Canada : des nominations de musulman(e)s provoquent des réactions hostiles au Québec
-Trois récentes nominations de canadien(ne)s de confession musulmane, dans les sphères municipale, médiatique et fédérale ont suscité des réactions hostiles et primitives.

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AA / Montréal / Hatem Kattou
La semaine écoulée au pays de l’érable a été « riche » en nominations, dans plusieurs sphères, de Canadiens de confession musulmane à différents postes. Cependant, ces nominations ne sont pas passées sous silence, provoquant des réactions hostiles de la part de plusieurs milieux politiques et médiatiques.
La Ville de Montréal a nommé son premier commissaire à la lutte contre le racisme en la personne de Bochra Manai, une militante et universitaire d’origine tunisienne et ancienne porte-parole du Conseil national des Canadiens Musulmans.
Au plan fédéral, Omar Alghabra, un quinquagénaire d’origine syrienne et ancien président de la Fédération canado-arabe a été nommé, à la faveur d’un remaniement ministériel opéré par le Premier ministre Justin Trudeau, au poste du ministre des Transports.
Dans le champ médiatique, Ginella Massa, une afro-latine d’origine panaméenne, est devenue la première canadienne de confession musulmane portant le voile à animer une émission d’information à l’antenne, sur le réseau public, d’expression anglaise, CBC.
Bien que dans des champs divers (municipal, ministériel fédéral, médiatique national), ces nominations ont eu comme point commun, celui de susciter des réactions inamicales voire franchement hostiles.
Les réactions les plus virulentes ont eu comme cible Bochra Manai, choisie parmi 120 candidatures, qui a été fustigée dans une lette cosignée par une quarantaine d’anciens élus, de professeurs, d’écrivains et de défenseurs bien connus de la « loi 21 » (La Loi sur la laïcité de l'État), texte adopté au forceps par l’Assemblée nationale du Québec en avril 2019 et face auquel s’était dressé Manai.
Le gouvernement provincial du Québec n’était pas du reste. Le cabinet de Legault n’est pas allé de main morte, en qualifiant « d’erreur et de questionnable » la nomination par la Ville de Montréal, de Bochra Manaï, justifiant cette position, en particulier, par les prises de position et de la « croisade personnelle » de la militante associative contre le texte controversé.
Au plan académique, Bochra Manai est titulaire d’un doctorat en études urbaines, d’un master en migrations et relations interethniques et d’un autre master en géographie urbaine.
En tant que chercheure, Bochra Manai, une canadienne d’origine tunisienne qui a grandi en France, s’est intéressée, durant plusieurs années, aux enjeux d’immigration et aux dynamiques d’exclusion et d’inclusion dans les quartiers urbains du Québec.
Dans le champ associatif, Bochra Manai a dirigé l’organisme « Parole d’excluEs », occupé le poste de porte-parole du Conseil national des Canadiens musulmans (CNCM), et participé aux travaux de la Table de la diversité, l’inclusion et la lutte contre les discriminations qui a transmis des recommandations à la ville de Montréal, en 2019.
Il convient de mettre en exergue que les positions hostiles au choix de Bochra Manai se sont concentrées exclusivement dans la province du Québec pour une double raison. La première inhérente à l’espace dans la mesure où cette nomination concerne la métropole du sud de la province et la seconde est relative au thème sensible du racisme « systémique » que le gouvernement Legault refuse d’admettre.
Pour ce qui est de Omar Algharba, nouveau ministre fédéral des Transports, sa nomination a fait l’objet d’attaques du Bloc Québécois, un parti politique qui siège à la Chambre des Communes, implanté dans la province francophone et qui a une tendance souverainiste.
En effet, le chef de Mouvement politique avait publié un communiqué au lendemain de la nomination de Algharba dans lequel il écrit qu’il « refuse d’accuser qui que ce soit, mais que des questions se posent sur la proximité du nouveau ministre des Transports, Omar Alghabra, avec le mouvement islamique politique dont il a été un dirigeant pendant plusieurs années ».
Alghabra avait présidé, en tant que volontaire au début des années 2000, la Fédération Canado-arabe qui affichait, selon plusieurs observateurs, des positions pro-palestiniennes.
Né en Arabie Saoudite de parents syriens, Alghabra est arrivé au Canada à l’âge de 19 ans. Ingénieur de formation et enseignant dans plusieurs universités du pays, il a occupé le poste de député fédéral issu du Parti libéral dans l’Ontario, pendant trois mandats, de manière intermittente depuis 2006.
La position de Blanchet a poussé le Premier ministre, Justin Trudeau, à monter au créneau, pour défendre son ministre et répondre aux attaques de Blanchet, qualifiant les propos de ce dernier « d’inacceptables et d’indignes d’un chef de parti fédéral » et estimant que ce dernier sème « l’intolérance ».
Le ministre a, quant à lui, convié Blanchet à un « rendez-vous à sa convenance pour apprendre à mieux le connaître », dénonçant au passage une « dangereuse campagne de salissage ».
Encore une fois, les seules réactions hostiles à la nomination à un poste élevé de responsabilité d’un canadien de confession musulmane et d’origine arabe provient d’un acteur politique québécois, en l’occurrence, un parti fédéral représenté au parlement.
La troisième nomination a suscité une polémique de moindre envergure, dés lors qu’il ne s’agit pas d’un poste au sein d’une structure gouvernementale ou municipale ou d’un poste de responsabilité.
Il n’en demeure pas moins que le fait que Ginella Massa, une afro-latine, plus précisément d’origine panaméenne, de confession musulmane et qui porte le voile, parvienne à animer, pour la première fois dans l’histoire d’un média canadien, de surcroît public, une émission sur antenne à une grande heure d’écoute, n’a pas manqué de soulever des critiques,
Ces critiques proviennent de la part de ceux qui se sont autoproclamés gardiens du temple d’une laïcité interprétée différemment et plus ou moins tendancieusement d’une province à une autre, et érigés en farouches défenseurs des valeurs du Canada.
Massa anime tous les soirs à 20h sur le réseau public CBC News Network une émission d’affaires publiques intitulée « Canada Tonight with Ginella Massa ».
Affirmant avoir reçu des messages « haineux » un peu partout dans le pays, la brillante journaliste âgée de 33 ans à répondu à ses détracteurs sur un ton un brin moqueur en lançant à leur endroit : « Si vous ne voulez pas regarder mon émission, ne le faites pas, mais avant d’en décider, jugez-moi au moins sur ce que j’ai dans la tête et non pas sur ce que je porte dessus. »
Il convient de noter que Massa est née au Panama de parents hispanophones et catholiques. Sa mère s’est convertie à l’Islam après son arrivée au Canada, où elle a élevé seule ses filles dans l’Ontario.
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