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France / 125 millions d’euros pour des tablettes en prison : un investissement détourné de son usage initial

– Prévue pour moderniser la détention et faciliter l’administration pénitentiaire, l’installation de tablettes numériques dans les cellules est détournée par certains détenus, qui les transforment en écrans de télévision ou consoles de jeux.

Ümit Dönmez  | 08.03.2025 - Mıse À Jour : 08.03.2025
France / 125 millions d’euros pour des tablettes en prison : un investissement détourné de son usage initial

Ile-de-France

AA / Paris / Ümit Dönmez

L’administration pénitentiaire équipe depuis plusieurs mois les prisons françaises de tablettes numériques dernier cri. Fixées aux murs des cellules, elles doivent permettre aux détenus d’effectuer diverses démarches sans solliciter en permanence les surveillants : commander des produits, prendre rendez-vous avec un médecin ou encore consulter leur compte pénitentiaire.

L’objectif affiché est double : améliorer les conditions de vie en détention et fluidifier le travail administratif des établissements.

Cependant, une vidéo circulant sur les réseaux sociaux a relancé la polémique. On y voit un détenu exhiber une tablette en la détournant de son usage initial.

Plusieurs témoignages indiquent que des prisonniers parviennent à décrocher ces tablettes de leur fixation murale et à les utiliser comme des écrans de télévision. Certains iraient même jusqu’à connecter des manettes pour jouer à des jeux vidéo, selon Europe 1.

Face aux critiques, le ministère de la Justice se défend. Il assure que ces équipements sont inutilisables sans carte SIM et que leur détournement résulte donc d’un problème de sécurité antérieur à leur installation.

« Les tablettes sont reliées à un réseau sécurisé et encastrées dans des sarcophages inviolables », affirme la Chancellerie, précisant que les détenus responsables de toute dégradation devront en assumer les frais.

Mais l’initiative, dont le coût total avoisine les 125 millions d’euros, suscite des interrogations, notamment parmi les surveillants pénitentiaires. Certains estiment que ces tablettes étaient une « solution à un problème qui n’existait pas », rappelant que l’administration pénitentiaire lutte déjà pour empêcher l’introduction de téléphones portables dans les cellules. D’autres dénoncent un gaspillage d’argent public, surtout au regard des moyens limités alloués aux services pénitentiaires.


** Des détenus exhibent leurs tablettes sur TikTok : un détournement assumé

Sur les réseaux sociaux, des prisonniers se vantent d’avoir piraté les tablettes fournies par l’administration pénitentiaire, dévoilant comment ils les transforment en outils de divertissement.

Sur TikTok, un détenu utilisant le pseudonyme « rotation_59 » s’amuse à montrer comment il détourne la tablette installée dans sa cellule. Dans une vidéo, il la manipule comme un écran de télévision, diffusant des clips de rap sur YouTube. Dans une autre, il branche une manette de jeu et s’adonne à une partie de football virtuel, selon Le Figaro.

Ces images contredisent les assurances du ministère de la Justice, qui affirme que ces tablettes sont sécurisées et ne peuvent pas être utilisées à d’autres fins que celles prévues par l’administration. D’autant plus que certains détenus monnayent leurs connaissances pour aider d’autres prisonniers à contourner les restrictions imposées. Pour 50 €, « rotation_59 » propose un tutoriel expliquant comment réinitialiser la tablette et débloquer ses fonctionnalités, selon le quotidien français.

Un détenu interrogé par Le Figaro explique qu’il suffit d’une simple manipulation des boutons de l’appareil pour en reprendre le contrôle total. Une fois libérée des restrictions, la tablette peut être connectée à Internet via le partage de connexion d’un téléphone portable clandestin. « C’est un deuxième écran, ça permet de faire plus de choses, de regarder des films en meilleure qualité… », confie-t-il.

Ces révélations jettent une ombre sur l’initiative du ministère de la Justice, qui avait assuré que ces tablettes avaient passé avec succès des tests de sécurité avant leur déploiement. Pourtant, des surveillants ont déjà signalé que plusieurs d’entre elles avaient été décrochées des murs des cellules.

En interne, certains responsables de l’administration pénitentiaire expriment leur scepticisme. L’un d’eux, cité par Le Figaro sous couvert d’anonymat, critique une décision mal anticipée : « On a apporté une solution à un problème qui n’existait pas, et on s’est ajouté d’autres problèmes. On pouvait déjà fonctionner sans ces tablettes pour gérer les cantines, le courrier ou les rendez-vous. »

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