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France : Polémiques après un sondage IFOP sur les jeunes musulmans

- Elus et internautes pointent le risque d’amalgames avec l’islamisme et de stigmatisation. Entre critiques méthodologiques et contexte social ignoré, l'enquête interroge sur la manière dont les chiffres peuvent simplifier une réalité complexe

Mariem Njeh, Şeyma Erkul Dayanç  | 19.11.2025 - Mıse À Jour : 19.11.2025
France : Polémiques après un sondage IFOP sur les jeunes musulmans

Istanbul

AA / Istanbul / Mariem Njeh et Seyma Erkul Dayanc

Un sondage de l’IFOP consacré aux jeunes musulmans en France a suscité de nombreuses réactions dans la classe politique et sur les réseaux sociaux. Plusieurs élus et internautes dénoncent des amalgames entre musulmans et islamisme ainsi qu’un risque de stigmatisation, soulignant que les conclusions de l’étude pourraient occulter la diversité des parcours et des aspirations des jeunes concernés.


- Critiques sur le contenu et le contexte du sondage

L’enquête, qui porte sur les pratiques religieuses et les évolutions identitaires, a été critiquée pour l’absence de prise en compte du contexte social, économique et discriminatoire dans lequel évoluent ces jeunes. Sur les réseaux sociaux, des internautes ont insisté sur la nécessité de replacer les données dans leur contexte et ont estimé que « des aspirations diverses, souvent plus nuancées que ce que suggèrent ces résultats », existaient parmi les personnes concernées. Certains ont également relevé que l’IFOP évoque une possible tendance de certains jeunes à se replier sur des pratiques perçues comme plus strictes, évoquant une forme de « contre-société », ce qui pourrait renforcer des interprétations simplificatrices.


- Le contexte social et la mémoire de l’après-2015

Sur la plateforme sociale X, basée aux États-Unis, plusieurs utilisateurs rappellent que ces jeunes ont grandi « dans l’après-2015 », dans un climat décrit comme islamophobe. Ces observations mettent en lumière l’importance de considérer le contexte historique et social dans l’interprétation des résultats du sondage.


- Des critiques méthodologiques persistantes

L’avocat Philémon Garabiol Macherey a indiqué que le sondage « ne précise pas de quelle version de la charia il s’agirait » et rappelle que dans plusieurs pays elle « n’est appliquée qu’aux musulmans », ce qui pourrait « entrer […] en conflit avec la laïcité en France ». Le directeur général Opinion Groupe IFOP, Frédéric Dabi, avait reconnu dans une interview que « bien sûr on peut tricher, et je considère qu’à l’IFOP on ne triche pas », confirmant qu’il existe toujours un risque d’erreur dans les enquêtes d’opinion.

Par ailleurs, le politiste Alexandre Dézé, spécialiste des sondages, avait jugé qu’« avec un échantillon aussi faible, de 515 personnes, ce sondage n’a aucune valeur et ses conclusions sont discutables », évoquant une « faiblesse méthodologique délirante ». Une journaliste de BFMTV a noté être « un peu embêtée par la méthodologie », tandis que des Internautes ont ajouté qu’« elle voit bien que ce sondage est une escroquerie orientée, ils ciblent des personnes étrangères ou non francophones pour obtenir les réponses voulues et créer un climat hostile envers les Français musulmans ».

Des préoccupations ont également été exprimées par des experts et observateurs : « L’IFOP et Frédéric Dabi alimentent leur réseau de médias islamophobes avec leurs sondages sur les musulmans », insistent plusieurs internautes, soulignant le risque de diffusion d’interprétations biaisées dans le débat public.


- Les interprétations de l’IFOP et leurs implications

Sur la plateforme social de la société X basée aux États-Unis, François Kraus, directeur du pôle « Politique / Actualités » de l’IFOP, évoque une « réaffirmation identitaire » chez les jeunes musulmans et une « adhésion croissante aux thèses islamistes », ajoutant que cette dynamique « ne serait pas réversible » et pose une « acuité nouvelle » à la question de l’intégration.

L’IFOP affirme que son enquête « dessine très nettement le portrait d’une population musulmane traversée par un processus de réislamisation, structurée autour de normes religieuses rigoristes et tentée de plus en plus par un projet islamiste ».


- Réactions politiques : élus et critiques des interprétations

Plusieurs élus ont alerté sur les conséquences de ces interprétations. Rachida Kaaout, députée Renaissance, a déclaré sur CNews que « les musulmans sont victimes de la radicalisation », tandis que Massnissa Hocine, conseiller municipal d’Aubervilliers, a souligné qu' « il y a un problème de stigmatisation avec la religion musulmane ».

Paul Vannier, député LFI-NFP, a critiqué le sondage en expliquant qu’« une fois de plus, [les jeunes musulmans] se voient désignés comme une forme d’ennemi intérieur, comme un danger pour notre pays ». Il a voulu « dénoncer l’amalgame puant qui est au fond de cette enquête », estimant qu’il « vise à faire de millions de nos compatriotes des islamistes et des terroristes en puissance ».


- Réactions sur les réseaux sociaux

Sur les réseaux sociaux, les critiques se sont multipliées. Certains utilisateurs ont souligné que « l’IFOP et Frédéric Dabi alimentent leur réseau de médias islamophobes avec leurs sondages sur les musulmans », tandis que d’autres ont ironisé : « Et qui de mieux que l’IFOP et Cohen pour garantir une objectivité sans faille ? ».

Certains ont jugé qu’il s’agissait d'« aucune analyse sérieuse… Du sondage à la petite semaine dans un océan islamophobe » et ont accusé l’institut et certains commentateurs d’utiliser les sondages pour « stigmatiser la NUPES (surtout LFI) et cibler les musulmans de France ».


- Le rôle de Laurent Nuñez et les critiques de ses mesures

Dans ce contexte, le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez a souligné « l’urgence de lancer la phase trois de l’action du gouvernement contre l’entrisme de l’islam radical ».

Il a précisé que « les lois républicaines seront toujours supérieures aux lois religieuses d’où qu’elles viennent, quelles qu’elles soient, charia comprise » et a évoqué la création de nouveaux outils législatifs pour lutter contre l’islam politique, notamment un délit « d’atteinte à la cohésion nationale », un contrôle renforcé sur l’accueil des mineurs et l’autorisation de construction de lieux de culte, afin de garantir que certains courants qui considèrent « que la loi divine est supérieure aux lois de la République » ne puissent agir contre l’ordre républicain.

Plusieurs voix critiques se sont fait entendre sur ces mesures. Des élus et associations de défense des droits civiques mettent en garde contre le risque que des lois ciblant l’« islam politique » stigmatisent l’ensemble des musulmans, pouvant créer des discriminations dans la vie quotidienne sans distinction entre pratiques pacifiques et radicalisme. Paul Vannier (LFI-NFP) a rappelé que « une fois de plus, [les jeunes musulmans] se voient désignés comme une forme d’ennemi intérieur, comme un danger pour notre pays » et a dénoncé « l’amalgame puant ».

Des internautes et experts soulignent que certaines mesures de contrôle sur les lieux de culte ou l’accueil des mineurs peuvent être perçues comme une surveillance discriminatoire des communautés musulmanes, et que cibler l’« islam politique » sans distinction claire entre militants violents et simples pratiquants peut porter atteinte à la liberté religieuse et renforcer le sentiment d’exclusion au sein de la population musulmane.


- Débat et enjeux : stigmatisation et interprétation des données

L’ensemble des réactions met en évidence la complexité de l’analyse des pratiques religieuses et identitaires des jeunes musulmans en France. Les critiques rappellent que les chiffres seuls ne suffisent pas à comprendre la réalité sociale et culturelle et que la manière dont ces données sont interprétées et diffusées peut alimenter des discours sécuritaires ou stigmatisants, sans prendre en compte les contextes de discrimination, de diversité des parcours et d’évolution des identités.


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