Députée française : "J'attends toujours les bénéfices de la colonisation à Mayotte" (Estelle Youssouffa)
- La députée de Mayotte du Groupe Libertés et Territoires (Liot), Estelle Youssouffa était l'invitée du journaliste Bruce Toussaint, sur BFMTV.

France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Estelle Youssouffa, la députée de Mayotte du groupe Libertés et Territoires (Liot), a dénoncé, mercredi, "l'abandon" des Mahorais par l'État français, tant au niveau économique que social.
Interrogée par le journaliste Bruce Toussaint, au micro de BFMTV, l'élue de ce département et région d'outre-mer (Drom) a commenté la situation de violence qui affecte, depuis deux semaines, Mamoudzou, la plus grande ville de Mayotte.
Estimant qu'il "ne faut pas réduire les violences qu'on subit à simplement des guerres entre bandes", la députée Liot a souligné que "ça fait des mois, voire des années qu'on voit la crise de la violence s'exacerber" et rappelle le mouvement social qui avait agité l'archipel en 2018, "précisément à cause de l'insécurité".
Et Estelle Youssouffa d'ajouter : "Et on est aujourd'hui fin 2022 avec une escalade dans la barbarie et la violence qu'on connaît. Donc, on voit maintenant des bandes de jeunes qui, entre douze et quatorze ans, la plupart des étrangers en situation irrégulière, des jeunes Comoriens qui forment des bandes de centaines de jeunes armés de machettes, de barres de fer, de cailloux qui sèment la terreur. Mais quand je parle de terreur, c'est vraiment à dessein. Ils agressent nos enfants à la machette. Dans les bus scolaires, ils agressent les automobilistes, les gens qui passent sur la route. Ils incendient volontairement des entreprises et des immeubles", explique-t-elle avant d'exprimer son désarroi.
"À quel moment est-ce qu'on considère Mayotte comme un autre territoire français et qu'on se dit cette barbarie n'est pas acceptable aujourd'hui ?", interroge-t-elle.
- "L'abandon de l'État" et "les bénéfices de la colonisation"
Interrogée par Bruce Toussaint sur un éventuel "abandon de l'État", la députée Liot a d'abord souligné les efforts des forces l'ordre qui "vont au contact" des fauteurs de trouble, ainsi que du ministère de l'Intérieur qui agit "à la mesure de ce qu'il peut faire".
Et l'élue de poursuivre : "L'abandon de l'État, c'est le fait que sur une île qui est française depuis 1841, on n'ait pas d'eau, c'est le fait que lors des débats dans l'hémicycle, le ministre délégué aux Outre-mers, Monsieur [Jean-François] Carenco nous explique ne pas avoir de l'argent pour mettre de l'eau courante, de l'eau potable à Mayotte".
La députée a ensuite témoigné des coupures d'eau fréquentes dans le Drom, et les conséquences sur les Mahorais, expliquant devoir se laver avec des seaux et bols d'eau "comme tous mes compatriotes à Mayotte sauf à la préfecture", l'élue estimant que "ça aiderait d'ailleurs le préfet d'avoir des coupures d'eau pour un petit peu accélérer sur le dossier de l'eau potable à Mayotte".
"Je suis française, je paie mes impôts, je paye des factures extrêmement chères parce que l'eau à Mayotte est extrêmement chère", s'indigne ensuite Estelle Youssouffa.
Rappelant que Mayotte est le territoire français qui constitue "la plus petite dépense de l'État en France par personne" et que "manger coûte six fois plus cher à Mayotte que dans l'Hexagone", la députée déclare qu'elle "attend toujours que le gouvernement se décide à nous donner un calendrier de travail pour l'égalité sociale".
Notant que les Mahorais ne perçoivent "pas un tiers des prestations sociales qu'il y a dans l'Hexagone", elle précise que "celles qui existent sont de moitié moins que celles que vous percevez ici", en Métropole.
Et l'élue d'ajouter : "On est 375 kilomètres carrés, c'est tout petit. On fait le tour en une journée. On a quatre routes nationales.
"Moi, j'attends toujours les bénéfices de la colonisation à Mayotte", s'indigne Estelle Youssouffa.
- La "guerre civile" à Mayotte
Pour rappel, Mamoudzou, la plus grande ville de Mayotte, est secouée par de violents conflits inter-quartiers depuis une douzaine de jours, qui ont déjà fait un mort le 12 novembre ainsi que plusieurs blessés.
Sur fond de vendetta et de conflits violents entre des gangs accusés d'être issus de l'immigration comorienne, le quartier de Kawéni, d'où était originaire la victime, s'est embrasé la semaine dernière suite à l'attaque d'un autobus scolaire par des groupes de jeunes armés, qui ont blessé plusieurs enfants, dont un mineur de 12 ans qui a reçu un coup de machette.
Au cours de diverses attaques à la machette, plusieurs autres personnes ont été victimes d'amputations, selon la presse locale.
Face à l'incapacité des forces de l'ordre de rétablir l'ordre dans le chef-lieu de facto du département et région d'outre-mer (Drom), des groupes d'habitants de plusieurs quartiers de Mamoudzou se sont organisés en milices d'auto-défense.
À Paris ce mardi, à l'Assemblée nationale, la députée Estelle Youssouffa, a lancé un "cri de détresse" face au "cycle de vendetta", de "barbarie et de terreur" qui ensanglante l'île dans "l'indifférence générale" de la métropole, décrivant un risque que le département bascule "dans la guerre civile".
Face à la situation devenue incontrôlable, le ministère de l'Intérieur avait annoncé, lundi, l'envoi d'une dizaine de policiers du Raid, l'unité d'intervention d'élite de la police, arrivés mardi à Mayotte pour renforcer les forces de l'ordre.
Interpellé mardi à l'Assemblée nationale par la députée Estelle Youssouffa, Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, a annoncé "le renforcement très important des moyens de la justice" pour répondre "au rendez-vous des interpellations qui sont nombreuses", ainsi que d'un renforcement à long terme des "moyens militaires" pour Mayotte et la Guyane, dans le cadre du projet de loi de programmation militaire.