France : la Cour de cassation confirme l'interdiction du port de signes religieux pour les avocats

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AA/Paris/Fatih Karakaya
La Cour de Cassation a donné raison, mercredi, à la cour d'appel de Douai ( commune du nord de la France), en rejetant les recours déposés par deux avocats qui réclamaient l'annulation de l'interdiction du port de signes religieux votée en 2019 par le conseil de l'ordre du barreau de Lille.
« Le conseil de l’ordre d’un barreau peut interdire de porter, avec la robe d’avocat, tout signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique », a estimé la Cour.
En effet, le 24 juin 2019, le conseil de l’ordre d’un barreau de Lille avait modifié son règlement intérieur en ajoutant au titre consacré aux « rapports avec les institutions » l’alinéa suivant :
« L’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique. ».
Suite à ce changement de règlement, une élève-avocate de confession musulmane et voilée ainsi que son maître de stage, également avocat, avaient chacun formé un recours contre cette délibération du conseil de l’ordre.
Recours devant la Cour
Pourtant, en juillet 2020, la cour d’appel avait alors déclaré que le recours de l’élève-avocate était irrecevable, « celle-ci n’étant pas encore avocate et n’ayant donc pas qualité à agir ». De même, la demande de l’avocat avait aussi été rejeté.
L’affaire avait donc était porté à la plus haute juridiction française.
« Le conseil de l’ordre d’un barreau est-il compétent pour interdire, dans son règlement intérieur, le port de tout signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique, avec la robe d’avocat ? », se sont interrogés les juges de la Cour qui voulaient savoir si « cette délibération du conseil de l’ordre constitue une atteinte à la liberté de religion et à la liberté d’expression ? ».
Les juges ont donc décidé « qu’en l’absence de disposition législative spécifique et à défaut de disposition réglementaire édictée par le Conseil national des barreaux, il entre dans les attributions d’un conseil de l’ordre de réglementer le port et l’usage du costume de sa profession ».
« Le conseil de l’ordre avait donc le pouvoir de modifier son règlement intérieur afin d’interdire le port de tout signe distinctif avec la robe d’avocat », estime ainsi la délibération et précise que « cette restriction des libertés religieuse et d’expression est proportionnée ».
En effet, pour la Cour, « en imposant à ses membres de porter la robe d’audience sans aucun signe distinctif, le conseil de l’ordre contribue à assurer l’égalité entre avocats et, à travers celle-ci, l’égalité entre justiciables. Ce principe d’égalité est l’un des éléments constitutifs du droit à un procès équitable ».
Considérant que l’interdiction du port de signes manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique est ainsi nécessaire et adéquate, d’une part, pour préserver l’indépendance de l’avocat, d’autre part, pour garantir le droit à un procès équitable, la Cour déclare définitivement que « cette interdiction ne constitue pas une discrimination » et ferme donc la voie la possibilité pour les femmes voilées de plaider en accord avec leurs convictions religieuses.