos collègues européens. C'est inadmissible ! ", ajouté le professeur Thines, précisant la France se classe 28e sur les 38 pays de l'OCDE, pour le salaire des infirmières", a noté le neurochirurgien déplorant que leur exigence n'avait toujours pas été remplie par le ministre de la Santé, Olivier Véran.

Le représentant du Collectif Inter-hospitalier rappelle également parmi les exigences des personnels hospitaliers, celle d'un moratoire sur les suppressions de postes dans la santé publique, et de lits dans les hôpitaux, dénonçant une fois de plus, le manque de réaction de la part du ministre actuel de la Santé, ainsi que de sa prédécesseur, Agnès Buzyn. En effet, les manifestants rassemblés sur le parvis de l'Hôpital (CHRU) Jean-Minjoz de Besançon, fustigent la suppression prévue 30 lits du service de Soins de Suite et de Réadaptation dans cet hôpital.

"Nous avons demandé, que l'ONDAM, c'est-à-dire l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, soit augmenté", a ajouté Thines expliquant que "800 millions d'économies nous sont demandées sur la Santé [par l'État], cette année encore", le docteur déclarant que cela est inacceptable, alors que chacune de ses remarques était ponctuée par les "casserolades" des manifestants.

Le représentant du collectif a également évoqué une réforme "du mode de gouvernance des hôpitaux" ainsi qu'une "amélioration des conditions de vies de nos aînés dans les EHPAD", c'est-à-dire les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, où plusieurs milliers de personnes sont décédées, au cours de la crise sanitaire de la Covid-19.

- Absence de confiance au gouvernement face au "Ségur"

Au delà du manque de confiance évoqué par le médecin gréviste aux ministres successifs de la Santé, Agnès Buzyn et Olivier Véran, évoque également le manque de confiance des manifestants au gouvernement français, et au président Emmanuel Macron :
"On ne veut pas, Monsieur Macron, de grand bla-bla, comme vous avez fait avec les manifestations des Gilets Jaunes, depuis bientôt deux ans", lâche le professeur Thines, dénonçant que des collectifs manifestant depuis plus d'un an pour l'amélioration des conditions de travail mais également contre l'action du gouvernement, ont été "écartés du Ségur", Thines citant les exemples du Collectif Inter-Urgence (CIU) et du Collectif Inter-Blocs (CIB).

Le premier ministre français, Édouard Philippe a lancé, lundi 25 mai, comme promis durant l'épidémie de la Covid-19, une grande consultation sur le système de santé français afin de pallier ses insuffisances.

En visioconférence avec 300 représentants du secteur de la santé, Philippe avait précisé les grands objectifs de ce "Ségur", du nom de la rue du ministère de la Santé, à Paris, la capitale française.

"Cette crise doit être l’occasion de changements radicaux", avait déclaré le premier ministre français, en référence à la crise sanitaire du nouveau coronavirus.
Philippe avait nommé cinq objectifs principaux, le premier étant la reconnaissance des soignants par la revalorisation de leurs salaires et une possible modification de leur temps de travail, sans cependant apporter davantage de précisions sur ces éléments.

Le deuxième objectif nommé par Philippe a été l'investissement et le financement dans les hôpitaux français, le premier ministre évoquant "un vaste plan d'investissement" afin d'accélérer la modernisation du système hospitalier du pays.

Parmi les axes de travail, le gouvernement français déclare s'orienter vers une reforme "du système de santé", ouvrant la voie à davantage d'assouplissement, notamment dans le domaine de la télémédecine.

Le premier ministre français a également évoqué le renforcement de la coordination régionale et territoriale, jugeant que l'organisation territoriale de la Santé a "bien fonctionné" durant la pandémie.

Le dernier axe évoqué par Philippe concernant la modernisation du système français de santé, est celui de la numérisation et du partage des données médicales, signalant la création, au 1e janvier 2022, d’un Espace Numérique de Santé pour la France.

L'ancienne Secrétaire générale de la Confédération française des travailleurs (CFDT), a été désigné par le gouvernement pour superviser les discussions, au cours du mois de juillet prochain, dans le cadre du "Ségur" de la santé, dont l'objectif annoncé est de moderniser le système français de santé et de mettre en œuvre une reconnaissance du personnel soignant.
L'ancienne syndicaliste est fortement critiquée par le personnel soignant pour son soutien au plan Juppé de 1995 sur les retraites et la Sécurité sociale.

Interrogé par l'Agence Anadolu, Marc Paulin, a également fait étant du manque de confiance entre les Blouses blanches et le gouvernement :
"Nous ne serons pas dupes, nous faisons très attention au Ségur de la Santé qui va définir la politique de santé la France pour les 10, 15, 20 prochaines années", a déclaré Paulin.
"Ça part de bons principes mais on sait qu'on se fera manger tous crus, si on n'est pas super-attentif", a conclu l'infirmier Paulin, donnant rendez-vous pour jeudi prochain à 14 heures sur le parvis de l'Hôpital Jean Minjoz, à Besançon.

- L'effet révélateur de la pandémie de la Covid-19 sur les faiblesses du système de santé en France

Malgré les nombreuses manifestations des personnels de la Santé au cours des deux dernières années, le gouvernement français n'avait pas su répondre aux attentes du personnel soignant.

La pandémie de la Covid-19, apparue en Chine, à la fin de l'année dernière a atteint l'Europe au début de cette année, la transformant en son épicentre au cours du mois de mars. Les hôpitaux et les Ehpad (maisons de retraite et équivalents) français manquant de moyens dans les conditions habituelles, en termes de matériel mais aussi de personnel, avaient été débordés par le nombre exceptionnellement surélevé de patients pendant la crise du nouveau coronavirus.

Selon des témoignages apportés par des médecins et infirmiers français, certains d'entre eux avaient été confrontés à devoir prioriser certains patients, aux dépens d'autres abandonnés à la mort, notamment dans la région Grand-Est, une des plus affectées du pays, par la pandémie du nouveau coronavirus.

Au moins 28 662 personnes sont mortes de la Covid-19 en France depuis le 1e mars, selon le dernier bilan officiel établi jeudi soir. Plus 186 000 personnes ont été infectées par le nouveau coronavirus, et plus de 67 000 personnes se sont rétablies de la maladie.

Au cours de la crise sanitaire, le président Macron, ainsi que le premier ministre Philippe, avaient admis des "lacunes", des "insuffisances", et des "erreurs", promettant une modernisation du système français de santé à travers le "Ségur", ainsi que de "rendre des comptes" aux Français pour les dysfonctionnements durant la pandémie.

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