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Fidan: L’influence des États-Unis sur Israël surestimée, voire inversée

- « Tel-Aviv n’a jamais véritablement voulu une solution à deux États. Elle a constamment mené une politique d’appropriation des terres palestiniennes au-delà des frontières de 1967, en invoquant la sécurité », affirme le Chef de la diplomatie turque

Seda Sevencan, Esra Tekin  | 19.09.2025 - Mıse À Jour : 19.09.2025
Fidan: L’influence des États-Unis sur Israël surestimée, voire inversée

Istanbul

AA / Istanbul / Esra Tekin et Seda Sevencan


"Les récents développements liés à la guerre menée par Israël à Gaza ont montré que les États-Unis n’exercent peut-être pas autant d’influence sur la politique israélienne qu’on le croit généralement, et la réalité pourrait même être l’inverse", a déclaré jeudi le ministre des Affaires étrangères de Türkiye, Hakan Fidan.

"Comme vous le savez, il existe depuis longtemps une réalité dans la politique intérieure américaine sur la question de savoir qui contrôle qui. Les événements récents ont montré que les États-Unis n’ont pas autant d’influence sur les politiques israéliennes qu’on ne le pense ; cela pourrait même être l’inverse", a affirmé Fidan, en commentant les discussions en cours avec le président américain Donald Trump concernant la paix à Gaza et la stabilité en Syrie.

Soulignant qu’Israël a toujours représenté un problème pour la région depuis l’occupation des territoires palestiniens, Fidan a indiqué que tous les pays de la région soutiennent la solution à deux États fondée sur les frontières de 1967.

"Cependant, Israël n’a jamais véritablement souhaité une solution à deux États. Il a constamment poursuivi une politique d’appropriation des terres palestiniennes au-delà des frontières de 1967, en invoquant des raisons de sécurité", a-t-il déclaré dans une interview à la chaîne de télévision égyptienne MBC MASR.

"À ce stade, cela constitue le plus grand problème du monde islamique depuis des décennies. Ces dernières années, l’expansionnisme israélien est devenu une menace officielle pour la région, en plus de l’oppression continue subie par le peuple palestinien", a-t-il ajouté.

Soulignant l’importance du sommet arabo-islamique d’urgence tenu à Doha, le ministre turc a affirmé que la réunion a mis en lumière l’expansionnisme israélien.

"Nous continuerons à nous opposer au génocide en cours à Gaza et aux tentatives israéliennes d’annexer la Cisjordanie, et nous œuvrerons pour l’établissement d’un État palestinien. C’est une condition indispensable à la paix régionale", a-t-il poursuivi.

Le chef de la diplomatie turque a appelé les pays de la région ainsi que la communauté internationale à prendre des mesures appropriées face aux politiques expansionnistes d’Israël.

"C’est extrêmement important. Ce n’est bon ni pour Israël, ni pour les pays de la région. Malheureusement, Israël tire sa sécurité des faiblesses politiques et économiques, ainsi que du retard technologique de ses voisins", a-t-il ajouté.

"Par exemple, son occupation au Liban, sa présence en Syrie, ses attaques contre l’Iran, le ciblage continu de zones civiles au Yémen, la destruction systématique des infrastructures, et plus récemment, l’attaque contre le Qatar."

Fidan a indiqué que la récente attaque israélienne visant la direction du Hamas à Doha "a changé beaucoup de choses, alors même que les efforts de médiation se poursuivent".

En soulignant l’incapacité des acteurs internationaux à résoudre le conflit à Gaza, la guerre russo-ukrainienne et d’autres crises, le ministre a estimé que le système actuel "tend à alimenter les crises plutôt qu’à y apporter des solutions".

Il a ajouté que les blocs, alliances et organisations internationales, en particulier l’Union européenne et les Nations unies, échouent souvent à répondre aux enjeux mondiaux.

"La structure de l’ONU, en particulier celle du Conseil de sécurité, semble inadaptée à la résolution de ces problèmes. Une réforme du Conseil de sécurité et de l’ensemble de l’ONU est nécessaire", a-t-il défendu, appelant à la mise en place d’un mécanisme de décision plus inclusif et participatif.

"Si de telles réformes n’ont pas lieu, il est inévitable que d’autres acteurs régionaux émergent — comme les BRICS, l’Organisation de coopération de Shanghai, l’ASEAN et bien d’autres encore — pour proposer des approches alternatives."


- Les pays arabes et islamiques peuvent s’unir pour la sécurité régionale

Hakan Fidan a soutenu que de nombreux membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et de la Ligue arabe ont atteint un niveau de maturité politique leur permettant de former "un système politique intégré".

Selon lui, si les dirigeants politiques de ces pays le décident, il est possible de parvenir à cette vision dans le cadre d’un système structuré.

Il a insisté sur le fait que, dans la région, y compris en Türkiye, les pays doivent s’engager à respecter mutuellement leur sécurité, leur intégrité territoriale et leur souveraineté. "Tous les pays doivent se faire confiance. Il faut une plateforme qui rende cela possible. Ensuite, de nombreuses questions économiques et sécuritaires pourront être construites sur cette base."

Fidan a également souligné qu’on parle souvent dans la région de domination turque, arabe ou perse. "Je pense que c’est une approche primitive. Ce dont nous avons besoin, c’est de coopération, pas de domination. Il ne s’agit pas de diriger, mais de travailler ensemble. Les frontières sont claires. Les nations sont claires. Nous nous respectons mutuellement."


- "Meilleur niveau de l’histoire moderne" avec l’Égypte

Fidan a mis en avant l’amélioration des relations entre la Türkiye et l’Égypte, qualifiant les relations actuelles de "meilleur niveau de l’histoire moderne".

Il a affirmé que les liens entre les peuples des deux pays ont toujours été solides, et que les relations entre les élites politiques et les gouvernements ont récemment atteint un sommet, permettant un dialogue sur toutes les questions.

Évoquant la forte solidarité entre les deux pays, le ministre turc a souligné que les relations progressaient régulièrement et que les échanges commerciaux étaient "exceptionnellement bons".

Il a estimé que la coopération entre Ankara et Le Caire devait être renforcée par des efforts professionnels dans tous les domaines. "Mais je veux insister sur ce point : nous devons travailler de manière professionnelle et avec détermination. Il existe une volonté politique."

Fidan a déclaré que la Türkiye poursuivait le développement de ses relations politiques et commerciales avec l’Égypte et l’Arabie saoudite, mettant en avant l’importance de la coopération dans le domaine de l’industrie de défense, à la lumière des récents événements dans la région.

"Mais à ce stade, nous sommes confrontés à une réalité : les menaces dans la région nous poussent à parler davantage de sécurité et, franchement, à coopérer sur cette question. Nous devons notamment coopérer dans le domaine de l’industrie de défense. Et nous devons aussi approfondir notre réflexion sur nos enjeux sécuritaires communs", a-t-il expliqué.

Soulignant la coopération en cours entre la Türkiye et l’Arabie saoudite dans le secteur de la défense, Fidan a indiqué que les discussions avec l’Égypte se poursuivaient également dans ce domaine.

"Mais en particulier avec l’Égypte et l’Arabie saoudite, la Türkiye doit impérativement mettre la question de la sécurité commune sur la table avec les pays de la région, tout comme elle le fait pour les questions économiques, commerciales et technologiques", a-t-il conclu.


*Traduit de l'anglais par Wafae El Baghouani

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