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France: Le nouveau projet de loi sur l’immigration fait craindre la multiplication des "refoulements illégaux"

- Le président français Emmanuel Macron affirme que la loi doit allier "fermeté, humanité"

Ekip  | 14.12.2022 - Mıse À Jour : 14.12.2022
France: Le nouveau projet de loi sur l’immigration fait craindre la multiplication des "refoulements illégaux"

Ankara

AA / Paris / Hafsa Alami

Les équipes du président français Emmanuel Macron planchent sur un projet de loi sur l'immigration que d’aucuns estiment avoir été entrepris sous la pression d'une extrême droite virulente en pleine ascension. Ce projet ferait, selon des groupes de défense des droits de l'homme, craindre des "refoulements illégaux".

De longs débats sur la politique migratoire de la France auront lieu comme prélude à la présentation officielle du nouveau projet de loi sur l'immigration.

Le projet de loi, dont l'examen au parlement aura lieu au printemps prochain, doit allier "fermeté et humanité", selon le président français.

Le projet de loi porte sur l'application de la politique de l'Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) dont le taux d'exécution dans les faits est faible. Selon un rapport du Sénat publié en mai, seulement 15% des migrants ont reçu l'ordre de quitter le territoire au cours de la dernière décennie.

Le projet vise également à accélérer les procédures afin de mieux intégrer et encourager l'immigration de travail. Approche qui est affirmé en ces termes par le ministre de l’Intérieur,Gérald Darmanin : "On veut ceux qui bossent, on ne veut pas ceux qui rapinent’’.

La réforme prévoit d'automatiser la notification de l'OQTF pour toute personne dont la demande d'asile est rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Jusqu'à présent, une telle mesure ne pouvait être notifiée que lorsque la Cour nationale du droit d'asile rendait un arrêt en dernier ressort.

Le projet prévoit dans le cadre de la nouvelle de généraliser le recours à un juge unique pour la plupart des recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), au lieu de actuellement trois juges décidant en collégialité.

- Une extrême droite en ascension

D’une manière générale et en terme politique intérieure, le gouvernement tente de réduire la pression d'une extrême droite en ascension en essayant de maîtriser l'immigration.

Avec la montée en puissance de l'extrême droite sur la scène politique, les débats s'annoncent rigoureux pour l'exécutif français.

Depuis 2017, la droite et l'extrême droite ont fait de l'immigration l'un de leurs principaux angles d'attaque contre le président Macron.

Dans une déclaration visant à apaiser l'opposition, mais aussi probablement son camp, la Première ministre Elizabeth Borne a déclaré : "Nous visons l'efficacité, des mesures utiles et des effets concrets. Nous ne cherchons pas à cliver’’.

Quant aux organisations de défense des droits de l'homme, elles ont dénoncé ce nouveau projet de loi. Selon elles, les immigrés sans papiers ou demandeurs d'asile en souffrent déjà.

Tchelina Jerolon, responsable du programme Conflits, migrations et justice à Amnesty International France, a déclaré : "Nous sommes particulièrement préoccupés par deux mesures qui ont été proposées par le gouvernement."

"Le premier concerne la prise automatique d'une OQTF, qui signifie l'obligation de quitter le territoire français pour tout demandeur d'asile qui verrait sa demande rejetée par l'OFPRA, Office français de protection des réfugiés et apatrides."

"Ce que nous craignons également, c'est que cette mesure ne conduise à des refoulements illégaux."

- Une main d’œuvre étrangère indispensable

Il est primordial de noter que les travailleurs immigrés en France occupent en moyenne un emploi sur 10, mais cette proportion peut monter jusqu'à quatre sur 10 dans certains secteurs.

"Aujourd'hui, soyons clairs, croyons-nous sincèrement que la restauration, les travaux agricoles et bien d'autres secteurs fonctionnent sans immigration ?", s’interroge Macron lors d’une interview au journal Le Parisien. "La réponse est non!", conclut-il.

Près de quatre travailleurs domestiques sur 10 (38,8%) sont d'origine immigrée, selon la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques. Ce chiffre est quatre fois plus élevé que la part des immigrés dans la population en France, estimée à 10,3 %.

Les immigrés sont surreprésentés dans la construction, les travaux publics, la sécurité et les hôtels et restaurants – principalement des emplois peu qualifiés.

Mais il y a aussi des cadres et des artisans dans des secteurs importants. Pour l'anecdote, le nombre d'immigrants dans la catégorie des "professionnels politiques et de bureau" est également supérieur à la moyenne.

À l'inverse, certains emplois ont un taux de travailleurs immigrés inférieur à la moyenne. C'est le cas dans la fonction publique, où les postes titulaires ne sont ouverts qu'aux Européens et où "des étrangers non européens peuvent être recrutés en tant que contractuels", selon l'étude. Certains emplois publics – militaires et policiers – sont réservés aux seuls citoyens français.

Au-delà des contraintes légales, les auteurs de l'étude de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques expliquent la sous-représentation des travailleurs immigrés par plusieurs facteurs : "Pratique de la langue française, équivalence des diplômes, logique de recrutement, comportement discriminatoire des recruteurs."

* Traduit par Fatih Karakaya

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