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France : l'hydre islamophobe à l'œuvre contre les femmes voilées

Lassaad Ben Ahmed  | 16.10.2019 - Mıse À Jour : 16.10.2019
France : l'hydre islamophobe à l'œuvre contre les femmes voilées

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AA / France / Fawzia Azzouz

Depuis plusieurs années en France, la laïcité fait l'objet de toute sorte de dévoiements de la part de la classe politique. Ces manipulations, principalement dirigées à l'encontre des communautés musulmanes du pays, visent en majorité les femmes voilées, de par leur visibilité accrue.

Parmi elles, les mamans accompagnatrices de sorties scolaires sont une cible de choix. Tantôt invectivées par des militants islamophobes, tantôt critiquées par des ministres, elles demeurent une proie privilégiée des attaques.

Si la loi est très claire les concernant et, malgré l'avis du Conseil d'Etat émis en 2013 et qui confirme qu'elles ne sont pas soumises à la neutralité et peuvent donc librement porter un foulard, la classe politique ne s'en satisfait pas.

Pour illustration, vendredi 11 octobre, alors qu'une classe venue de Dijon (nord-est) assistait à une assemblée générale du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, l'élu d'extrême droite Julien Odoul, s'en est pris à une accompagnatrice.

La scène, filmée par ses soins et partagée plusieurs milliers de fois a provoqué un véritable tollé sur les réseaux sociaux.

« Au nom de nos principes républicains et laïcs, j’ai demandé à Marie-Guite Dufay de faire enlever le voile islamique d’une accompagnatrice scolaire présente dans l’hémicycle », a-t-il fièrement écrit en légende de cette séquence raciste, décrétant qu’« après l’assassinat de 4 policiers (attaque au couteau de la préfecture de police de Paris le 3 octobre), nous ne pouvons pas tolérer cette provocation communautariste ».

Sur la vidéo on l’entend très clairement réclamer l’éviction de cette maman sous prétexte de laïcité. « La France est un pays laïc » et « des femmes luttent dans le monde contre la dictature islamique », a-t-il lâché.

Immédiatement, anonymes, associations, militants, et élus, ont condamné la posture du conseiller régional RN (Rassemblement national) sur les réseaux sociaux.

Le CCIF (Collectif contre l'islamophobie en France) voit dans cet épisode « les premiers signes d'un apartheid assumé, revendiqué et applaudi par celles et ceux qui instrumentalisent la mort à des fins haineuses ».

Dans une déclaration à Anadolu, Ifakat Yuna, présidente de l'ORIW (Organization of Racism and Islamophobia Watch) a fait savoir que son association « condamne avec la plus grande fermeté les propos racistes et islamophobes de Julien Odoul ».

Elle dénonce « l'humiliation » vécue par cette mère accompagnatrice mais également « le silence du gouvernement français ». Selon la dirigeante associative, la France se dirige « de plus en plus vers un climat anxiogène, paranoïaque, voire inquisitorial ».

Pour appuyer son propos, elle rappelle les récents propos du ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, qui « demande la traque du moindre signe de supposée religiosité des citoyens de confession musulmane, les assimilant à des présumés radicalisés ».

A ce propos, Ifakat Yuna regrette que les « citoyens et les immigrés de confession musulmane n'ont pas la culture des manifestations ou de l'engagement politique » et que « la meilleure arme » contre ces dérives, « est de démontrer leur absurdité ».

Dimanche, pourtant, le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer, s'est exprimé sur l'incident du Conseil régional. Il n'a, à aucun moment, condamné les propos tenus par l'élu RN mais les a, au contraire, appuyés.

Invité à réagir au cours d’une interview à la télévision française, il a fait savoir qu’il encourage le personnel de l’éducation nationale « à avoir un dialogue avec les parents d’élèves », pour expliquer aux mamans « qu’on préfère qu’elles ne mettent pas le voile ».

Et le ministre de préciser que « le voile n’est pas souhaitable dans notre société (...), pas conforme à nos valeurs ».

Pour Asif Arif, avocat et auteur d'un ouvrage intitulé « Outils pour maîtriser la laïcité », il y a eu deux types de réactions à cet épisode islamophobe. Tout d'abord, la réponse « juridique » qui consiste « à se rallier à la position du Conseil d'Etat pour ne pas cautionner l'attitude de cet élu », mais également une posture « plus politique et plus sournoise », a-t-il expliqué à Anadolu.

Cette deuxième réponse consiste, selon lui, à « ne pas remettre en cause » la liberté de se vêtir, mais à affirmer que « ça ne correspond pas à nos valeurs ».

« Or, les valeurs de la France ne sont pas déterminées par un texte de loi » et, de ce fait, ce terme est utilisé « pour discriminer les femmes voilées », déplore l'avocat du barreau de Paris, en pointant directement du doigt Jean-Michel Blanquer.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont rappelé au ministre que cette posture, hostile vis à vis des femmes voilées, a déjà été adoptée avant lui par l'ancien premier-ministre Manuel Valls, qui essuie, depuis la fin de ses missions à Matignon, échecs électoraux sur échecs électoraux, y compris à Barcelone où il a tenté de se reconstruire une carrière politique.
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