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Cinéma tunisien : Les costumes, miroirs d’une société en mutation

- Au cœur du récit visuel du film Aïcha, en salles tunisiennes depuis le 22 janvier, la cheffe costumière Randa Khedher révèle les coulisses d’un travail minutieux où chaque pièce raconte une histoire.

Hend Abdessamad  | 23.01.2025 - Mıse À Jour : 23.01.2025
Cinéma tunisien : Les costumes, miroirs d’une société en mutation

Tunisia


AA/Tunis/ Hend Abdessamad

Derrière chaque succès cinématographique, des costumes subtilement pensés sculptent les personnages, entre caractère, identité et environnement. Dans Aïcha, cette alchimie prend toute sa dimension en opposant les univers contrastés du sud tunisien et de la capitale.

Anadolu a rencontré la cheffe costumière du film, Randa Khedher, forte de ses collaborations avec des figures internationales comme la star italienne Monica Bellucci et la star du monde arabe Dhafer Abidine. Elle dévoile dans cette interview les coulisses de son travail créatif, ses sources d’inspiration et les défis relevés pour habiller les personnages de cette fresque sociale.

Le film Aïcha suit l’histoire d’une jeune femme du sud de la Tunisie, qui s’installe à la capitale sous une nouvelle identité. À travers son récit, le film explore avec délicatesse les tensions d’une société tunisienne ballottée entre les espoirs révolutionnaires et la réalité.

Le travail du costumier, selon Randa Khedher, va bien au-delà du simple choix de vêtements. « Trouver les bons costumes pour les bons personnages n'est pas toujours évident », explique-t-elle. « Tout commence par une lecture attentive du scénario, suivie d’un dépouillement pour imaginer les personnages à travers leur environnement, leur catégorie sociale et leur vision du monde ».

L’objectif est de « se mettre dans la peau du personnage » et de faire en sorte que chaque élément, du costume à la coiffure, « soit le reflet du personnage », ce qui devient essentiel dans un contexte où le temps pour l'introduire à l’écran est souvent limité. Pour elle, les costumes, tout comme la coiffure ou encore le maquillage, sont un moyen indirect mais puissant de « présenter le personnage de manière concrète et authentique », offrant au spectateur un aperçu immédiat de son identité.


- Quand la vision est partagée !

Collaborer avec le cinéaste tunisien Mehdi M. Barsaoui n’est pas une première pour Randa Khedher. « J'ai déjà eu l'occasion de travailler avec lui sur son premier long-métrage, Un Fils », confie-t-elle.

Leur complicité va bien au-delà du cadre professionnel : « Mehdi est l’un des réalisateurs avec qui la collaboration est naturelle, car nous partageons une vision commune du cinéma. » Pour la cheffe costumière, la relation entre le costumier et le réalisateur est essentielle. « Il est parfois délicat de travailler lorsque les visions divergent, car mon rôle n'est pas seulement d’exécuter ce que le réalisateur imagine. Si nos perspectives ne s’alignent pas, cela complique le travail ».

Cependant, avec l'auteur du film, qui est également son époux, leur entente personnelle et professionnelle crée une alchimie parfaite, même si, comme elle le souligne avec un sourire, « apporter du travail à la maison n'est pas toujours simple ».


- Une ville, une vie... Une ville, un costume

Créer une évolution subtile pour Eya, le personnage principal du film, à travers ses costumes n’a pas été facile, confie Randa Khedher au Micro d'Anadolu.
« Fatma Sfar, qui incarne le personnage de Eya, a un physique qui se prête à de nombreux styles. Le défi était de ne pas la rendre trop stylée au départ, car malgré nos tentatives pour l'habiller de manière un peu plus négligée, elle semblait toujours un peu "in", à la mode, ce qui ne correspondait pas à l'image que nous voulions transmettre ». Après plusieurs essais et recherches, l'équipe a trouvé un compromis : « Nous avons voulu montrer une jeune femme qui se veut moderne, comme beaucoup de jeunes Tunisiennes, mais qui, faute de moyens, se contente de vêtements simples ». L'objectif était de faire évoluer son style progressivement sans choquer : « On ne voulait pas passer d’un extrême à l’autre, mais bien marquer une transition, du look effacé à un style plus affirmé vers la fin, pour montrer que Eya, en trouvant son identité, sait désormais ce qu’elle veut, tout en restant fidèle à ses moyens ».

Après avoir fait sensation dans des festivals internationaux majeurs, tels que la Mostra de Venise, le plus ancien festival de cinéma au monde, et les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC), Aïcha a débarqué le 22 janvier courant sur les écrans tunisiens.

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