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Du Bataclan à aujourd’hui : la mémoire du 13 novembre et les dérives d’une peur collective

- Dix ans après les attentats du 13 novembre 2015, Paris se souvient des 130 victimes et plus de 350 blessés, tandis que le pays continue de porter les cicatrices d’une nuit de terreur inoubliable

Ben Amed Azize Zougmore  | 13.11.2025 - Mıse À Jour : 13.11.2025
Du Bataclan à aujourd’hui : la mémoire du 13 novembre et les dérives d’une peur collective

Istanbul

AA / Istanbul / Ben Amed Azize Zougmore

La France rend hommage ce jeudi aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, dix ans jour pour jour après les attaques terroristes perpétrées à Paris et Saint-Denis qui ont fait 130 morts et plus de 350 blessés.

Dans la soirée du 13 novembre 2015, Paris a été le théâtre d’attaques barbares et atroces. Trois commandos armés ont visé le Stade de France alors qu’un match de football France-Allemagne s’y disputait, en présence du président de la République de l’époque, François Hollande. Plusieurs terrasses de cafés de la capitale et la salle de concert du Bataclan ont, peu après, été pris d’assaut, occasionnant un lourd bilan en vies humaines. Revendiqués par Daech, ces attentats demeurent les plus meurtriers commis sur le sol français.

Les cérémonies de commémoration ont lieu sur les différents sites frappés, en présence du président de la République, des représentants des autorités, des familles de victimes et de rescapés.

Anadolu vous propose un récapitulatif de ces attaques qui ont endeuillé la France

Récit d’une des nuits les plus longues et tristes de la France

Ce soir du 13 novembre 2015, il est aux alentours de 21 heures 20, lorsque trois kamikazes se font exploser à quelques minutes d’intervalle aux abords du Stade de France pendant la rencontre France-Allemagne à laquelle assistait François Hollande.

Une première victime est tuée dans la déflagration, mais le lieu est bondé et les trois terroristes, qui ont tenté d’entrer dans le stade sans y parvenir, auraient pu faire des centaines d’autres morts s’ils y étaient parvenus.

Quasiment au même moment, un second commando entre en action dès 21 heures 24 au cœur de la capitale parisienne.

Jusqu’à 21 heures 41, trois terroristes tirent à vue sur les terrasses de cinq cafés des Xᵉ et XIᵉ arrondissements, faisant 39 morts.

L’horreur se poursuit à 21 heures 40 au Bataclan, au moment où un troisième commando, composé de trois terroristes, entre dans l’emblématique salle de concert.

Ils tuent 90 personnes, avant que l’assaut ne soit donné à 00 heures 18 sur autorisation du préfet de police de Paris.

Une enquête hors normes, minutieusement conduite

Quelques heures seulement après les faits, soit à 23H, alors même qu’une prise d’otage était en cours, le Parquet de Paris saisit simultanément trois services ;

  • la sous-direction anti-terroriste (SDAT) qui fait partie de la direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ) et dont la mission consistera à coordonner l’enquête sous l'autorité du parquet
  • la direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI)
  • la police judiciaire de la préfecture de Police de Paris (PJPP)

Sans donc perdre du temps, il fallait identifier rapidement les terroristes, le nombre de victimes, organiser le travail. C’est à la SDAT que revient la lourde tâche de prendre les décisions et de coordonner la circulation des informations entre les services.

Le début des investigations

Le 14 novembre 2015, un premier terroriste nommé Salah Abdeslam est identifié, mais les vidéos montrent qu’il y en a au moins deux autres en fuite ; c’est le début de la course contre la montre, afin d’éviter d’éventuelles attaques.

Les premiers rapports montrent qu’il s’agit d’une affaire belge et que trois équipes de terroristes sont parties de Belgique le 12 novembre, toutes les préparations opérationnelles ayant été faites à Bruxelles.

Un coup de fil qui change tout

Le 16 novembre à 14 h 56, un appel de témoin au 197 alerte la police judiciaire, une femme dit héberger une fille du nom de Hasna Aït Boulahcen, qui aurait des liens avec le principal recherché, Abaaoud.. Tout le monde retient son souffle, elle parle aussi de risques d'attentats à suivre, notamment à la Défense. Celle-ci a même une date ; le 19 Novembre. Elle poursuit ses aveux, évoquant des baskets orange d’Abaaoud, ce qui colle avec les propos d’un témoin qui assure avoir constaté qu’un des tireurs du « commando des terrasses » porte des baskets orange. Même si la police se montre prudente, elle considère tout de même sérieusement cette piste… Le témoin est donc convoqué. Ses renseignements aideront à mieux conduire l’affaire…

L’assaut peut commencer

Le 17 Novembre, une réunion de calage est organisée dans les locaux de la SDAT, comme on pouvait s’y attendre, décision a été prise de procéder à l’interpellation des terroristes. Le RAID intervient à 4 h 20 Saint-Denis, où se sont réfugiés les terroristes. La colonne d’assaut du RAID essuie des tirs bien nourris au moment de tenter d’ouvrir la porte de l’appartement ; des échanges de tirs s’engagent alors entre les deux parties. L’opération se termine à 11h, le 18 novembre, après une explosion à l’intérieur. Jawad Bendaoud, le « logeur », est interpellé, mais la police met du temps à identifier le corps du principal recherché, Abaaoud, l’immeuble, étant dans un “sale état”. Les corps des trois occupants sont finalement retrouvés ; des débris humains et les restes d’une ceinture explosive aussi.

Encore des suspects dans la nature

Une séquence importante venait ainsi de se terminer, mais l'enquête continue et à ce moment-là, puisque Abdeslam était toujours dans la nature.

Il sera finalement arrêté lors d'une opération policière menée à Molenbeek-Saint-Jean le 18 mars 2016, après une cavale de 125 jours et condamné en 2022 à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible à l’issue d’un procès historique.

Des mesures de sécurités renforcées après les évènements

L’état d’urgence a été instauré en France dans la foulée des attentats du 13 novembre 2015, renforçant les pouvoirs des autorités civiles pour lutter contre le terrorisme, mais restreignant également les libertés individuelles. Si l’état d’urgence a pris fin à l’automne 2017, certaines mesures sont depuis passées dans le droit commun et d’autres lois sont venues élargir les moyens de surveillance des citoyens, au grand dam des défenseurs des droits fondamentaux.

Ces attentats nourrissent aussi les discours islamophobes

Depuis les attentats du 13 novembre 2015, la peur du terrorisme a profondément marqué la société française.

Mais ce traumatisme a aussi été exploité par certains discours politiques et médiatiques pour alimenter l’islamophobie. En associant systématiquement l’islam au terrorisme, une partie de l’opinion a fini par voir les musulmans comme une menace intérieure.

Cette stigmatisation a nourri les thèses complotistes du « grand remplacement » et favorisé la radicalisation de groupes d’ultradroite se percevant comme des défenseurs de la nation.

« Les attentats de Novembre 2015 ont servi de justification a priori à des gens déjà radicalisés », affirme l’historien Nicolas Lebourg. Le recteur de la mosquée de Lyon, Kamel Katptane va plus loin, « on ne parle pas de nous comme des citoyens, mais comme des étrangers », déplore-t-il.




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