Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Le 3 septembre 2024, Benoît Huou, professeur de mathématiques à la Toulouse School of Economics (TSE), a été suspendu à titre conservatoire après avoir tenu des propos sur le conflit israélo-palestinien lors de son premier cours de l’année. Il aurait critiqué la participation d’Israël aux Jeux Olympiques et appelé ses étudiants à boycotter le pays. Sa suspension suite à des déclarations a rapidement suscité une controverse.
Huou, en évoquant la situation à Gaza, a relayé des chiffres issus d’une étude publiée dans la revue scientifique « The Lancet », estimant que près de 200 000 Palestiniens auraient perdu la vie depuis le début des offensives israéliennes en 2023. Cette intervention, enregistrée par un étudiant, a été diffusée sur les réseaux sociaux par des comptes pro-israéliens, provoquant des réactions immédiates des autorités académiques et politiques.
- Une suspension conservatoire décidée par l'administration de la TSE
Joel Echevarria, directeur de cabinet du Recteur de la TSE, a confirmé la suspension de Benoît Huou lors d’une interview accordée ce 4 septembre à Anadolu. Selon lui, l’enseignant aurait consacré près de vingt minutes de son cours d'introduction à des sujets sans lien avec le programme de mathématiques. Il a abordé la situation au Proche-Orient et incité les étudiants à « prendre position, boycotter et manifester ».
Echevarria a expliqué que cette décision de suspendre Huou était une mesure conservatoire prise en concertation avec le ministère de l'Enseignement supérieur. « Ce n’est pas une sanction disciplinaire, mais une suspension visant à protéger les étudiants et l'enseignant lui-même, qui a reçu des menaces de mort après la diffusion de ses propos », a-t-il déclaré. Le numéro de bureau de Benoît Huou a en effet été partagé sur les réseaux sociaux, ce qui a conduit à cette décision de précaution pour des raisons de sécurité, selon TSE.
La suspension conservatoire est une mesure temporaire dans l’attente d’une enquête disciplinaire. Echevarria a précisé que l’objectif principal était de garantir un climat serein pour la suite des cours et d'éviter que les étudiants ne soient exposés à des polémiques extérieures, soulignant par ailleurs que le professeur continue de percevoir son salaire.
- Réaction du « Collectif Palestine Vaincra »
Peu après la suspension, le « Collectif Palestine Vaincra » a publié un communiqué dénonçant cette décision, qu'il considère comme une attaque contre la liberté d'expression. Le collectif a défendu Benoît Huou, soulignant que son intervention se limitait à dénoncer le « drame humanitaire que subit le peuple palestinien ». Selon eux, la suspension reflète une politique de répression des voix critiques envers Israël.
Le communiqué mentionne également que l’enregistrement des propos de l’enseignant a été diffusé par des comptes liés à l'extrême droite israélienne, ce qui, selon eux, a contribué à la mise en place de cette sanction. Le collectif a exprimé son soutien à Huou et a critiqué les autorités universitaires pour avoir cédé à la pression publique.
La suspension de Benoît Huou a également déclenché une onde de choc parmi ses collègues et étudiants. Certains défendent la liberté d’expression académique, à l’instar de Yann Bisiou, maître de conférences en droit, qui a déclaré sur X que les propos de l’enseignant ne devraient pas justifier une sanction. « On peut contester les propos de ce collègue, critiquer le manque de fiabilité de ses sources, mais on ne devrait pas le sanctionner pour avoir exprimé une opinion », a-t-il affirmé.
- Débat sur la liberté d'expression et la neutralité des enseignants
Cette suspension intervient dans un contexte plus large de tensions autour du conflit israélo-palestinien et relance le débat sur la place de la liberté d'expression dans l’enseignement supérieur en France. Si certains estiment que les enseignants devraient pouvoir exprimer librement leurs opinions, d’autres considèrent que ces interventions risquent de créer des divisions et des polémiques inutiles dans les établissements.
L’affaire soulève également la question de la neutralité des enseignants dans les établissements publics, particulièrement lorsqu’il s’agit de sujets aussi sensibles que le conflit israélo-palestinien. Dans une publication sur X, la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau a déclaré que les enseignants doivent respecter un devoir de réserve, surtout dans le cadre de leurs fonctions.
- Une enquête ouverte pour apologie du terrorisme
Après l'interview d'Anadolu avec les responsables de TSE, le parquet de Toulouse a confirmé l’ouverture d’une enquête pour « apologie du terrorisme » concernant les propos tenus par Benoît Huou lors de son cours. Les accusations portent sur certaines de ses déclarations, notamment celles concernant la responsabilité du Hamas dans le conflit et la critique ouverte des actions militaires israéliennes. Bien que cette enquête soit en cours, aucune accusation formelle n’a encore été portée contre l’enseignant.
Anadolu n'a pas réussi à joindre Benoît Huou. Ce dernier n'a pas encore réagi publiquement à ces accusations.
- Une affaire symptomatique des tensions autour du conflit israélo-palestinien
Cet incident reflète la polarisation croissante autour du conflit israélo-palestinien en France et soulève la question de la liberté d’expression académique, alors que des voix soulignent la nécessité de préserver un environnement neutre et serein pour les étudiants.
Pour rappel, Israël poursuit son offensive brutale sur la bande de Gaza depuis une attaque du groupe palestinien Hamas le 7 octobre dernier, et malgré une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU appelant à un cessez-le-feu immédiat.
L'attaque israélienne a causé la mort de plus de 40 000 Palestiniens, principalement des femmes et des enfants, et plus de 95 000 blessés, selon les autorités sanitaires gazaouies.
Israël est accusé de génocide devant la Cour internationale de Justice, qui a ordonné l'arrêt des opérations militaires dans la ville de Rafah, dans le sud de l'enclave palestinienne où plus d'un million de Palestiniens avaient trouvé refuge avant que la zone ne soit envahie par les forces israéliennes, le 6 mai.