France : Bayrou à nouveau mis en cause dans un scandale d'internat catholique
– Dans le rapport sur Bétharram, l’Assemblée nationale relance l’affaire Pélussin, étouffée depuis 1995, impliquant le silence de François Bayrou.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
La commission d’enquête parlementaire sur les violences sexuelles dans les établissements religieux, déclenchée après le scandale Bétharram, a relancé une affaire oubliée depuis près de trente ans : celle du collège Saint-Jean de Pélussin, dans la Loire.
Par voie d’un rapport publié mercredi, la commission, présidée par les députés Paul Vannier (LFI) et Violette Spillebout (Renaissance), consacre deux pages à ce dossier accablant. Au centre, une question : pourquoi François Bayrou, alors ministre de l’Éducation nationale, est-il resté muet face aux alertes répétées de deux enseignantes en 1995 et 1996 ?
Élisa Beyssac-Vinay, professeure d’arts plastiques, et sa collègue d’histoire-géographie Marie-Dominique Chavas, ont dénoncé dès 1995 des violences systémiques à l’intérieur de l’internat Saint-Jean, tenu par les frères maristes. Les documents consultés par Mediapart confirment qu’elles ont écrit à plusieurs reprises à François Bayrou. Sans jamais recevoir de réponse.
Les faits sont graves, selon le média d'enquête. Le directeur de l’établissement, le frère Jean Vernet, a été condamné pour agressions sexuelles sur une trentaine d’enfants. L’homme, pourtant sans diplôme médical, gérait lui-même l’infirmerie du collège. Ses gestes étaient prétextés comme « palpations », mais les témoignages d’élèves évoquent des abus répétés, détaillés dans des auditions menées par la gendarmerie en 1995.
À l’époque, les deux enseignantes, confrontées à une inertie de l’Éducation nationale, ont saisi directement le procureur. Puis, face à l’absence de réaction institutionnelle, ont multiplié les courriers aux autorités, y compris à Bayrou. L’un d’eux, daté du 23 juin 1996, alerte encore : « Des enfants sont en danger, nous sommes menacées, nous ne pouvons rester dans cet état. »
Mais selon Mediapart, aucune enquête administrative n’a été déclenchée à l’époque contre les adultes mis en cause. Mieux encore, certains d’entre eux sont restés en poste jusqu’à leur retraite. Le ministre Bayrou, lui, a préféré invoquer la présomption d’innocence dans ses rares déclarations, et n’a pris aucune mesure disciplinaire contre les personnels visés.
L’affaire Pélussin présente de nombreuses similarités avec celle de Bétharram : silence ministériel, ostracisation des lanceuses d’alerte, impunité des agresseurs, dissimulation institutionnelle. À la différence près que Pélussin n’avait jamais bénéficié d’un écho public comparable.
Dans une lettre à Jacques Chirac en janvier 1997, les enseignantes interpellaient directement le président : « Que fait l’Éducation nationale pour protéger ces jeunes ? » L’Élysée transmet au cabinet de Bayrou, qui répond qu’une action disciplinaire ne peut être engagée qu’après la justice. Pourtant, rappelle Mediapart, rien n’empêchait des suspensions conservatoires.
Une cellule d’écoute est mise en place, mais confiée à un surveillant lui-même mis en cause dans l’enquête. L’audit, quant à lui, est une initiative de l’enseignement catholique, non de l’État. Au final, aucun des adultes accusés par les élèves ne sera suspendu.
Avec la médiatisation du scandale Bétharram début 2025, les anciens témoins de Pélussin ont repris la parole. Le rapport parlementaire souligne « l’extrême lucidité » de ces deux enseignantes, ignorées en leur temps, mais reconnues aujourd’hui comme pionnières de l’alerte.
Bayrou n'a pas commenté le rebondissement de cette affaire. Toutefois, sa porte-parole affirme, en réponse à une question à l'issue du conseil des ministres, ce mercredi 2 juillet, qu'il avait été interrogé par la Commission parlementaire et il avait apporté les éclaircissements justifiant son attitude.