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Emmanuel Macron change de discours, un mauvais signe pour la démocratie (Opinion)

Ekip  | 27.04.2021 - Mıse À Jour : 28.04.2021
Emmanuel Macron change de discours, un mauvais signe pour la démocratie (Opinion)

France

AA / Paris / Fatih KARAKAYA

L’espace médiatique et politique en France est de plus en plus pollué par un discours de rejet, de marginalisation, de criminalisation d’une partie de la population pour ses opinions et sa supposée appartenance religieuse.

En effet, nous assistons à un démantèlement des institutions françaises comme l’Observatoire de la laïcité et la remise en cause de la constitution comme le Concordat en Alsace Moselle qui, pourtant, garantissait, une parfaite harmonie.

Sous prétexte que l’observatoire qui conseille le gouvernement dans ses actions concernant la laïcité ne correspondait plus à l’attente idéologique des membres du gouvernement, ce dernier a décidé tout simplement de le dissoudre.

De même, le Concordat en Alsace Moselle, hérité de l’occupation allemande permet à l’Etat de subventionner des cultes et même de payer les salaires des religieux. Néanmoins, constatant qu’aujourd’hui cette particularité peut bénéficier à l’islam, deuxième religion de France, un certain nombre de laïcards veulent le supprimer. Jusque-là, cette exception faisait consensus auprès de la population. Mais désormais, la boîte de Pandore est ouverte et le débat est lancé pour mettre fin à cette richesse culturelle française.

Les états généraux de la laïcité

Toujours dans cette course à la surenchère, la ministre déléguée à l’Egalité, Marlène Schiappa a décidé d’organiser « les états généraux de la laïcité » où sont conviées des personnalités les plus controversées les unes que les autres.

Leur position tenant la ligne la plus dure sur l’application de la laïcité, qui marginalise, stigmatise allant jusqu’à la mise en danger des citoyens musulmans, est connue de tous. Ces états généraux ne serviront, d’ailleurs, qu’à conforter non pas les principes républicains mais l’idéologie des membres du gouvernement et ne permettront pas d’apaiser la société française.

Vouloir toujours surfer sur les extrêmes, ne rendra pas notre société meilleure. Les mises en garde de la société civile, des institutions européennes, des organisations internationales n’y change rien. Le gouvernement s’en gouffre dans une logique d’exclusion sous prétexte d’une lutte contre la « disparition de la nation française ».

D’ailleurs, toutes les lois votées ces 30 dernières années n’ont pas amélioré les choses. Toujours plus de lois, liberticides, n’ont pas éradiqué les craintes.

Pourquoi, alors, les gouvernements successifs s’entêtent dans cette logique, alors que de l’autre côté du Rhin en Allemagne, ou bien loin de chez nous, le Canada se portent à merveille ?

Leur conception de la laïcité est beaucoup plus apaisante, rassurante, ouverte au dialogue.

Mais ironiquement, en France, les tenants d’une laïcité dure en veulent toujours plus. Au nom des pseudos luttes dont on ne connaît jamais les contours exacts, en utilisant des mots qui font peur comme « islamisme », « islam radical », « islam politique », on cherche un soutien auprès de la population qui cherche des boucs-émissaires pour la pauvreté et le mal-être.

En clair, si on va si mal, c’est à cause des musulmans.

L’assassinat du fonctionnaire police

Pour prouver que le gouvernement a raison sur sa ligne dure, il cite en exemple des attaques terroristes. Dernier en date, l’assassinat horrifiant de la fonctionnaire de police à Rambouillet dans la région parisienne.

Sans rentrer dans le détail, on y apprend ainsi que le tueur, un Tunisien de 36 ans, est passé à l’acte après avoir regardé des vidéos de propagande sur Internet. Notre tristesse est très profonde et nos émotions trop fortes pour qu’on puisse avoir des débats apaisés.

Encore une fois, le gouvernement cherche des solutions erronées à un vrai problème. La radicalisation existe, le terrorisme tue.

Mais en s’attaquant à des mosquées, à des associations connues pour leur travail de terrain et qui œuvrent pourtant à l'encadrement des jeunes, ne constitue non seulement une fausse route, mais aussi une atteinte à la lutte même contre le fléau du terrorisme.

Appartenir à la nation française ne veut pas dire « penser », « se comporter », « s’habiller » tous de la même manière. Ce sentiment « d’être Français » ne se décrète pas par des lois restrictives, mais par un respect mutuel des croyances de chacun. Désormais, nous devons comprendre que les fêtes du Ramadan sont autant Françaises que les fêtes de Noël.

Une nation qui respecte les opinions et les coutumes de ses citoyens dans le cadre de la loi ne peut que s’agrandir.

Pourtant, le gouvernement a choisi de chasser les moquées plutôt que de s’appuyer sur elles alors que le tueur a visionné des vidéos venues d’ailleurs et non des mosquées. Combien de personnes sont passées à l’acte en écoutant un imam de la mosquée ?

A cette allure les militaires vont se mêler

Malgré des lois de plus en plus liberticides, les « pros de la laïcité » ne sont toujours pas satisfaits. La lettre adressée par les anciens généraux au président de la République, dans Valeurs Actuelles n’est-elle pas l’exemple parfait de cette insatisfaction ?

Entre la découverte des néonazis dans l’armée, l’appel à l’insurrection de Philippe de Villiers, des menaces de mort à l’encontre des personnalités musulmanes comme, Fatih Sarikir, président de Milli Gorus par des anciens militaires et maintenant l’appel des généraux, les responsables politiques n’ont-ils pas le sentiment que le danger vient d’ailleurs ?

Dans la tradition française, les militaires ne se mêlent pas de la politique. Pourtant ces dernières années, on assiste à une militarisation du discours politique. De plus, tous les rapports des renseignements généraux aussi bien en France que dans le monde, mettent en garde contre la montée d’une extrême droite armée. Mais on continue de criminaliser ceux qui dénoncent le racisme, pourtant, bien réel plutôt que de lutter contre un danger à venir.

Pourquoi ce revirement de Macron ?

La presse française a révélé que le président français s’était justement agacé de ces « état généraux de la laïcité » et avait recadré Marlène Schiappa. Alors, on aurait pu croire à un sursaut républicain et penser que le Président allait enfin se réveiller.

Ce n’est, au fait, qu’une illusion.

En effet, s’il y a bien un responsable de ce climat c’est bien le Président lui-même.

Comme le souligne, l’écrivain et journaliste Rachid Zerrouki, sur son compte twitter, le changement de ton d’Emmanuel Macron fait froid dans le dos.

Ainsi, deux vidéos emblématiques du changement de cap du Président viennent appuyer cette thèse. En mars 2019, Zerrouki publiait la vidéo du Président dans laquelle il disait : « La laïcité telle que je la voie est un principe de la République, qui assure la liberté de chacun et la protège. […] Elle n’a pas à s’immiscer dans aucune religion ».

Plus d’un an après, l’écrivain qui est également professeur au collège, reprend son tweet initial en ajoutant le commentaire suivant : « Depuis ce tweet, le Président a bel et bien réagi. Il a fait en sorte qu'une personne qui tiendrait le même discours aujourd'hui, mot pour mot, soit qualifiée d'islamogauchiste et exclue du débat public. Quelle décadence ».

https://twitter.com/rachidowsky13/status/1385745948337442820

Une autre vidéo publiée par le compte « caisses de grève » démontre aussi, point par point, le changement de discours du Président.

Ainsi, on y voit un changement d'un Macron « candidat », qui affirme : « Je ne crois pas, pour ma part, qu’il faille inventer de nouveaux textes, de nouvelles normes pour aller traquer, dans les sorties scolaires, celles ou ceux qui peuvent avoir des signes religieux [..], ce n’est pas ça la laïcité » à un Macron « Président » qui affirme désormais : « ce cas, de mamans accompagnatrices, hors de l’école qui peuvent avoir un foulard [..], elles n’ont pas à porter le voile parce qu’elles sont sous la laïcité de l’Etat ».

https://twitter.com/caissesdegreve/status/1379953158345080837

Qu’est-ce qui a changé en deux ans pour que le Président considère la même situation conforme à la laïcité, puis contraire ? Depuis ce discours d’avril 2018, la loi « confortant les principes républicains » est arrivée. Les musulmans ont été expressément nommés, pointés du doigt, stigmatisés.

Pourtant la laïcité a été définie en 1905, mais on regrette désormais que ce principe formidable soit devenu un outil de déversassions de haine envers la communauté musulmane.

Il faut reconnaître qu’Emmanuel Macron a réussi à dévoyer la laïcité au service de l’exécutif pour servir son propre agenda politique. Demain, un autre gouvernement aura une conception complètement différente de cette laïcité en fonction de ses propres idéologies destructrices ou réparatrices.

L’avenir nous le dira.


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