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Accord imminent sur le nucléaire iranien : un optimisme prudent (Analyse)

L’Iran s'est rétracté sur sa revendication portant sur le retrait des « Gardiens de la Révolution » de la liste du terrorisme, en contrepartie de garanties de Washington qu’aucun président américain ne se retire du nouvel accord à l'avenir

1 23  | 17.08.2022 - Mıse À Jour : 22.08.2022
Accord imminent sur le nucléaire iranien : un optimisme prudent (Analyse)

Istanbul

​​​​​​AA / Istanbul / Ihsen al-Faqih

- Selon des médias occidentaux, l'Accord nucléaire aboutira à la levée provisoire des sanctions pour une période qui s'étalera jusqu'à 2025, le temps de tester le respect par Téhéran de la teneur dudit accord, ce qui permettra de libérer plus de 100 milliards de dollars d’actifs iraniens gelés

- La position iranienne à l'égard des négociations de Vienne demeure tributaire des mesures qui seront prises et qui garantiront à l'Iran une sortie de son actuelle crise économique

Les États-Unis essayent, autant que possible, de progresser dans le processus des négociations sur le dossier nucléaire iranien à Vienne, afin d’alléger le fardeau qu'assument les responsables de l'Administration du Président Joe Biden, actuellement préoccupés par des dossiers plus importants et délicats, tels que la guerre russe en Ukraine et les tensions entre Washington et Pékin ainsi que d'autres questions.

A la fin de la semaine écoulée, Ali Bagheri, négociateur en chef iranien est arrivé à Vienne pour participer aux pourparlers du Plan d'action commun, dans l'espoir de ressusciter l'Accord nucléaire de 2015, après l'échec du round des négociations, parrainées par l'Etat du Qatar, entre les Etats-Unis et l'Iran en juin dernier.

L'Iran a affiché, selon nombre d’observateurs, une plus grande souplesse dans sa position en acceptant de ne pas retirer « les Gardiens de la Révolution » de la liste des organisations terroristes étrangères, en contrepartie de garanties de Washington qu’aucun président américain ne se retire du nouvel accord à l'avenir, tout en s'attachant à la priorité de la levée des sanctions américaines et onusiennes qui lui sont infligées.

Au mois de mai 2018, l'ancien président américain Donald Trump avait annoncé le retrait de son pays de l'Accord nucléaire avec l'Iran de 2015 et décidé de réimposer des sanctions de Washington sur l'Iran.

L’Administration de l'actuel président américain Biden respecte toujours les sanctions infligées par l'Administration antérieure.

Les sanctions imposées par Trump à l'Iran consistent en plus de 700 mesures, en dehors de l'Accord nucléaire, qui touchent des institutions financières et économiques, au premier rang desquelles figurent la Banque centrale, la Compagnie nationale de pétrole, la compagnie de Tankers et autres institutions, et ce pour garantir l'isolement de l'Iran et détruire son économie et ses capacités à appuyer ses activités déstabilisatrices, à travers les forces qui lui sont alliées dans plusieurs pays de la région du Moyen-Orient.

Ces sanctions ont abouti à la détérioration du secteur économique iranien et ont causé des manifestations populaires protestataires contre les conditions de vie difficiles, la hausse du taux de chômage et la dévaluation de la monnaie locale par rapport aux devises fortes.

L'Iran a tenté d'exercer des pressions sur l'Administration américaine depuis l'accession au poste de la présidence d'Ebrahim Raïssi, il y a de cela une année, à travers sa politique affichée publiquement d’augmenter de 60% les capacités iraniennes d'enrichissement de l'uranium pour atteindre les 90% environ, ce qui représente une proportion suffisante pour la fabrication d'armes nucléaires.

L’échec des négociations de Doha a provoqué une escalade et une recrudescence des différends entre Washington et Téhéran, qui a rétorqué par l'annonce de l'augmentation du pompage du gaz dans des centaines de centrifugeuses et la confirmation de sa capacité à fabriquer une arme nucléaire, tout en déclarant publiquement par le biais de leurs responsables que le pays n'envisage pas de faire cela.

Depuis plusieurs semaines, l'Union européenne (UE) a présenté de nouvelles propositions pour relancer les négociations suspendues depuis près de cinq mois, lesquelles propositions ont été considérées par des responsables iraniens comme ayant ouvert de nouvelles perspectives pour un éventuel accord.

Vienne a accueilli, le 4 août courant, un nouveau round de négociations, le neuvième du genre entre l'Iran et le Groupe d'action mixte, sur la base des propositions faites, le 21 juillet dernier, par Josep Borrell, Haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-président de la Commission européenne. Ces propositions ont été qualifiées par des responsables iraniens comme ayant « ouvert une ultime fenêtre sur le dossier nucléaire ».

Dans des déclarations faites à des médias européens, Borrell avait souligné que le draft des propositions, ou ce qui est désormais connu sous le nom de « Texte final », comporte des concessions qui ont été obtenues difficilement auprès de toutes les parties et ces concessions traitent dans le détail la levée des sanctions ainsi que les mesures nécessaires à suivre pour reprendre l'Accord de 2015.

L'UE, qui dispose du statut de coordonnateur des négociations, présente des propositions et soumet des idées aux parties officiellement concernées par les pourparlers, en l'occurrence les cinq puissances en plus de l'Allemagne.

Le Département d’Etat américain estime que le texte présenté par l'UE est la seule base possible pour réactiver l'Accord nucléaire avec l'Iran et pour parvenir rapidement à un accord, ce qui serait cohérent avec les prédispositions affichées par l'Iran à ressusciter l'accord nucléaire.

Le neuvième round des négociations intervient cinq mois après la suspension des pourparlers et au terme de huit précédents rounds tenus sans enregistrer de progrès et après notamment l'échec de négociations indirectes entre Téhéran et Washington organisées à la fin du mois de juin dernier dans la capitale qatarie Doha.

Quatre jours après le début des négociations indirectes qui ont commencé le 4 août courant entre les délégations américaine et iranienne à Vienne, les deux parties ne sont pas encore parvenues à un accord officiel sur les dossiers en suspens.

Selon des médias iraniens, il est attendu que l'UE et les pays du Groupe d'action mixte reçoivent ultérieurement une réponse officielle de Téhéran après le déroulement de discussions en interne au sein du Conseil de sécurité nationale iranien.

Il ressort des informations rapportées par des médias proches de cette instance que les négociations qui ont eu lieu récemment à Vienne peuvent être évaluées comme ayant enregistré un progrès mais à un rythme lent.

D'un autre côté, des médias occidentaux ont rapporté, en citant un responsable européen, que la question du retrait des Gardiens de Révolution iranienne de la liste des groupes terroristes n’est plus une condition imposée par Téhéran en cette phase. Toutefois, cette concession est présentée en contrepartie de l'engagement des États-Unis à ne pas se retirer, sous une ultérieure administration, du nouvel accord à l'avenir.

Des observateurs estiment, néanmoins, que l’acceptation par les Etats-Unis de la condition iranienne ne semble pas logique, dans la mesure où aucun responsable ou chef d'Etat américain ne dispose des prérogatives d'offrir de telles garanties. En effet, chacun des partis Démocrate et Républicain a des politiques qui diffèrent dans leur vision de la nature de ce que doivent être les relations des Etats-Unis avec l'Iran ou avec d'autres pays du monde.

Sur le plan juridique, l'Accord nucléaire est un accord entre plusieurs Etats et il est donc multilatéral. Ainsi, cet accord ne s'élève pas au niveau d'un Traité bilatéral entre deux et l'Administration de Biden ne peut pas garantir le non-retrait de cet accord tant que les législations américaines n'empêchent pas cela.

A l’opposée, l'Iran parie sur les facteurs du temps et d’une probable nouvelle victoire des Démocrates aux élections de 2024, en plus du fait que tout accord en cette phase serait synonyme du dégel de milliards de dollars qui serviront à relancer l'économie iranienne et assurer ainsi la continuité pour les Gardiens de la Révolution de financer les forces qui leur sont alliées dans plusieurs pays. Ce financement avait baissé de manière substantielle au cours des quatre dernières années.

Selon des médias occidentaux, l'Accord nucléaire aboutira à une levée provisoire des sanctions durant la phase qui s'étendra jusqu'en 2025, laps de temps qui permettra de tester le respect par l'Iran de l'accord, ce qui sera de nature à libérer plus de 100 milliards de dollars d'actifs gelés.

Le différend fondamental entre l'Iran et les autres parties consiste vraisemblablement en la demande de Téhéran d’annuler l'enquête menée par l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA) qui a été initiée à la suite de la découverte par une équipe d’inspecteurs de traces d'uranium dans trois sites iraniens, alors que les investigations de l'agence sont indépendantes et ne sont pas liées aux négociations de Vienne qui portent exclusivement sur le rétablissement de l'Accord de 2015.

L’Iran s'attache toujours à ses conditions et préalables avant la signature de tout accord et ce jusqu’à la présentation par les autres parties de garanties contraignantes pour le respect et l'exécution de tout éventuel accord, dont l'Iran sera signataire à l’avenir.

Parmi ces conditions figure la nécessité de déterminer des mécanismes selon un échéancier préétabli acceptable par les Iraniens pour une levée totale des sanctions, tout en obtenant un engagement de la part de l'AIEA de mettre fin aux investigations diligentées après la découverte de traces d'uranium dans trois sites nucléaires iraniens.

La position iranienne à l'endroit des négociations de Vienne demeurera tributaire des mesures qui garantiraient à Téhéran de sortir de sa crise économique, qui s'est aggravée de nature à menacer la crédibilité de Raïssi, qui s'était engagé à adopter une politique d'allégement des retombées des sanctions économiques américaines, sans que cette politique ne mène à la réalisation de résultats pouvant impacter positivement la vie du citoyen iranien et son niveau de vie qui s'est détérioré.

*Traduit de l'arabe par Hatem Kattou

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