France : Des victimes dénoncent des violences sexuelles policières : “un cauchemar” devenu système (Médias)
– Des femmes accusent certains policiers et gendarmes de violences sexuelles, dénonçant une impunité persistante.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Une série de témoignages publiés par Libération et issus d'une enquête conjointe avec le média Disclose révèle l’ampleur d’un phénomène alarmant : des violences sexuelles commises par des membres des forces de l’ordre sur des femmes vulnérables, souvent venues chercher protection dans les commissariats.
Par voie d'un long article d'investigation publié ce mardi, Libération donne la parole à plusieurs femmes victimes d'agissements d'agents de police ou de gendarmerie, allant du harcèlement sexuel au viol aggravé. Ces actes sont souvent commis dans un contexte de domination, à l’abri de tout regard, et exploitant la vulnérabilité sociale, psychologique ou linguistique des victimes.
L’affaire de Joanna N., relatée dès l’introduction de l’enquête « #MeToo Police », illustre cette mécanique. Après avoir porté plainte pour viol, la jeune femme a reçu des messages à caractère sexuel d’un policier ayant détourné ses données personnelles. « C’est comme si j’avais été violée une deuxième fois », déclare-t-elle à l’IGPN, selon Libération.
Le journal détaille plusieurs cas similaires : Taous, une femme autiste harcelée par un commandant de Seine-Saint-Denis ; Valentina, une mère kosovare agressée sexuellement lors d’une intervention à son domicile ; ou encore Angélique, détenue au tribunal de Toulon, violée par un policier en 2018, et qui a vu ses souffrances minimisées par la solidarité hiérarchique dont bénéficiait son agresseur.
Disclose recense 429 cas de violences sexuelles imputables à des membres des forces de l’ordre depuis 2012. Parmi ces victimes, 132 étaient soit plaignantes soit mises en cause dans des affaires. Selon Libération, une majorité de ces femmes étaient venues chercher protection pour des violences conjugales ou intrafamiliales.
L’enquête évoque aussi la répétition des comportements, soulignant que 83 policiers et gendarmes sont mis en cause dans plusieurs affaires. Le cas de Claude Mardi, condamné pour viols et harcèlement sexuel, ou celui de Laurent D., policier d’Angers mis en examen avant de décéder, montrent la dimension sérielle de certaines de ces affaires. Des collègues avaient alerté sur leurs attitudes, sans que cela n’ait donné lieu à des mesures disciplinaires suffisantes, découvre-t-on dans l'enquête.
Malgré les condamnations judiciaires prononcées dans certains cas, Libération souligne que peu d’agents sont exclus de la profession. Le ministère de l’Intérieur, contacté par le quotidien, indique que depuis 2021, seules 18 sanctions ont été prononcées dans la police nationale pour violences sexuelles, contre 223 dans la gendarmerie sur la même période.
L’enquête pointe également l’"inertie" de certains cadres hiérarchiques, parfois complices passifs de ces actes. Dans le cas de Laurent D., un supérieur hiérarchique a dû contourner la hiérarchie pour faire remonter les faits à la justice.
En toile de fond, l’article de Libération décrit une culture de virilité exacerbée au sein des forces de l’ordre, qui favoriserait l’impunité. Des comportements inadaptés, des blagues à connotation sexuelle, des attitudes déplacées vis-à-vis des collègues féminines ont souvent été rapportés bien avant que ne surgissent les plaintes pour violences sexuelles.
Si quelques victimes osent aujourd’hui témoigner publiquement, comme Joanna N. ou Fatima E., toutes dénoncent le prix à payer pour être entendues, la peur, l’isolement, la défiance désormais installée envers l’institution policière. Mais leur courage contribue à briser un tabou institutionnel, selon le quotidien français.