France : Les victimes de Notre-Dame de Bétharram espèrent "faire bouger les lignes sur les violences faites aux enfants"
- À ce stade, 152 plaintes ont été déposées auprès du parquet de Pau pour des faits de violences, d’agressions sexuelles et de viols intervenus au sein de cette institution privée catholique

Provence-Alpes-Cote d Azur
AA/Nice/Feïza Ben Mohamed
Si une enquête préliminaire visant des faits qui se seraient produits au sein de l’établissement privé catholique Notre-Dame de Bétharram a été ouverte début 2024, c’est bien l’arrivée de François Bayrou à Matignon, qui a fait exploser la médiatisation de l’affaire, permettant de libérer la parole sur la thématique des violences et violences sexuelles faites aux enfants.
Depuis plusieurs semaines, le Premier ministre, qui est resté maire de Pau, et dont les enfants ont été scolarisés à Notre-Dame de Bétharram, est lourdement mis en cause pour n’avoir jamais dénoncé les violences dont il aurait eu connaissance, alors même que son épouse y a enseigné le catéchisme.
Face à la pression et à la multiplication d’appels à sa démission, le chef du gouvernement a reçu, mi-février, le collectif des victimes de Notre-Dame de Bétharram, à la mairie de Pau.
À l’issue de cet échange qui a duré plus de 3 heures, les victimes ont salué la démarche de François Bayrou qui leur a prêté une oreille attentive.
Dans un entretien accordé à Anadolu, Christophe (le prénom a été changé pour préserver son anonymat), âgé aujourd’hui de 52 ans, et ayant été scolarisé à Notre-Dame de Bétharram, est revenu sur les épisodes violents dont il a été victime alors qu’il était âgé entre 11 et 14 ans.
Le quinquagénaire, toujours installé dans le Béarn, explique n’avoir « jamais évoqué ces faits avec (ses) proches » par « pur déni de la réalité ».
« Ce n’est que lorsque j’ai découvert les témoignage d’autres élèves, des dizaines d’années plus tard, que j’ai pris conscience de la gravité de ce que j’avais vécu et que j’ai enfin pu mettre des mots sur ce traumatisme que je vivais en silence depuis tant d’années », détaille ce père de deux enfants.
Il raconte que s’il n’a jamais oublié les violences et les humiliations subies, il n’a pour autant « jamais réalisé que certains épisodes relevaient de violences sexuelles et encore moins de viols ».
De son passage à Notre-Dame de Bétharram, Christophe ne « raconte jamais rien », ni à ses enfants, ni même à son épouse, « comme une période secrète qu’il faut oublier, en faisant comme si ça n’avait pas existé, comme si le traumatisme confinait au silence ».
Aujourd’hui, alors que « la parole s’est libérée », le Béarnais espère « pouvoir se reconstruire » mais surtout « que la médiatisation de ce scandale, permettra de faire bouger les lignes sur les violences faites aux enfants, et à fortiori les violences sexuelles ».
« Néanmoins, je ne crois pas que François Bayrou puisse être incriminé dans cette affaire, même s’il aurait pu s’inquiéter depuis bien longtemps, je considère que l’institution Notre-Dame de Bétharram est la seule à blâmer et qu’elle devrait avoir à rendre des comptes, au-delà des responsabilités individuelles des auteurs de ces violences, qui je l’espère, seront durement sanctionnés », tranche l’ancien élève.
Et son avis semble être partagé par le procureur général de la Cour de cassation puisque deux signalements effectués à l’encontre de l’actuel Premier ministre pour n’avoir pas dénoncé les faits, ont été classés sans suite.
« Après analyse, en l’état des éléments portés à la connaissance du parquet général et du résultat des vérifications effectuées, aucune infraction relevant de la compétence de la Cour de justice de la République ne paraît susceptible d’être caractérisée à l’encontre de Monsieur François Bayrou, en sa qualité d’ancien ministre de l’Éducation nationale entre le 30 mars 1993 et le 2 juin 1997 », écrivait lundi le procureur général Rémy Heitz dans un communiqué de presse.
Pour l’heure, un homme de 59 ans a été mis en examen et écroué pour des faits de viol aggravé et agression sexuelle aggravée dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte en février 2024 par le parquet de Pau qui a déjà reçu 152 plaintes d’anciens élèves concernant l’établissement catholique réputé pour son extrême rigueur.
Les deux autres suspects, un prêtre et un laïc, interpellés au même moment, fin février, ont été relâchés au terme de leur garde à vue, les faits pour lesquels ils sont mis en cause étant prescrits.
« Le combat ne fait que commencer et ce dossier de Bétharram, nous allons le porter haut, fort et je pense qu'il va faire partout en France, jurisprudence », a pour sa part déclaré Alain Esquerre, porte-parole du collectif des victimes de Notre-Dame de Bétharram, après avoir été reçu jeudi par le procureur de la République dans l’enceinte du tribunal de Pau.
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