France: La suspension de la réforme des retraites au cœur des discussions politiques après la démission du gouvernement
- Après la démission de Sébastien Lecornu, l’exécutif tente une dernière fois de rassembler une majorité autour du budget 2026. L’avenir de la réforme des retraites, contestée depuis 2023, s’invite au centre des négociations

Istanbul
AA / Istanbul / Serap Dogansoy
À la suite de la démission de son gouvernement, Emmanuel Macron a chargé lundi 6 octobre Sébastien Lecornu, Premier ministre désormais démissionnaire, de mener « d’ultimes discussions » avec les partis d’opposition afin de tenter de dégager une majorité parlementaire avant le dépôt du budget 2026. Ces discussions, qui doivent s’achever ce mercredi soir, se concentrent en grande partie sur l’avenir de la réforme des retraites, symbole du précédent quinquennat et source majeure de divisions politiques.
- Un revirement d’Élisabeth Borne relance le débat
L’ancienne Première ministre Élisabeth Borne, qui avait ardemment soutenu la réforme adoptée en 2023, a surpris la majorité en ouvrant la porte mardi soir lors d’un reportage pour Le Figaro, à une possible « suspension » du texte, sans en informer ni l’exécutif ni son successeur. Dans la foulée, Sébastien Lecornu a demandé la réalisation d’une étude d’impact sur les conséquences d’un tel geste, qui pourrait être utilisé comme concession pour débloquer les discussions.
- Majorité et opposition divisées
Cette hypothèse divise profondément la majorité. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s’est dite « absolument pas d’accord » avec l’idée d’une démission d’Emmanuel Macron et a plaidé pour une « négociation globale » autour du budget, plutôt que pour des concessions ponctuelles : « Il ne faut pas lâcher des trucs comme ça tous les jours. » Elle juge également qu’une dissolution de l’Assemblée « ne résoudrait pas grand-chose ».
Le ministre démissionnaire de l’Économie, Roland Lescure, a averti sur France Inter ce mercredi, que la suspension ou la modification de la réforme aurait un coût budgétaire considérable : « Des centaines de millions en 2026 et des milliards en 2027. » Il a rappelé que le projet de loi de finances devait impérativement être déposé avant le 13 octobre pour des raisons constitutionnelles, et que « toutes les concessions auront un prix ».
- Réactions contrastées des partis
L’opposition a accueilli cette inflexion avec des sentiments divergents. À gauche, le Parti socialiste salue un « bon signe pour la suite » : « Enfin ! », a réagi Arthur Delaporte, député du Calvados sur le réseau social américain X.
À droite, l’ancienne ministre Valérie Pécresse met en garde contre une « terrible faute morale » qui consisterait à « laisser les déficits exploser » et à « renoncer à la réforme courageuse de ce quinquennat ».
De son côté, Mathilde Panot, présidente du groupe La France insoumise (LFI), a adopté une ligne plus radicale : « Nous censurerons tout gouvernement qui continuerait une politique macroniste. (…) Macron doit partir. »
- Une réforme explosive adoptée en 2023
Adoptée au printemps 2023 dans un climat social explosif et sans vote grâce à l’article 49.3 de la Constitution, la réforme des retraites avait relevé l’âge légal de départ de 62 à 64 ans d’ici 2030. Présentée comme indispensable à l’équilibre financier du système, elle avait déclenché des mois de mobilisation syndicale et de manifestations de grande ampleur. Malgré son adoption, la réforme est restée profondément impopulaire et symbolise, pour beaucoup, la rupture entre l’exécutif et une partie de la société française. Sa remise en question aujourd’hui reflète les difficultés d’Emmanuel Macron à gouverner sans majorité absolue et pourrait marquer un tournant dans la fin de son second quinquennat.