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Démissions de hauts dirigeants au Mossad israélien : « Secousse ou restructuration interne » ? (Analyse)

- Les informations relayées par des médias israéliens au sujet de la démission de trois parmi les hauts responsables au Mossad, au cours des semaines écoulées, a soulevé une série d’interrogations.

Abdel Ra'ouf D. A. R. Arnaout  | 23.11.2021 - Mıse À Jour : 23.11.2021
Démissions de hauts dirigeants au Mossad israélien : « Secousse ou restructuration interne » ? (Analyse)

Quds

AA / Jérusalem Abderraouf Arnaout
David Barnea a commencé à diriger les services de renseignement israélien, le Mossad, à une étape décisive marquée par la formation d’un nouveau gouvernement d’une part et par la recrudescence des pressions exercées par ce même gouvernement à l’endroit de l’Administration américaine afin qu’elle se rétracte d’une éventuelle réintégration de l’Accord nucléaire avec l’Iran.
Avant l’engagement de l’Administration de Barack Obama dans l’Accord nucléaire avec l’Iran en 2015, en passant par le retrait de l’Administration de Donald Trump dudit accord en 2019, et jusqu’à la décision de Joe Biden de le réintégrer, Israël a compté sur des renseignements fournis par le Mossad.
Lors de sa prise de fonctions officielle au mois de juin dernier, Barnea s’est vu dire par le Premier ministre israélien de l’époque, Benyamin Netanyahu, que « la principale menace qui nous guette est la menace existentielle générée par les efforts entrepris par l’Iran pour acquérir des armes nucléaires ».
Les informations fuitées par des médias israéliens au sujet de la démission de trois parmi les hauts responsables au Mossad, au cours des semaines écoulées, a soulevé une série d’interrogations.
Il est rare de dévoiler des démissions au sein de ce service, des démissions survenues quelques semaines avant la reprise du septième round de négociations à Vienne, avec l’Iran sur le sujet de l’Accord nucléaire international, d’ici la fin du mois courant.
Le Mossad n’a pas commenté officiellement ces informations relayées par les chaînes d’information israéliennes, notamment, les chaînes 12 et 13.


- Une triple démission quelques mois après la nomination de Barnea


Le site d’informations « Israël 24 » a rapporté, récemment, que les trois hauts responsables, au grade de général, ont tous démissionné quelques mois seulement après la nomination de Barnea à la tête du Mossad.
Le site a indiqué que les trois démissionnaires sont les chefs de départements de la Technologie, de la Lutte antiterroriste et du Recrutement des agents.
La même source a relevé qu’un quatrième haut responsable pourrait également se retirer, précisant que ces démissions sont intervenues à la suite de changements d’ordre organisationnel introduits par Barnea.
L’expert sécuritaire israélien, Ronni Shaked, a indiqué que ces démissions « auront un impact certain mais qu’elles seront surmontées rapidement de l’intérieur même de l’appareil ».
Shaked, chercheur à l’Institut Truman à l’Université hébraïque de Jérusalem, a, dans un entretien accordé à AA, souligné que « naturellement, toute démission en haut de la pyramide aura son impact mais qu’en fin de compte, tout responsable peut être remplacé et quelqu’un d’autre lui succédera ».
« L’impact durera un mois ou deux mais je ne pense pas qu’il influera sur l’activité de l’institution de manière générale », a-t-il insisté.
Et Shaked de poursuivre : « Par moments, des différends éclatent entre les dirigeants, en particulier entre les nouveaux d’entre eux et leurs collaborateurs déjà en place, et les démissions peuvent survenir dans les rangs de l’armée ou des services de renseignement. Cela n’est pas inédit ».
Et l’expert de poursuivre : « Il n’est point un impératif que les démissions aboutissent à des dégâts, dès lors qu’elles peuvent consolider l’institution ».


- Une secousse au Mossad


De son côté, l’analyste militaire à la chaîne d’information israélienne 13, Alon Ben David, a qualifié ces démissions de « secousse au sein du Mossad ».
Lors de son intervention sur cette chaîne, la semaine passée, Ben David a indiqué que « les changements d’ordre organisationnel et la politique de scission entre départements menée par Barnea a abouti à la démission, au cours des semaines écoulées., de trois hauts responsables, qui ont un grade de général, selon la hiérarchie établie dans l’armée israélienne ».
« Nous parlons ici de hauts responsables du Mossad et c’est une affaire qui sera ressentie de manière impactante », a-t-il dit.

Pour sa part, Itamar Eichner, analyste sécuritaire du journal Yediot Aharonot, a souligné que les démissions sont intervenues à la suite de « décisions courageuses prises par le directeur du Mossad ».
L’expert a écrit sur les colonnes du journal israélien que « Barnea a mené des changements stratégiques dans l’action du Mossad. Ces changements ont été une décision courageuse de leadership qui prouve que cette institution n’est pas figée et ce pour pouvoir faire face à la menace iranienne ».
Citant des sources qui ont requis l’anonymat, Eichner a ajouté que « n’eurent été ces changements qui ont provoqué la démission des chefs de trois départements, le Mossad aurait perdu sa position en tête des services de renseignement du monde ».
L’expert a indiqué que Barnea a décidé, dès le début de son mandat de développer l’activité du Mossad dans les domaines opérationnel et technologique après avoir constaté un retard en particulier en ce que concerne la technologie.


- Une tempête dans un verre d’eau


A l’opposée, l’expert en sécurité Yossi Melman a estimé que les démissions pourraient avoir surpris Barnea sans pour autant les qualifier de secousse mais plutôt d'« une tempête dans un verre d’eau ».
Dans un article paru sur les colonnes du journal Haaretz, Melman a écrit que « Barnea a beaucoup voyagé au cours de la période écoulée pour prendre attache avec ses homologues des autres services de renseignement et pour contacter ses subalternes en poste à l’étranger ainsi que pour participer parfois à des missions secrètes. C’est pour cette raison qu’il a été surpris la semaine passée quand il a entendu parler et lu des rapports sur des troubles au sein du Mossad ».
« Les chaînes d’information 12 et 13 ont annoncé que trois chefs de départements du Mossad ont quitté ou qu’ils sont sur le point de le faire. Cela est vrai mais s’agit-il d’un trouble quelconque? Non, c’est une tempête dans un verre d’eau d’autant plus que deux au moins parmi les responsables concernés sont déjà à la retraite et qu’ils ne quittent pas avec amertume ou rancune », a-t-il poursuivi.
Melman a estimé que « le changement fait partie intégrante de la culture du Mossad pendant des décennies. Généralement, les chefs de départements occupent leurs postes pour une durée de trois ou quatre ans avant d’être mutés ou qu’ils fassent valoir leurs droits à la retraite ».

Il a relevé, également, que Barnea a « tenté de convaincre les chefs des départements de la lutte antiterroriste et du recrutement des agents de ne pas démissionner pour la considération qu’il leur voue ».
Melman a dévoilé que « la seule anicroche remarquable en haut de la hiérarchie du Mossad depuis la désignation de Barnea a eu lieu avec Z (première lettre du nom, la publication de l’identité étant interdite), chef du département de la Technologie qui avait décidé depuis un mois de faire valoir ses droits à la retraite, au milieu de son mandat, pour des différends d’ordre professionnel ».
« Lorsque Barnea a été investi dans ses fonctions il y a de cela cinq mois environ, il a notifié à Z les changements qu’il planifie et qui empiéteront sur une partie de ses prérogatives. Ce dernier (Z) s’y est opposé et a tenté de convaincre Barnea de laisser l’organigramme tel qu’il est ou du moins de se contenter de quelques légers changements », relate encore Melman.
« Toutefois, Barnea est résolu à mener les réformes qu’il estime nécessaires, compte tenu des changements rapides que connaissent les autres services de renseignement en développant de nouvelles techniques numériques », a-t-il estimé,
Et Melman d’ajouter : « Des changements structurels ont été introduits sur le Mossad depuis des décennies, en se fondant sur la personnalité du chef et sur les besoins des services, avec comme objectif de moderniser les opérations de l’Agence et de la rendre plus compétente ».
« Dans le nouvel organigramme, le département de la Technologie dispose désormais de la majeure partie du budget de l’Agence et compte le plus grand nombre de salariés, soit le quart des 7 mille employés du Mossad », a-t-il expliqué.
Citant un officier retraité du Mossad, Melman a indiqué que « personne ne doit sentir que son talent ou ses fonctions ne sont plus demandés ».
« Le Mossad va recourir, sous l’ère Barnea, à davantage d’intelligence artificielle, de robots, de drones, d’attaques cybernétiques sans pour autant oublier la règle fondamentale de base de son ADN, en vertu de laquelle le Mossad est une agence de renseignement qui compte sur les sources et les ressources humaines », a-t-il souligné.
Il convient de rappeler que Barnea (56 ans) avait été désigné à la tête du Mossad en juin dernier.
De nombreuses attaques et opérations d’assassinats à travers le monde sont imputées au Mossad.

*Traduit de l'arabe par Hatem Kattou


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