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Affaire Samuel Paty au théâtre: Les avocats d’Abdelhakim Sefrioui rappellent la présomption d’innocence de leur client

- Un spectacle adapté du livre de Mikaëlle Paty, est joué ce lundi soir au Théâtre national de Nice, alors que quatre des accusés ont fait appel de leur condamnation par la Cour d’Assises spécialement composée

Feiza Ben Mohamed  | 30.06.2025 - Mıse À Jour : 01.07.2025
Affaire Samuel Paty au théâtre: Les avocats d’Abdelhakim Sefrioui rappellent la présomption d’innocence de leur client

Provence-Alpes-Cote d Azur

AA/Nice/Feïza Ben Mohamed

Ce lundi soir, se jouera au Théâtre national de Nice, une représentation adaptée du livre de Mickaëlle Paty, la sœur de Samuel Paty, intitulée « Le professeur ».

La mise en scène de ce spectacle qui revient sur les huit jours qui ont précédé l’assassinat du professeur d’Histoire du collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, fait craindre aux avocats de l’un des accusés, une atteinte à sa présomption d’innocence.

Condamné à une lourde peine de 15 ans de réclusion criminelle, le militant associatif serait présenté, dans cette pièce, comme un « militant islamiste » et « accompagnateur », alors même qu’il continue de clamer son innocence depuis le premier jour de son incarcération en octobre 2020.

Deux de ses avocats, Vincent Brengarth et Colomba Grossi ont alerté la direction du théâtre dans un courrier adressé à sa directrice, lui demandant de s’assurer « que le public soit informé de la position de (leur) client sur ces faits ainsi que de la présomption d’innocence dont il bénéficie ».

S’agissant du portrait dressé de leur client, ils indiquent dans leur écrit, que « personne n’a jamais eu accès à la supposée fiche S le concernant », que « cette fiche n’a jamais été versée à la procédure, ni au stade de l’information judiciaire, ni au stade du procès » et que « dans l’hypothèse où elle serait vérifiée, cette circonstance était parfaitement ignorée des protagonistes évoqués dans la pièce ».

Pointant par ailleurs « la manière particulièrement critiquable dont la décision de première instance a été rendue » les deux conseils rappellent qu’au cours de ce procès, « il a été établi qu’Abdelhakim Sefrioui n’avait pas eu connaissance du projet d’attentat terroriste d’Abdullakh Anzorov (…), n’avait pas eu connaissance ne serait-ce que de l’existence d’Abdullakh Anzorov, et réciproquement » et que « c’est le 9 octobre 2020 qu’Abdullakh Anazorov a fait de Samuel Paty sa cible, comme le montre le message envoyé à cette date à ses contacts Snapchat », tandis que la vidéo d’Abdelhakim Sefrioui date du 12 octobre, soit trois jours après.

De ce fait, Vincent Brengarth et Colomba Grossi considèrent « que la très grande difficulté à faire valoir les droits de la défense dans ces dossiers doit collectivement nous obliger, sans quoi nous ferions de la justice antiterroriste non pas une justice seulement dérogatoire mais tout simplement d’opinion ».

Dans un entretien accordé à Anadolu, Maître Brengarth affirme que « depuis le début de cette affaire » les droits de son client « ont été bafoués » et qu’à cela « s'ajoutent désormais des événements prétendant revenir sur le drame et la manière dont il a pu se nouer ».

« La liberté artistique est une chose, et elle doit être respectée, mais personne ne doit oublier qu'une personne, qui n'a jamais eu le moindre contact avec le terroriste, est en détention depuis 2020 et qu'elle proteste de son innocence. Le public doit en être informé, de même qu'il doit être informé de l'appel qui a été interjeté. M. Sefrioui est présumé innocent et la condamnation prononcée à son encontre est parfaitement injuste », conclut l’avocat alors que la date du procès en appel a été fixée à début 2026.

Pour rappel, Samuel Paty, professeur d’Histoire-Géographie, a été décapité à la sortie des cours, le 16 octobre 2020 par un ressortissant russe d’origine tchétchène.

Son bourreau, Abdoullakh Anzorov, abattu dans la foulée par les forces de l’ordre, reprochait à l’enseignant d’avoir montré à ses élèves, des caricatures issues du journal satirique Charlie Hebdo et mettant en scène le Prophète Mohammed nu.

C’est donc quatre ans après les faits, qu’un procès historique s’est ouvert devant la Cour d’Assises spéciale de Paris, aboutissant après sept semaines d’audience, à des condamnations qui sont allées largement au-delà des réquisitions du PNAT (parquet national antiterroriste).

Les huit accusés âgés de 22 à 65 ans, dont cinq comparaissent détenus, ont été condamnés à des peines allant d’un an à 16 ans de prison.

Abdelhakim Sefrioui, militant de la cause palestinienne et personnalité engagée contre l’islamophobie, a écopé d’une peine de 15 années de réclusion criminelle pour des faits qualifiés d’AMT (Association de malfaiteurs terroriste), alors qu’il ne connaissait pas Abdoullakh Anzorov et n’avait jamais été en contact avec lui, pas même virtuellement.

Il était notamment mis en cause dans cette affaire pour avoir diffusé en ligne, une vidéo dans laquelle il qualifiait Samuel Paty de « voyou » pour avoir montré une caricature du Prophète Mohammed, alors même que l’enquête n’a pas permis d’établir que celle-ci a été vue par Anzorov et qu’elle aurait ainsi pu encourager son passage à l’acte.

Brahim Chnina, le père de l’élève qui a dénoncé publiquement Samuel Paty (l’enquête démontrera qu’elle n’était en réalité pas présente au cours), a quant à lui été condamné à 13 années de réclusion criminelle pour une AMT qu’il conteste.

La Cour a en effet considéré que si les deux hommes n’étaient aucunement radicalisés et qu’il n’a « pas été démontré qu’ils aient souhaité l’issue fatale qui a été réservée à Samuel Paty, ils ne pouvaient ignorer les risques encourus par l’enseignant en raison du contexte lié aux republications des caricatures du Prophète par Charlie Hebdo quelques semaines auparavant ».

Parmi les accusés, figuraient également deux des proches d’Abdoullakh Anzorov, Azim Epsirkhanov et Naïm Boudaoud, reconnus coupables de « complicité d’assassinat terroriste » et condamnés à 16 ans de prison. Tous deux âgés respectivement de 23 et 22 ans, sont soupçonnés d’avoir aidé le tueur de Samuel Paty, en l’accompagnant dans l’achat d’armes mais nient avoir eu connaissance du projet terroriste. Naim Boudaoud l’a par ailleurs déposé sur les lieux de l’attentat.

Alors que le PNAT avait requis des peines de 16 et 14 ans de prison pour des faits d’AMT, la Cour est allée, là encore, au-delà des recommandations du ministère public tout en précisant qu’il n’est pas démontré qu’ils aient eu connaissance du projet mortifère d’Anzorov.

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