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Amnesty International accuse Israël de pratiquer l'apartheid contre les Palestiniens

- Agnès Callamard, secrétaire général d'Amnesty International, a dévoilé un rapport qu'elle a préparé, intitulé : "l’apartheid d’Israël contre la population palestinienne : un système cruel de domination et un crime contre l’humanité"

Abdel Ra'ouf D. A. R. Arnaout  | 01.02.2022 - Mıse À Jour : 01.02.2022
Amnesty International accuse Israël de pratiquer l'apartheid contre les Palestiniens

Quds

AA / Jérusalem

Amnesty International a accusé Israël, ce mardi, d'être un État "d'apartheid".

Lors d'une conférence de presse tenue à Jérusalem-Est, pour annoncer un rapport qu'elle a préparé à ce propos, Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International, a demandé qu'Israël soit tenu responsable d'avoir perpétré le crime d'"apartheid" contre les Palestiniens résidant en Israël et les territoires palestiniens occupés, ainsi que les réfugiés déplacés dans d'autres pays.

Le rapport relate "en détail" comment Israël "impose un régime d'oppression et de domination au peuple palestinien, partout où il contrôle ses droits".

C'est la première fois qu'Amnesty International déclare qu'Israël "pratique l'apartheid contre les Palestiniens où qu'ils se trouvent".

Le rapport de 182 pages est intitulé, "L’apartheid d’Israël contre la population palestinienne : un système cruel de domination et un crime contre l’humanité".

Callamard a déclaré dans la conférence de presse : "le rapport documente les appropriations massives de terres et de biens palestiniens, les homicides illégaux, les transferts forcés, les restrictions sévères à la liberté de mouvement et le déni de citoyenneté et de droits de citoyenneté pour les Palestiniens, qui font tous partie d'un système qui équivaut à l'apartheid en vertu du droit international".

"Ce système est maintenu par des violations qui, selon Amnesty International, constituent l'apartheid et un crime contre l'humanité tel que défini dans le Statut de Rome et la Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid (Convention sur l'apartheid)", a-t-elle ajouté.

Le rapport d'Amnesty International a appelé la Cour pénale internationale à "examiner le crime d'apartheid dans le contexte de ses enquêtes actuelle dans les territoires palestiniens occupés".

Il a également appelé "tous les États à exercer leur compétence universelle et à traduire en justice les auteurs des crimes d'apartheid".

Callamard a déclaré lors de la conférence : "Notre rapport révèle la véritable ampleur du régime d’apartheid d’Israël. Que ce soit dans la bande de Gaza (la Bande), à Jérusalem-Est, à Hébron (sud de la Cisjordanie) ou en Israël, la population palestinienne est traitée comme un groupe racial inférieur et elle est systématiquement privée de ses droits".

Et d’ajouter : "nous avons conclu que les politiques cruelles de ségrégation, de dépossession et d’exclusion mises en œuvre par Israël dans tous les territoires sous son contrôle constituent clairement un apartheid. La communauté internationale a le devoir d’agir".

La secrétaire générale a fait savoir qu’"il n'y a aucune justification possible pour un régime fondé sur l'oppression raciste institutionnalisée et prolongée de millions de personnes. L'apartheid n'a pas sa place dans notre monde, et les pays qui décident d'accepter les excès d'Israël se retrouveront du mauvais côté de l'histoire".

Et de poursuivre : "les gouvernements qui continuent à livrer des armes à Israël et à lui éviter l’obligation de rendre des comptes à l’ONU soutiennent un système d’apartheid, sapent la législation internationale et exacerbent les souffrances du peuple palestinien".

Amnesty International a appelé la communauté internationale à reconnaître "la réalité de l'apartheid imposé par Israël et étudier les nombreuses pistes judiciaires qui restent honteusement inexplorées".

En définissant le système d'apartheid, l'organisation internationale indique, dans le rapport, qu'il s'agit "d'un régime institutionnalisé d’oppression et de domination, mis en œuvre par un groupe racial sur un autre".

Le rapport a expliqué que "les recherches et l’analyse juridique approfondies menées par Amnesty International, en concertation avec des experts externes, démontrent qu’Israël impose un tel système (d'apartheid) à la population palestinienne au moyen de lois, politiques et pratiques qui perpétuent leur traitement discriminatoire cruel et prolongé".

"L'organisation a documenté des actes interdits par l'Accord sur l'apartheid et le Statut de Rome dans toutes les zones contrôlées par Israël, même s'ils se produisent dans les territoires palestiniens occupés plus fréquemment et plus violemment qu'en Israël", a-t-elle déclaré.

Et d’affirmer : "les autorités israéliennes imposent de nombreuses mesures qui privent délibérément la population palestinienne de ses droits et libertés fondamentaux : notamment des restrictions draconiennes des déplacements dans les territoires palestiniens occupés, un sous-investissement discriminatoire chronique dans les communautés palestiniennes d’Israël, et une entrave au droit de retour des réfugié·e·s".

Le rapport documente également "les transferts forcés, la détention administrative (sans procès), les actes de torture et les homicides illégaux à la fois en Israël et dans les territoires palestiniens occupés".

Amnesty International a conclu que "ces actes s’inscrivaient dans le cadre d’une attaque systématique et généralisée contre la population palestinienne, et qu’ils étaient commis avec l’intention d’entretenir un système d’oppression et de domination. Par conséquent, ils constituent le crime contre l’humanité d’apartheid".

**Traiter les Palestiniens comme une menace démographique

Le rapport d'Amnesty indique que "les gouvernements israéliens successifs ont assimilé la population palestinienne à une menace démographique et imposé des mesures pour contrôler et réduire leur présence et leur accès aux terres en Israël et dans les territoires palestiniens occupés".

Et d’ajouter : "Ces objectifs démographiques sont visibles dans les plans officiels de « judaïsation » de certaines zones en Israël et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, des plans qui exposent des milliers de Palestinien·ne·s au risque de transfert forcé".

Amnesty a souligné qu'Israël, depuis sa fondation en 1948, "a mené une politique visant à instituer et à entretenir une hégémonie démographique juive et à optimiser son contrôle sur le territoire au bénéfice des juifs et juives israéliens".

"En 1967, Israël a étendu cette politique a été pour inclure la Cisjordanie et la Bande de Gaza (après leur occupation cette année-là)", a ajouté l’organisation.

" Actuellement, tous les territoires sous le contrôle d’Israël restent administrés dans le but de favoriser les juifs et juives israéliens aux dépens de la population palestinienne, tandis que les réfugié·e·s palestiniens continuent d’être exclus", a-t-elle déclaré.

** Un groupe ethnique inférieur

Amnesty International a fait savoir que les autorités israéliennes traitent les Palestiniens comme un groupe ethnique inférieur "déterminé par leur statut d'arabe non-juif".

"Cette discrimination raciale est ancrée dans les lois qui affectent les Palestinien.ne.s partout en Israël et dans les territoires palestiniens occupés", indique le rapport.

La même source indique que les réfugiés palestiniens et leurs descendants, qui ont été déplacés pendant les guerres de 1947-1949 et 1967, sont privés du droit de retourner dans leurs anciens lieux de résidence.

"Cette exclusion des réfugié·e·s imposée par Israël est une violation flagrante du droit international et elle abandonne des millions de personnes à une incertitude permanente liée à leur déplacement forcé", a déclaré Amnesty International.

Et d’expliquer que : "les citoyen·ne·s palestiniens d’Israël, qui représentent environ 19 % de la population, sont confrontés à de nombreuses formes de discrimination institutionnalisée".

Le rapport documente comment les Palestiniens sont concrètement dans l’impossibilité de signer des baux sur 80 % des terres publiques israéliennes en raison de saisies foncières racistes et d’un éventail de lois discriminatoires en matière de répartition des terrains, de planification et de découpage du territoire.

Et d’affirmer que : "des décennies de traitement délibérément inégal, les citoyen·ne·s palestiniens d’Israël se trouvent systématiquement désavantagés sur le plan économique par rapport à la population juive israélienne".

Amnesty International a formulé des recommandations sur la manière pour "les autorités israéliennes de démanteler le système d'apartheid et la discrimination, la ségrégation et l’oppression qui l’entretiennent".

L’organisation a appelé, dans un premier temps, à "la fin de la pratique brutale des démolitions de logements et des expulsions forcées".

"Israël doit accorder l’égalité des droits à l’ensemble des Palestinien·ne·s en Israël et dans les TPO, conformément aux principes du droit international relatif aux droits humains et du droit international humanitaire", a-t-elle déclaré.

"Le pays doit reconnaître le droit des réfugié·e·s palestiniens et de leurs descendants à rentrer sur les lieux où eux ou leurs familles vivaient autrefois, et doit accorder des réparations complètes aux victimes d’atteintes aux droits humains et de crimes contre l’humanité", a-t-elle préconisé.

"La réaction internationale face à l’apartheid ne doit plus se cantonner à des condamnations génériques et à des faux-fuyants, a déclaré Agnès Callamard. Il faut nous en prendre aux racines du système, sans quoi les populations palestiniennes et israéliennes resteront piégées dans le cycle sans fin des violences qui a anéanti tant de vies".

"Israël doit démanteler le système d’apartheid et traiter les Palestinien·ne·s comme des êtres humains, en leur accordant l’égalité des droits et la dignité. Tant que ce ne sera pas le cas, la paix et la sécurité resteront hors de portée des populations israéliennes et palestiniennes ", a ajouté la secrétaire générale.

** L'État juif

D'autre part, Amnesty International a déclaré, dans son rapport, qu'elle reconnaît que les Juifs - comme les Palestiniens – font valoir le droit à l'autodétermination.

Et d’ajouter : "l’organisation ne conteste pas le désir d'Israël d'être une terre d’accueil pour les Juifs. De la même manière, l’organisation n’estime pas que la qualification d’« État juif » employée par Israël indique l’intention d’opprimer et de dominer".

** Réponse israélienne

Le rapport a provoqué la colère du gouvernement israélien, qui a déclaré lundi : "le rapport recycle les mensonges, les contradictions et les allégations sans fondement d'organisations haineuses connues pour être anti-israéliennes, le tout dans le but de revendre des marchandises endommagées dans de nouveaux emballages.

Il a accusé Amnesty International d'"antisémitisme".

* Traduit de l’arabe par Mounir Bennour.

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