France / Migrants : la CNCDH alerte le ministère de l’Intérieur sur Calais et critique l’accord franco-britannique
- À l’occasion de la Journée internationale des migrants, la CNCDH a interpellé le ministère de l’Intérieur sur l’accueil des migrants à Calais et critiqué l’accord migratoire entre la France et le Royaume-Uni
Istanbul
AA / Istanbul / Serap Dogansoy
Le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a interpellé le ministère de l’Intérieur, mercredi, à l’occasion de la Journée internationale des migrants, sur la dégradation des conditions de vie des personnes exilées à Calais et Grande-Synthe, appelant la France à prendre des mesures « fortes » pour garantir une politique d’accueil respectueuse des droits fondamentaux.
Dans un courrier adressé au ministre, la CNCDH évoque des conditions de vie « indignes, inhumaines et inacceptables » pour des milliers de personnes migrantes. Elle estime que l’insécurité et l’instabilité dans lesquelles vivent les exilés, combinées au renforcement des contrôles à la frontière franco-britannique, favorisent le recours aux réseaux de passeurs et accroissent la dangerosité des traversées de la Manche.
La prise de position intervient alors que la Journée internationale des migrants, célébrée chaque 18 décembre, vise à rappeler la nécessité de systèmes migratoires plus sûrs, plus inclusifs et plus équitables. Cette journée met en avant le rôle de la migration dans un monde en mutation rapide, malgré des politiques souvent jugées insuffisamment financées, coordonnées ou adaptées aux réalités actuelles.
La CNCDH rappelle que de nombreux rapports d’institutions publiques françaises, d’organisations de la société civile et d’experts indépendants des Nations unies ont documenté la situation dans le nord de la France. Plusieurs rapporteurs spéciaux de l’ONU ont exhorté la France à respecter ses obligations internationales, notamment en matière d’accès au logement, à l’eau potable, à l’assainissement et aux droits fondamentaux des migrants.
Cette interpellation s’inscrit également dans un contexte international où la migration est présentée par les organisations internationales comme un facteur majeur de développement. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les migrations contribuent à la croissance économique, à la stabilité démographique et à l’innovation, les envois de fonds vers les pays à faible et moyen revenu ayant atteint un niveau record de 685 milliards de dollars. Ces bénéfices ne peuvent toutefois, selon l’OIM, se concrétiser pleinement que dans le cadre de migrations sûres, ordonnées et encadrées.
Sur le plan politique, la CNCDH critique l’accord franco-britannique visant à prévenir les traversées dites « périlleuses » dans la Manche, entré en vigueur cet été. Dans une déclaration adoptée le 14 octobre, elle estime que ce texte poursuit un objectif dissuasif et porte atteinte au droit d’asile. L’accord prévoit un mécanisme d’échange de personnes migrantes entre les deux pays, dit « one in, one out », présenté par Paris et Londres comme un outil de lutte contre l’immigration irrégulière et les réseaux de passeurs.
Selon la Commission, ce dispositif limite l’accès à la procédure d’asile au Royaume-Uni et s’inscrit dans une logique d’externalisation des demandes de protection. Elle estime que l’absence d’examen individuel et au fond des demandes est contraire aux exigences de la Convention de Genève et interroge l’engagement de la France en faveur d’une approche européenne commune de l’asile centrée sur le respect des droits humains.
La CNCDH relève par ailleurs de nombreuses incertitudes quant à la situation des personnes réadmises en France, prises en charge de manière temporaire avant une orientation vers des structures d’accueil, avec la possibilité de mesures d’éloignement. Elle souligne également l’absence de protection administrative pour les personnes en attente d’une décision d’admission au Royaume-Uni, ainsi que des garanties procédurales jugées insuffisantes en matière de recours effectif.
S’agissant de l’objectif affiché de dissuasion des traversées, la commission craint que l’accord n’entraîne l’ouverture de routes migratoires plus longues et plus dangereuses et un recours accru aux passeurs. Elle note enfin que les mineurs non accompagnés sont exclus du dispositif, tout en s’inquiétant de leur prise en charge jugée insuffisante en France.
Dans ses recommandations, la CNCDH demande la dénonciation de l’accord franco-britannique signé en juillet 2025, ou à défaut sa non-reconduction après juin 2026, ainsi que le développement de voies légales et sûres d’accès au territoire britannique et la mise en œuvre de mesures urgentes pour améliorer la situation des personnes exilées sur le littoral nord.
