France/Affaires des crânes algériens: Un carnage dépoussiéré par un successeur déterminé
L’universitaire et écrivain algérien Brahim Senouci, dont le corps du père, n'a jamais été retrouvé, a lancé un appel pour la restitution des têtes des résistants algériens tués par le corps expéditionnaire français dans les années 1840 et 1850

Paris
AA - Paris - Bilal Muftuoglu/ Hajer M'tiri
La France ne doit plus conserver et exposer les crânes des combattants algériens qui ont résisté à la colonisation de leur pays au 19ème siècle, a estimé Brahim Senouci, maître de conférences dans une université de la région parisienne, qui est à l'origine d'une pétition appelant à la restitution de ces crânes à l'Etat algérien.
Dans une interview accordée à Anadolu, Senouci, qui enseigne actuellement à l'Université de Cergy-Pontoise, est revenu sur l'affaire des crânes algériens conservés au Musée de l'homme à Paris. Ces 36 crânes appartenant aux combattants qui ont lutté contre les forces françaises au 19ème siècle ne font plus partie de la collection permanente, après des années d'exposition, et sont conservés dans une armoire métallique à l'intérieur des Archives du musée.
Pour le maître de conférences, qui a largement contribué à la médiatisation de l'affaire en France et en Algérie avec sa pétition qui a reçu à l'heure actuelle plus de 29 mille signatures, ces crânes doivent être rapatriés en Algérie "pour y recevoir une digne sépulture".
C'est surtout l'actuelle "dédiabolisation" des pratiques de colonisation en France qu'entend viser la pétition, explique Senouci. "Nous constatons que certains hommes politiques français tentent de dédiaboliser la colonisation et de la présenter comme un partage de culture avec d'autres pays", déplore-t-il, évoquant en particulier le discours de François Fillon, candidat à la primaire de la droite.
"Non, la France n'est pas coupable d'avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Nord", avait lancé Fillon, lors d'un meeting, ajoutant que la France n'a pas inventé l'esclavage.
Ces tentatives, de plus en plus observées dans le cadre de la pré-campagne électorale en cours, ont pour but de supprimer, de la mémoire collective, les mauvais souvenirs de l'Histoire française, estime Senouci.
Et le maître de conférences de poursuivre: "On présente une page de l'histoire française, qui n'est vraiment pas glorieuse, comme une source de fierté. Il est insupportable que les combattants algériens ne sont pas enterrés depuis 170 ans. Il est immoral qu'un musée conserve les crânes d'individus qui ont, pour la plupart, été décapités par des militaires".
L'identification des combattants passera par une analyse scientifique de ces crânes, tient à souligner Senouci. "Ces crânes sont essentiels car nous ne disposons d'aucune information quant aux familles des combattants. La plupart des résistants venus des quatre coins de l'Algérie avaient perdu leurs vies durant la guerre", note-t-il.
- "Les Algériens ne connaissent pas l'histoire de leur pays"
La société algérienne doit, elle aussi, être sensibilisée à l'importance de cette affaire, il s'agit d'un "devoir de mémoire", insiste le maître de conférences algérien. "Les Algériens ne connaissent pas l'histoire de leur pays. Le système scolaire algérien n'aborde pas vraiment l'histoire coloniale, ce qui laisse les jeunes penser que rien ne s'est passé au 19ème siècle", explique-t-il.
Le gouvernement algérien a été informé de la présence des crânes au Musée de l'homme mais le sujet n'a pas suscité un grand débat, dénonce Senouci, qui tient à souligner que : "Cette affaire continue à me préoccuper car mon père a perdu sa vie pendant la Guerre d'Algérie et nous n'avons jamais trouvé son corps".
- Des obstacles juridiques pour la restitution des crânes
La restitution des crânes dépend de leur déclassement éventuel du patrimoine français, un acte qui exige d'abord une demande officielle de la part du gouvernement algérien et une autorisation de la commission scientifique nationale des collections en France.
"Le gouvernement algérien n'a pas encore fait une telle demande, car il risque de se heurter aux obstacles juridiques en France. Il faut introduire une proposition de loi à l'Assemblée nationale en France pour suspendre l'incessibilité de ces crânes", précise-t-il.
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