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France / Scandale des enfants placés du Nord : 19 personnes jugées à Châteauroux, mais aucun responsable de l'ASE

- Malgré des signalements directs concernant l'Aide sociale à l'enfance du Nord, aucun de ses responsables ne sera jugé dans cette affaire.

Ümit Dönmez  | 14.10.2024 - Mıse À Jour : 15.10.2024
France / Scandale des enfants placés du Nord : 19 personnes jugées à Châteauroux, mais aucun responsable de l'ASE

Ile-de-France

AA / Paris / Ümit Dönmez


Ce lundi s’ouvre à Châteauroux (Indre) un procès hors normes, mettant en lumière les failles graves du système de protection de l’enfance en France.

Dix-neuf personnes sont jugées pour des faits de violences répétées et graves sur des enfants placés entre 2010 et 2017, selon la presse française. Ces enfants, originaires du Nord de la France, ont été envoyés dans des familles d’accueil situées dans l’Indre, la Haute-Vienne et la Creuse, sans autorisation préalable des autorités compétentes.

Cependant, malgré l'implication directe de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord, aucun de ses responsables ne figure parmi les accusés, selon "Franceinfo".

Cités par "20 Minutes", les avocats des parties civiles ont dénoncé la passivité de l’ASE du Nord, qui a envoyé ces enfants dans des structures ou familles d'accueil non agréées, sous prétexte de "séjours de rupture".

Ces placements ont pourtant fait l’objet de plusieurs signalements pour maltraitances, mais le partenariat entre l’ASE et les familles d’accueil illégales s’est poursuivi sans interruption.

Les témoignages des jeunes victimes, aujourd’hui pour la plupart majeures, révèlent l'ampleur des sévices subis.

Parmi les faits rapportés, des coups de poing, des strangulations, l’administration de médicaments lourds comme le Valium en surdose, et des scènes d’humiliations extrêmes.

Deux hommes, Julien M. et Bruno C., sont au cœur des accusations. Les enfants décrivent des conditions de vie terrifiantes, marquées par des violences physiques systématiques et un contrôle psychologique oppressant.

"Ils nous frappaient, nous menaçaient constamment. Je me souviens de nuits entières où je n'osais pas descendre de peur d'être battu", a confié au Parisien, l'une des victimes, Karl, aujourd'hui âgé de 19 ans. D'autres récits, comme celui de Mathias, font état de scènes de torture psychologique, d’humiliations et de sévices physiques insoutenables. "Julien M. me mettait la tête dans les toilettes, puis tirait la chasse. J'ai cru que j'allais mourir à plusieurs reprises", se souvient-il.

La défense souligne que l’Aide sociale à l’enfance du Nord avait été prévenue à plusieurs reprises des conditions dramatiques dans lesquelles ces enfants vivaient, mais n’a jamais pris de mesures concrètes.

"Il est incompréhensible que l’ASE ne soit pas poursuivie dans ce dossier. Elle était parfaitement au courant des abus et n’a rien fait pour les stopper", a déclaré Me Jean Sannier, l’un des avocats des victimes.

Malgré ces multiples alertes, l’ASE a continué d'envoyer des enfants dans cette association sans agrément, ce que dénonce également l'avocat de l’une des accusées, une agricultrice de 55 ans qui hébergeait des enfants en échange d'une rémunération non déclarée. Selon son défenseur, Me Jeremy Schuletzki, sa cliente n’était pas consciente de l’illégalité de la situation : "Un des membres de l'association est venu un jour à sa ferme avec un enfant dans la voiture, en lui disant qu’il n'avait nulle part où aller. Elle pensait que tout cela était légal."

Outre les sévices physiques, la question des profits réalisés sur le dos de ces enfants placés sera également débattue. Julien M. et Bruno C. auraient empoché plus de 630 000 euros, une somme que les avocats des victimes estiment bien plus élevée, approchant le million d’euros. Cet argent provenait directement des fonds versés par l'ASE du Nord pour les frais de placement des enfants.

Cependant, malgré ces preuves accablantes, l'ASE du Nord ne sera ni jugée, ni même convoquée à témoigner dans cette affaire.

Cette absence suscite l’indignation des avocats des victimes, qui pointent du doigt les dysfonctionnements systémiques de l’Aide sociale à l'enfance.

"L'ASE était parfaitement informée de la situation, mais a préféré fermer les yeux", s'indigne Me Sannier. "Ils ont abandonné ces enfants, déjà victimes de l’abandon de leurs parents."


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