France : Les « harkis » entre indemnisation financière et « récupération politique »
- Une enveloppe de 40 millions d’euros sur quatre ans a été débloquée par le gouvernement, reconnaissant que «la République a manqué à son devoir de protection envers ceux qui lui avaient fait confiance».

France
AA / France / Fawzia Azzouz
La décision, par décret, du président Emmanuel Macron d’élever une vingtaine de harkis dans l’ordre de la légion d’honneur a ressuscité le vieux débat sur le statut des Algériens ayant combattu avec la France pour que l’Algérie demeure française.
La problématique n’est pas limitée dans le temps à la période postcoloniale vécue par les harkis eux-mêmes, mais le calvaire a été hérité par leurs descendants, même ceux qui sont nés en France et qui se réclament la citoyenneté française de droit.
L’amertume a refait surface le 20 septembre dernier, à l’occasion de la sortie au Journal Officiel, de la décision d’élever une vingtaine de harkis dans l’ordre de la légion d’honneur.
Quelques jours après ces annonces, le 25 septembre, à l’occasion de la journée nationale d’hommages aux harkis, la secrétaire d’Etat Geneviève Darrieussecq a annoncé un «plan harkis».
Une enveloppe de 40 millions d’euros sur quatre ans a ainsi été débloquée par le gouvernement, reconnaissant que «la République a manqué à son devoir de protection envers ceux qui lui avaient fait confiance».
Les harkis, supplétifs de l’armée France, se sont battus pour que l’Algérie demeure française mais se sont ensuite retrouvés abandonnés, dans des camps, livrés à eux-mêmes, sans aucune reconnaissance ni statut après leur arrivée dans l'Hexagone.
Ils sont plus de 60000 Algériens à avoir acquis la nationalité française avant d’être littéralement oubliés par le gouvernement sur fond de racisme.
Ainsi, à titre d’exemple, dans un ouvrage consacré à l’histoire des harkis, l’écrivain et journaliste Pierre Daum évoque une phrase cinglante du Général De Gaulle : « Harkis ou pas harkis, ce sont des musulmans. Et la France, qui est un pays chrétien, n’est pas faite pour accueillir des musulmans », laissant présager le pire.
Mais depuis quelques années, l’Etat français et certaines collectivités territoriales, tentaient de mettre en place des mesures en faveur de ces harkis ou de leurs descendants.
À Nice (sud-est) notamment, en 2017, le maire Les Républicains de la ville, Christian Estrosi, avait annoncé que les enfants de harkis se verront, donc, réserver des emplois dans la fonction publique.
Un quota d'emplois de catégorie B et C leur sera réservé sans aucune condition d'âge ou de concours, contrairement au reste des citoyens, comme l’avait rapporté Anadolu, dans une précédente publication.
La ville avait d’ailleurs justifié son choix en indiquant que « le manque de reconnaissance et la persistance de difficultés d'insertion rencontrées par la première génération et leurs descendants sont encore perçus comme des discriminations à l'encontre de la communauté des harkis ».
Si les annonces faites par le gouvernement français durant ces derniers jours, laissent présager une volonté de réparer les erreurs du passé, les descendants de harkis restent dubitatifs.
Anadolu a rencontré Laëtitia, 31 ans. Elle est petite-fille de harkis et vit toujours en France. « Pensez-vous vraiment que l’horreur des massacres de harkis d’Algérie, leur parcage dans des camps, et leur déracinement se monnaient? », questionne-t-elle d’emblée.
Elle estime que ces mesures médiatisées constituent une « récupération politique » et affirme que « personne ne rachètera l’histoire » en dépit d’une « reconnaissance du traitement indigne des harkis ».
Elle explique que l’annonce « du plan d’aide du gouvernement (...) résonne comme une ultime humiliation ».
Son argument est simple : « la France n’a pas indemnisé les descendants d’esclaves, donc, pourquoi vouloir indemniser des descendants de harkis ? ».
Elle insiste sur le fait que dans sa vie, « il n’a jamais été question d’Algérie » et conclut en expliquant « c’est simple, on est Français ».
Le son de cloche est le même pour Walid. Ce petit-fils de harki indique « ne pas être favorable aux mesures annoncées par le gouvernement français ».
« Mon grand-père a eu une grande fierté de défendre la France (...). Nous défendons l’idée que le choix de combattre pour la France est un choix et non pas une obligation, nous sommes fiers de ce que nous avons fait », tranche le jeune homme.
Selon lui, « une compensation financière ne nous importe pas vraiment et nous aurions préféré une réelle reconnaissance, car nous avons un statut d’immigré auprès du peuple français et un statut de traître envers les algériens ».
Il affirme que les harkis sont « traités différemment » et déplore le fait que « l’Etat propose cette indemnisation qui n’a aucune valeur comparée à la souffrance physique et/ou morale ».
Pour rappel, le président Macron avait déjà tenté de faire un pas en avant, mi-septembre, en reconnaissant la responsabilité de l’Etat français dans la disparition, après usage de la torture, du militant communiste anticolonialiste, qui a soutenu la révolution algérienne, Maurice Audin.
Selon les sources officielles, en 1954, date marquant le déclenchement de la guerre d’Algérie, la France comptait 211000 Algériens en métropole.
En 1962, le chiffre passe à près de 350000. Dans ce contexte si particulier, où la guerre pour l’indépendance fait des milliers de victimes sur le sol algérien, la France met en place une véritable répression sur son territoire pour tenter de museler les musulmans qui auraient des revendications.
A l’image de cette haine viscérale des militants indépendantistes, la police française, sous les ordres du préfet Maurice Papon, sera responsable du « massacre du 17 octobre 1961 ».
Ce soir-là, des centaines d’Algériens, qui manifestaient contre un couvre-feu leur interdisant de sortir le soir, seront littéralement torturés, frappés à mort et des dizaines d’entre eux, jetés dans la Seine.
La France finira par perdre la guerre d’Algérie et rapatriera les "pieds-noirs" et les harkis en métropole.
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