Déplacée par Israël, une Palestinienne de 90 ans revit une « nouvelle Nakba » à Jénine
– Khadra Abu Serriah a été déplacée du camp de réfugiés de Jénine par les forces israéliennes lors d’une attaque meurtrière en Cisjordanie occupée

Palestinian Territory
AA / Jénine, Palestine – Istanbul / Qais Abu Samra et Betul Yilmaz
Khadra Abu Serriah, une Palestinienne de 90 ans, se souvient encore du moment où elle a été expulsée de sa maison, il y a 77 ans, après la création d’Israël en 1948.
Son histoire s’est répétée récemment, lorsque les forces israéliennes l’ont à nouveau chassée de son domicile à Jénine, en Cisjordanie, lors d’une offensive meurtrière dans le nord du territoire occupé.
« Je veux retourner dans ma maison à Jénine et y mourir », a-t-elle déclaré à Anadolu, jeudi.
Khadra Abu Serriah fait partie des quelque 40 000 Palestiniens contraints de fuir les camps de réfugiés de Jénine, Tulkarem et Nour Shams, visés depuis janvier par une offensive israélienne sanglante, selon l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA).
Les Palestiniens qualifient cette politique israélienne de déplacements forcés et de confiscation des terres de « nouvelle Nakba », ou nouvelle catastrophe.
Chaque 15 mai, les Palestiniens commémorent leur expulsion massive de la Palestine historique survenue en 1948, à la suite de la création de l’État d’Israël. Cet épisode tragique, marqué par des milliers de morts et l’exode de centaines de milliers de personnes, est connu sous le nom de Nakba.
** L’expulsion de 1948
La Palestinienne, désormais au crépuscule de son existence, raconte avoir été expulsée pour la première fois de sa maison dans la ville de Zirin, au nord de Jénine, par des milices sionistes, en 1948, alors qu’elle n’avait que 13 ans.
« Nous avons dû fuir après les massacres commis par des gangs sionistes contre des civils palestiniens », se souvient-elle.
Après avoir quitté Zirin, sa famille s’est installée dans le camp de réfugiés de Jénine, au nord de la Cisjordanie.
« Notre ville a été détruite, transformée en un tas de gravats par les milices armées sionistes », dit-elle, ajoutant :« Après la Nakba, nous avons revisité la ville. Ce n’était plus qu’un amas de ruines. Tout avait été rasé, il ne nous restait que nos souvenirs. »
L’organisation Euro-Med Human Rights Monitor, basée à Genève, qualifie d'« Urbicide » la politique israélienne de destruction des villes palestiniennes à Gaza et en Cisjordanie, afin d’empêcher le retour des déplacés.
« Le camp de Jénine représente tout pour moi. Mes proches, mes voisins y sont ; toute notre vie dépend de cet endroit », confie Khadra Abu Serriah.
** Le déplacement le plus douloureux
Bien qu’ayant déjà été déplacée à plusieurs reprises depuis 1948, Khadra Abu Serriah affirme que ce dernier exil est le plus difficile de tous.
« Nous avons été chassés du camp de Jénine sans rien emporter. Nous n’avons rien pu prendre », raconte-t-elle.
Et de poursuivre :« Je suis partie uniquement avec les vêtements que je porte, un sac en plastique contenant mes médicaments, ma carte d’identité et une carte de l’UNRWA. C’est tout. »
Depuis le balcon de la maison d’un proche, elle désigne sa demeure : « Elle est juste là, devant mes yeux, mais je ne peux pas l’atteindre. »
« Je regarde le camp de loin, et quiconque tente de s’en approcher est pris pour cible par l’armée israélienne », ajoute-t-elle.
Malgré sa souffrance, la vieille dame reste déterminée : « Nous n’abandonnerons pas notre terre. Je mourrai ici, je ne partirai pas. Le camp de Jénine est tout pour moi. »
Selon les autorités palestiniennes, au moins 966 Palestiniens ont été tués et plus de 7 000 autres blessés par l’armée israélienne et les colons en Cisjordanie depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023.
En juillet 2024, la Cour internationale de Justice (CIJ) a déclaré illégale l’occupation prolongée des territoires palestiniens par Israël et a exigé l’évacuation de toutes les colonies situées en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
* Traduit de l'Anglais par Adama Bamba