Monde

Comment la France veut mettre les bouchées doubles sur le nucléaire ?

- Au moment où la guerre est de retour sur le sol européen, et fait planer plus que jamais, de grandes incertitudes sur l’approvisionnement du continent en gaz et en électricité, la France tente de trouver des solutions.

Feiza Ben Mohamed  | 02.11.2022 - Mıse À Jour : 02.11.2022
Comment la France veut mettre les bouchées doubles sur le nucléaire ?

Ankara

AA / Nice / Feïza Ben Mohamed

Après avoir appelé les ménages à la sobriété énergétique en adoptant des gestes économiques à leur échelle, le gouvernement a présenté ce mercredi en conseil des ministres, un projet de loi visant à accélérer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et en simplifier les procédures d’installation.

Cette nouvelle loi, qui devrait être débattue au parlement début 2023, devrait permettre la mise en service de six nouveaux réacteurs EPR (Réacteur pressurisé européen) répartis sur trois sites.

Emmanuel Macron, qui avait déjà évoqué sa volonté de développer davantage le parc nucléaire français en 2021, veut ainsi aller plus vite, alors que le pays fait face à une flambée des prix de l’énergie couplée à une vive crainte de pénurie pour l’hiver à venir, dans ce contexte de guerre en Ukraine.

- Près de la moitié des réacteurs nucléaires pourtant à l’arrêt

Malgré l’urgence de la situation et le black-out tant redouté par le autorités, pas moins de 24 réacteurs nucléaires sont à l’arrêt sur les 56 que recense le pays (58 avec les deux réacteurs arrêtés définitivement à Fessenheim).

S’il est d’usage, pour EDF de mettre à l’arrêt certaines centrales durant les beaux jours, pour effectuer quelques économies et des opérations d’entretien, la crise sanitaire qui a provoqué des confinements à répétition a eu un impact direct sur la maintenance des sites.

Et au-delà de ces contraintes, le gestionnaire d’électricité français, EDF est contraint de mettre à l’arrêt certains réacteurs pour plusieurs mois lors des contrôles décennaux obligatoires.

"Ces arrêts durent environ six mois chacun, et nous en réalisons six à sept par an", expliquait récemment EDF à Radio France.

Durant l’été, le nombre de réacteurs à l’arrêt a même culminé à 32, provoquant une situation inédite, qui inquiète au plus haut niveau.

Le chef de l’Etat, qui avait annoncé, dès 2018, sa volonté de fermer 14 réacteurs d’ici 2035, a ainsi dû revoir sa copie, dans un contexte de crise énergétique mondiale.

- Le gouvernement en action pour sa "souveraineté énergétique"

Ce mercredi matin, le nouveau projet de loi sur le nucléaire a été présenté en conseil des ministres avec un objectif clair, celui de permettre à la France de sortir de la dépendance étrangère à l’énergie électrique.

Ce texte « répond à l’urgence de la crise autant qu’il permet de regarder vers l’avant » a assuré le porte-parole de l’Exécutif, Olivier Véran en conférence de presse, considérant qu’il s’agit d’une « réponse pérenne aux impératifs climatiques, d’indépendance énergétique et de pouvoir d’achat ».

Mais Matignon cherche également à rassurer ceux qui émettent des réserves sur la question du développement nucléaire.

Il explique qu’il ne s’agit "en aucun cas" d’abaisser "les exigences" gouvernementales en matière de "respect de l’environnement" et "de sécurité d’infrastructures nucléaires".

"Ce n’est pas non plus un texte qui vient modifier la place du nucléaire dans notre mix énergétique" a par ailleurs plaidé Olivier Véran pour qui une nouvelle loi permettra "d’accélérer les projets de construction des nouveaux réacteurs nucléaires en facilitant et rationalisant un certain nombre de procédures".

Il y aura par exemple "la possibilité de construire ces nouveaux réacteurs nucléaires en bord de mer à condition qu’ils soient à proximité immédiate (…) de réacteurs nucléaires déjà existants".

Le porte-parole du gouvernement promet enfin que "ce texte garantit le plein respect du principe de participation du public" et "pour chaque EPR, il y aura au moins un débat public et deux voire trois enquêtes publiques préalables qui seront réalisées".

- Les associations dénoncent un "passage en force" et émettent des réserves sur l’impact de nouveaux réacteurs

Mais si Matignon affiche une volonté d’agir vite et bien, la démarche reste vivement critiquée du côté des associations de protection de l’environnement et de la biodiversité.

"Il y a une opacité totale à ce sujet. Certaines données sur l'impact du nucléaire sur la biodiversité existent à l’international, mais très peu en France. Nous tentons de le faire sur les éoliennes et le photovoltaïque, il n’y a aucune raison que le nucléaire échappe à notre réflexion", dénonce à ce propos, Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), à TF1.

Ce dernier redoute particulièrement "l’effet du réchauffement de l’eau, aux turbines qui captent beaucoup de petits organismes, aux impacts sur les oiseaux des aménagements aériens ou des pylônes installés aux sorties des centrales".

Sur son site internet, le réseau "sortir du nucléaire" pointe lui aussi "la politique du fait accompli menée par EDF et le gouvernement depuis des années".

"Comment espérer que l’avis des citoyen·nes soit entendu si, dans le même temps, Emmanuel Macron assume un développement à marche forcée du nucléaire ?", s’interroge la structure.

Le réseau adopté à ce propos une posture qui se veut "ferme et intransigeante" qui consiste à rejeter l’idée de "nouveaux réacteurs dans (le) pays" ou de "prolongation des réacteurs existants".

Malgré une volonté affichée, de concertation, le gouvernement prévoit déjà la présentation du texte au parlement début 2023 pour une mise en service des nouveaux réacteurs des 2035, voire 2037.

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.
A Lire Aussi
Bu haberi paylaşın