AA/Nice/Feïza Ben Mohamed

Brahim Bourkia se fait connaître en 2020, alors que le monde est frappé de plein fouet par la pandémie de Covid-19, en proposant des repas gratuits à destination des étudiants précaires.

Son initiative et l’élan de solidarité qui en découlent, sont salués par de nombreux médias, internautes et autres personnalités et qui la relaient.

Depuis, le concept a fait du chemin et le jeune restaurateur de Mantes-la-Jolie, a lancé le concept national du « Burger suspendu » pour financer les repas des étudiants durement touchés par l’inflation et la précarité partout en France.

Pour son initiative, il a été récompensé, mardi au sommet de l’inclusion économique organisé par le ministère de l’Economie et des Finances, où il a remporté le prix du jury et le prix du public pour initier la mise à l’eau du « Burger suspendu ».

Dans un entretien à l’Agence Anadolu, Brahim Bourkia est revenu sur son projet, son mode de fonctionnement et ses objectifs.

- Un restaurateur solidaire

Le patron du restaurant « l’Etoile de Fès », situé dans les Yvelines, le sait : pour les étudiants, se nourrir est devenu un véritable défi.

Alors que des files d’attente interminables sont enregistrées en Île-de-France au moment des distributions alimentaires organisées par des associations solidaires, il a décidé, lui aussi, d’apporter sa pierre à l’édifice.

« Je suis assez sensible à la situation des SDF et des personnes démunies » et « j’ai organisé un premier réveillon solidaire où j’ai ouvert les portes de mon restaurant aux SDF de la ville le 31 décembre 2017 », se souvient-il, précisant avoir passé « avec eux une belle soirée ».

Le jeune père de famille s’est également investi auprès d’associations locales à qui il a fourni « chaque trimestre des burgers pour qu’ils soient distribués en maraudes ».

Mais c’est au moment de la crise sanitaire liée à la Covid-19 que l’engagement de Brahim Bourkia prend une toute autre ampleur et qu’il décide de s’investir davantage.

« Je remarque très vite qu'en France les étudiants sont très touchés, certains arrivent presque au suicide tellement ils n'ont plus rien à manger et n'arrivent plus à joindre les deux bouts », note-t-il.

Il décide alors de « lancer un tweet en s’adressant à eux et en leur expliquant que s’ils sont étudiants et ont des idées noires parce qu’ils n’ont pas à manger, ils peuvent venir et récupérer un burger ou un tacos » dans son établissement.

Après le tweet, son initiative « financée en grande partie de (sa) poche » a connu « un buzz monumental » et « a plu à énormément de monde ».

« Les restaurateurs voulaient faire comme moi mais ne savaient pas comment tandis que les étudiants trouvaient dommage que je ne sois pas présent dans d’autres villes de France », raconte Brahim Bourkia qui a donc décidé de créer « le Burger suspendu ».

- Un nouveau concept innovant et participatif

Grâce à l’enthousiasme des bénéficiaires de cet élan et aux bienfaiteurs qui aident le restaurateur à financer ces précieux repas, le concept a pris ces derniers mois, un nouveau tournant.

Brahim Bourkia s’est « entouré de personnes sérieuses » et a « commencé à réfléchir à une solution efficace, qui ne nécessite ni gros fonds, ni stockage, ni personnel ».

Les bénévoles ont « donc rédigé un cahier des charges et lancé un appel d'offre via des développeurs » avant de recevoir plusieurs devis.

« Huit mois après, l'application est disponible », se réjoui la tête-pensante de ce projet solidaire.

Le processus est simple, il suffit que soit envoyée « une invitation au restaurant qui veut devenir partenaire » pour que « sa fiche soit créée et qu’un QR soit mis à sa disposition ».

« Il n'a plus qu'à accrocher l'affiche contenant son QR code sur sa vitrine / borne / comptoir » et « lorsqu’un client se présente pour passer une commande, il lui est expliqué qu'il a l'opportunité d'offrir un ou plusieurs menus aux étudiants démunis », détaille Brahim Bourkia.

Le bienfaiteur « peut alors en moins de 3 minutes se créer un compte et offrir un menu » sans aucun risque de gaspillage puisque « le restaurateur ne prépare rien jusqu’à ce qu’un étudiant « qui a faim se connecte et réserve un menu disponible ».

Le bénéficiaire dispose dès lors de « 12 heures pour venir récupérer son menu » et devra attendra 24 heures pour en commander un nouveau.

- Le projet récompensé par le fonds SENS

Brahim Bourkia a remporté mardi soir, deux prix hautement symboliques pour ce jeune entrepreneur de banlieue : le prix du jury et celui du public.

Cette distinction permet un financement du fonds SENS décerné par la fondation Mozaïk dans le cadre du sommet de l’inclusion économique organisé par Bercy.

Outre un chèque de 15 000 euros sous forme d' « un prêt à taux zéro et sans garantie » pour que les lauréats aient « la possibilité de faire passer leur projet à une vitesse supérieure », Brahim Bourkia s’est également vu offrir un spot publicitaire qui pourra être diffusé sur la première chaîne d’information en continu, BFMTV.

Sur son site internet, la fondation Mozaïk précise que cette récompense permet « aussi l’octroi d’un label et l’accès à un accompagnement pour aller décrocher d’autres financements ».

Le Président français, Emmanuel Macron, qui n’a pas pu participer à cette édition 2022 du sommet de l’inclusion économique, en raison de son départ pour les Etats-Unis, a promis que la prochaine édition se tiendrait à l’Elysée.