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France : la loi contre le "séparatisme" aura-t-elle raison du collège musulman Avicenne ?

Feiza Ben Mohamed  | 17.04.2024 - Mıse À Jour : 18.04.2024
France : la loi contre le "séparatisme" aura-t-elle raison du collège musulman Avicenne ?

France

AA / Nice / Feïza Ben Mohamed

Ouvert en 2015, le collège musulman Avicenne situé dans le quartier de l’Ariane, à l’Est de Nice, n’a jamais fait parler de lui, si ce n’est pour les très bons résultats de ses élèves.

À l’unanimité, parents d’élèves comme habitants du quartier, saluent un « établissement d’excellence qui est une fierté ».

Pourtant, le 14 mars dernier, le Préfet du département des Alpes-Maritimes, Hugues Moutouh, a pris un arrêté de fermeture définitive de l’établissement scolaire, invoquant la loi dite « contre le séparatisme» et pointant des « financements opaques et des irrégularités financières ».

Mardi 16 avril, le tribunal administratif de la capitale azuréenne examinait pendant près d’une heure et demi la demande de suspension de cet arrêté dans le cadre d’une procédure en référé.

Devant une salle remplie d’élèves, de parents, de militants associatifs et de simples soutiens anonymes, l’avocat du collège privé musulman, Maître Guezguez, a tenté de convaincre la justice, du caractère disproportionné d’une telle mesure, au regard de ce qui lui est reproché.

- Avicenne dénonce un arrêté injuste et disproportionné

Dans le détail, la préfecture, qui échange avec l’établissement depuis 18 mois concernant l’examen de sa comptabilité, reproche notamment au collège de ne pas être en mesure de communiquer une liste exhaustive de tous les donateurs, depuis son ouverture, considérant que la tableau descriptif fourni n’était pas conforme aux procédures.

Face à une formation collégiale de trois magistrats, Maître Guezguez a pris le temps d’expliquer que le listing des donateurs, tous établis en France, a pourtant été donné aux autorités administratives qui refusent en réalité de le valider pour une seule raison: ils ne mentionnent que les noms de famille et pas les prénoms des dits donateurs.

À la barre, le directeur adjoint du cabinet du Préfet, Nicolas Huot a quant à lui affirmé qu’il existe « un faisceau d’indices qui vient démontrer une absence de transparence » et « un manque de sérieux ».

Au micro d’Anadolu, l’avocat d’Avicenne pointe un arrêté « injuste et disproportionné » et assure que la direction du collège a contacté la préfecture à plusieurs reprises « pour savoir si elle avait besoin d’éléments complémentaires » mais s’est heurtée « à un silence du côté de l’administration ».

« Il y a une volonté du Préfet de fermer cet établissement à tout prix mais comme l’a dit la ministre de l’Education Nationale, la justice aura le dernier mot et je l’espère, ces enfants pourront continuer leur scolarité au sein de l’établissement Avicenne » a poursuivi Maître Guezguez.

- Les structures musulmanes dans le viseur des autorités

Alors que le lycée privé musulman Averroès de Lille, vient de perdre son contrat avec l’Etat, cet arrêté qui cible aujourd’hui le collège hors contrat Avicenne, inquiète dans les rangs musulmans.

Maître Guezguez l’a martelé à plusieurs reprises au cours de l’audience avant de le réitérer au micro d’Anadolu: « Avicenne n’a jamais été la source d’un quelconque trouble à l’ordre public ni fait parler de lui pour des faits liés à une éventuelle radicalisation de ses élèves ou de son corps éducatif.

Pourtant, c’est bien en vertu de la loi « contre le séparatisme», et de ses dispositions concernant les sources de revenus, que le collège niçois se retrouve dans la tourmente.

« La France a un réel problème avec sa composante musulmane et j’estime qu’il faut amorcer un dialogue sérieux et responsable pour y apporter des réponses » grince à ce propos le président de l’association Avicenne, Otmane Aïssaoui, dans une interview accordée à Anadolu à la sortie du tribunal administratif.

Celui qui est, par ailleurs, à la tête de l’UMAM (Union des musulmans des Alpes-Maritimes) explique ne pas comprendre cette procédure qu’il a accueillie comme « une provocation ».

« La décision prise par le Préfet est une décision politique qui s’inscrit dans une logique de communication. Comme on l’a vu ces derniers mois, il y une vraie séquence d’arrêtés injuste qui ont été pris à l’encontre de la communauté musulmane, je pense à cette librairie musulmane qui a été fermée et dont la justice a reconnu que l’arrêté était injuste, je pense aux interdictions de manifestations pour la Palestine qui ont été suspendues par le tribunal administratif à 13 reprises et on a, aujourd’hui, un arrêté qui est pris par le Préfet des Alpes-Maritimes qui vient reprocher un prétendu manque de transparence du côté de l’association Avicenne qui a remis l’intégralité de ses relevés de compte » abonde Maître Guezguez.

D’un point de vue procédural, la justice administrative rendra sa décision en fin de semaine, mais Otmane Aïssaoui se dit prêt à user de tous les recours dans l’hypothèse où la fermeture de son établissement serait validée.

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