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Distribution de l’aide par la GHF à Gaza : chaos, meurtres et humiliation, disent les Palestiniens

- Dans plusieurs témoignages recueillis par Anadolu, ils expliquent avoir été poussés par une faim extrême provoquée par Israël, et avoir dû choisir entre « mourir de faim ou sous les balles »

Hosni Nedim, Ramzi Mahmud  | 31.05.2025 - Mıse À Jour : 02.06.2025
Distribution de l’aide par la GHF à Gaza : chaos, meurtres et humiliation, disent les Palestiniens

Gazze

AA / Gaza / Hosni Nedim, Ramzi Mahmud

Jour après jour, la famine s’aggrave dans la bande de Gaza, alors que le nouveau système de distribution d’aide, soutenu par Israël et les États-Unis via « La Fondation humanitaire de Gaza » (GHF) – une structure opérant en dehors du cadre onusien pourtant expérimenté en matière humanitaire – montre son échec retentissant.

Mise en place mardi dernier, cette nouvelle méthode a suscité de vives critiques de la part du gouvernement de Gaza, des factions palestiniennes, ainsi que d’organisations onusiennes et internationales.

Elles dénoncent un dispositif qui ne respecte pas les normes humanitaires et met en danger la vie des civils.

L’armée israélienne a désigné quatre points de distribution gérés par cette organisation : trois dans le sud de l’enclave et un dans le corridor de Netzarim (centre), séparant le nord et le sud du territoire.

Des Palestiniens ayant tenté d’accéder à ces points affirment avoir essuyé des tirs israéliens alors qu’ils faisaient la queue pour recevoir de la nourriture.

Dans plusieurs témoignages recueillis par Anadolu, ils expliquent avoir été poussés par une faim extrême provoquée par Israël, et avoir dû choisir entre « mourir de faim ou sous les balles ».

Beaucoup sont rentrés bredouilles après des heures d’attente dans des conditions inhumaines, humiliés et sans colis alimentaires, comme l’ont rapporté plusieurs organisations de défense des droits humains.

Depuis le lancement de ce système, l’armée israélienne a commis plusieurs massacres près des centres de distribution, notamment à Rafah, dans le sud.

Mercredi, le bureau de presse du gouvernement de Gaza a déclaré que l’armée israélienne avait tué 10 civils palestiniens et blessé 62 autres en deux jours, alors qu’ils avaient été dirigés vers ces points pour y recevoir de l’aide.

Mardi, des milliers de Palestiniens affamés ont pris d’assaut un centre d’aide établi par Israël dans ce qu’elle appelle les « zones tampons » à Rafah.

L’armée est intervenue et a tiré sur la foule, blessant plusieurs personnes selon le bureau gouvernemental.

De son côté, l’Observatoire euro-méditerranéen des droits humains (basé à Genève) a affirmé que l’armée israélienne avait tué six civils palestiniens, dont une femme, et blessé 15 autres mercredi, alors qu’ils tentaient d’accéder à l’aide au nord de Rafah.


* Chaos, tirs et humiliation

Des témoins ont déclaré à Anadolu que les centres de distribution avaient été installés dans des zones désertes, isolées, jugées « dangereuses » et entourées de fils barbelés, sans aucune organisation.

La famine qui sévit dans l’enclave pousse les Palestiniens à se ruer vers les colis alimentaires, provoquant des scènes de panique et de bousculade.

Mohammed Abou Touila, un habitant de Gaza parmi les centaines de milliers de personnes touchées par la faim, a raconté à Anadolu avoir marché pendant plus d’une heure et demie jusqu’à Rafah pour tenter d’obtenir de l’aide. Après cette longue marche, la soif et la faim, il a attendu plusieurs heures encore pour finalement rentrer les mains vides, avec un sentiment d’humiliation.

Alors qu’il patientait avec des milliers d’autres, des drones israéliens ont commencé à tirer en l’air, provoquant morts et blessés parmi la foule.

Il a décrit une scène de panique où les gens se sont mis à courir dans tous les sens, espérant sauver leur vie tout en tentant de ramener un peu de nourriture à leurs familles.

Un autre témoin, qui a requis l’anonymat, a dénoncé l’absence totale de coordination ou de voie sécurisée pour accéder aux aides. « Les drones tirent du ciel, des gens sont tués, d’autres piétinés dans la confusion. »

Et ceux qui ont pu repartir avec un colis, selon le Centre palestinien des droits de l’homme, n’ont reçu qu’un lot très limité de produits alimentaires, à peine suffisant pour quelques jours.


* Mourir de faim ou sous les balles

D'une voix épuisée, la Palestinienne Khoula Ismaïl confie qu'elle fait partie des nombreux Palestiniens qui, après des heures d'attente, sont repartis sans colis alimentaire.
« Le chemin vers l’aide est empreint d’humiliation », raconte-t-elle à l’agence Anadolu. « Beaucoup sont restés là pendant des heures, sans rien obtenir. » Elle ajoute avec amertume : « C’est une catastrophe… rentrer chez soi les mains vides, c’est déchirant. »

Évoquant la scène de mercredi à un point de distribution, Khoula affirme avoir vu un jeune homme être exécuté sous ses yeux. « L’armée israélienne a tiré directement sur les Palestiniens. » Et de conclure : « Entre mourir de faim ou être abattu par l’occupation, On n'a pas le choix ».


* L’aide utilisée comme arme

Dans un communiqué publié mercredi, l’Observatoire euro-méditerranéen des droits humains a dénoncé un « double crime » perpétré par Israël, où l’aide humanitaire devient un « instrument d’humiliation, de soumission, de destruction et de mort ».

L’organisation a documenté des tirs israéliens visant des centaines de Palestiniens rassemblés mercredi dans le secteur de Qeizan Abu Rishwan, au sud de Khan Younes, alors qu’ils tentaient d’accéder à un centre d’aide situé dans le corridor de Morag, entre Rafah et Khan Younes. Le bilan fait état de plusieurs morts et blessés.

Selon le communiqué, l’armée avait envoyé des SMS aux habitants pour les inviter à se rendre sur place. Une fois arrivés, certains ont été autorisés à entrer pour recevoir des colis alimentaires, mais dans des conditions jugées « humiliantes et dégradantes ». D’autres, en revanche, ont été la cible de tirs. Le rapport indique que six Palestiniens ont été tués, dont une femme et trois membres d’une même famille.

L’Observatoire dénonce la transformation des centres de distribution en véritables zones d’exécution de civils affamés.

Il précise que ces points ont été délibérément placés dans des zones dangereuses, sans itinéraire sécurisé.

L’organisation appelle à la fin immédiate de ce mécanisme israélien de distribution, qualifié de « piège mortel » pour les civils palestiniens, et qui ne répond à aucune des normes du travail humanitaire.

Plusieurs agences onusiennes ont elles aussi critiqué cette méthode, réclamant le retour à un système d’aide géré par l’Onu, jugé plus équitable et sécurisé pour les populations.

Depuis le 7 octobre 2023, Israël mène une guerre d’extermination à Gaza, mêlant bombardements, famine, destruction et déplacements forcés, ignorant les appels internationaux et les injonctions de la Cour internationale de justice.

Avec le soutien total des États-Unis, cette guerre a déjà fait plus de 178 000 victimes palestiniennes entre morts et blessés – majoritairement des femmes et des enfants – en plus de 11 000 disparus et des centaines de milliers de déplacés.

*Traduit de l'arabe par Sanaa Amir

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