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France : La ministre de la Transition énergétique face à la question d'un possible conflit d'intérêts

- Selon une enquête menée par le collectif de journalistes « Disclose », le père et les enfants mineurs d'Agnès Pannier-Runacher sont actionnaires d'une compagnie pétrolière et sont liés à des paradis fiscaux.

Ümit Dönmez  | 08.11.2022 - Mıse À Jour : 08.11.2022
France : La ministre de la Transition énergétique face à la question d'un possible conflit d'intérêts

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AA / Paris / Ümit Dönmez

La ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, serait possiblement confrontée à un conflit d'intérêts alors que son père et ses enfants mineurs sont directement ou indirectement associés à un groupe pétrolier.

D’après l’enquête du collectif de journalistes « Disclose » et de « Investigate Europe » (IE), la société « Arjunem », enregistrée à Paris depuis 2016, a permis au père de la ministre, Jean-Michel Runacher, de faire un don de plus d'un million d'euros à ses petits-enfants, sans payer de droits de succession.

Selon le média Disclose, les trois enfants d'Agnès Pannier-Runacher, qui étaient âgés de 5, 10 et 13 ans en 2016, sont devenus actionnaires de la société aux côtés de leur grand-père alors que les documents permettant aux mineurs de rejoindre l'entreprise ont été signés par leur mère.

La société Arjunem serait dotée à l'époque de 1,2 million de fonds d'investissements spéculatifs, apportés par Jean-Michel Runacher, qui, par ailleurs, crée une autre société civile au capital de 600 000 euros pour deux autres de ses petits enfants.

Selon Disclose, ce patrimoine proviendrait de fonds spéculatifs dissimulés dans des paradis fiscaux tels que l'île de Guernesey (sur la liste noire de l'Union européenne jusqu'en 2019), l'Irlande ou l'État américain du Delaware, alors que le capital investi dans Arjunem aurait été déposé dans une banque privée au Luxembourg.

Interrogé par le média d'investigation, Agnès Pannier-Runacher a déclaré "ne pas avoir connaissance de la politique d'investissement" de ces fonds, gérés "de manière indépendante par des investisseurs professionnels". La ministre a renvoyé les journalistes vers son père "pour plus de détails". Ce dernier n'a pas donné suite à leurs questions.

Disclose rapporte également que la ministre n'a jamais informé la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) de ses liens familiaux avec Arjunem, le média rappelant, néanmoins, que celle-ci n'est pas dans l'obligation légale de le faire.

En effet, les biens des enfants mineurs des membres du gouvernement ne sont pas concernés par cette obligation, contrairement à ceux détenus par les ministres ou leur conjoint.


- Liens avec l'industrie pétrolière

D’après l’enquête du collectif de journalistes « Disclose » et de « Investigate Europe » (IE), la société Arjunem entretient des liens étroits avec le deuxième producteur français de pétrole après TotalEnergies, la société « Perenco », de laquelle Jean-Michel Runacher fut directeur général, directeur financier puis administrateur jusqu'en 2020.

Bien que la société Perenco assure que ce dernier n'aurait désormais qu'un rôle ponctuel de conseiller, Disclose rapporte qu'il est "toujours dirigeant d'au moins deux sociétés financières de la multinationale".

Selon le média d'investigation, les fonds investis dans la fameuse société Arjunem proviennent des mêmes placements que ceux de la compagnie pétrolière où travaillait Jean-Michel Runacher.

Il s'agirait pour Disclose, d'un possible conflit d'intérêt pour la ministre de la Transition énergétique dont l'objectif est "de sortir la France des énergies fossiles".

Interrogée par le média, celle-ci souligne qu'"il ne s’agit pas de mon patrimoine, mais de celui de mes enfants qui, eux-mêmes, n’ont aucun pouvoir de gestion de la société à ce jour.

La ministre ajoute qu'elle n'a "ni vocation, ni par ailleurs d'obligation légale à être associée aux activités professionnelles" de son père, et qu'elle n'a jamais eu à traiter "de dossiers en lien avec Perenco" alors que la société "exerce l'essentiel de ses activités hors de France".

Selon la directrice générale de l'ONG de lutte contre la corruption « Anticor », "cela ne fait aucun doute que la ministre est dans une situation de conflit d’intérêts".

La HATVP confirme que "l’absence d’obligation déclarative ne dispense pas le responsable public de veiller à prévenir et faire cesser les situations de conflit d’intérêts qui naîtraient d’autres intérêts indirects détenus, tels que l’activité des enfants ou d’autres membres de la famille", ajoute Béatrice Guillemont.

Disclose rapporte que la HATVP n'exclut pas de saisir la justice sur ce dossier.




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