Bombardement d’une chaîne d’État iranienne : BFMTV reprend le récit israélien
– La couverture de la chaîne française suscite le débat sur l’usage du narratif militaire de l'armée israélienne.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
La télévision française BFMTV a consacré, ce mardi 17 juin, plusieurs reportages à la frappe israélienne sur le siège de la radio-télévision publique iranienne à Téhéran, survenue alors qu’un programme était diffusé en direct.
Par voie d’un reportage diffusé à plusieurs reprises, BFMTV montre la séquence impressionnante de l’explosion, en pleine émission, puis les réactions sur place, notamment celle d’un journaliste iranien blessé qui témoigne face à la caméra.
Peu après, la chaîne reprend la version avancée par l’armée israélienne : « Selon Tsahal, le bâtiment de la télévision d'État était utilisé par les Gardiens de la Révolution pour mener des opérations militaires. »
L’argument israélien, présenté comme une justification de la frappe, est relayé sans mise en contexte ni contrepoint. Un invité, présenté comme expert, va plus loin en affirmant que cette télévision est « particulièrement détestée par les Iraniens », et rappelle qu’elle a diffusé « la plupart des aveux forcés des opposants ».
Aucun intervenant n’est mobilisé pour nuancer ou remettre en cause ce cadrage.
Le reportage mentionne brièvement la réaction officielle iranienne : Téhéran a condamné un « crime de guerre » et un « acte ignoble ». L’ambassadeur d’Iran en France, interrogé en plateau, suggère une riposte symétrique en visant à son tour une chaîne israélienne : « Vous voulez qu’on ne le fasse pas ? C’est la même chose qu’ils font. »
Ce traitement journalistique soulève des interrogations sur la manière dont certains médias français présentent les opérations militaires israéliennes. En mettant en avant la dimension « militaire » supposée du bâtiment ciblé, tout en insistant sur son rôle propagandiste, BFMTV semble valider, même indirectement, la légitimité de la frappe.
Ce type de narration rappelle des précédents, notamment à Gaza, où Israël a régulièrement justifié le bombardement de structures civiles — immeubles de presse, hôpitaux ou écoles — en les qualifiant de « cibles militaires » en raison de leur prétendue utilisation par le Hamas ou d'autres groupes palestiniens.
Dans le cas de la télévision d’État iranienne, la question n’est pas seulement celle du contenu qu’elle diffuse, mais bien celle de la légalité d’une attaque armée contre une infrastructure médiatique. Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a déjà dénoncé des frappes similaires comme des atteintes graves au droit international humanitaire.
L’angle choisi par BFMTV met en lumière un dilemme médiatique plus large : comment couvrir les guerres en relayant les informations militaires sans tomber dans leur logique ? La résonance donnée au récit israélien, sans contrepoids éditorial, alimente le débat sur le rôle des chaînes d'information en continu dans la construction de l'opinion publique en temps de conflit.
L’attaque contre la télévision iranienne s’inscrit dans une séquence d’escalade militaire particulièrement intense entre Israël et l’Iran, amorcée le 13 juin 2025. Israël a lancé plusieurs attaques, notamment aériennes, sur des cibles situées à Téhéran et dans d’autres villes iraniennes, affirmant viser des installations liées aux Gardiens de la Révolution et à l’appareil militaire iranien.
Ces attaques sont présentées par les autorités israéliennes comme des réponses à des menaces régionales, mais elles interviennent aussi dans un climat de confrontation stratégique plus large, marqué par les tensions autour du programme nucléaire iranien.
Selon les autorités de Téhéran, ces frappes ont causé la mort de plus de 220 personnes, en grande majorité des civils. L’Iran a répliqué par le tir de dizaines de missiles en direction du territoire israélien, touchant plusieurs secteurs urbains et faisant au moins une vingtaine de morts et des blessés.