« Ce qui se passe à Gaza est un génocide ! » : Le président brésilien s’en prend violemment à Israël
« Ce qui se passe à Gaza n’est pas une guerre ! (...) C’est une armée qui tue des femmes et des enfants », déclare Luiz Inácio Lula da Silva, arrivé ce mercredi à Paris pour une visite d’État

Tunis
AA / Tunis / M. Belhaj
Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a vivement dénoncé la guerre menée par Israël contre la Bande de Gaza, qu’il a qualifiée de « génocide ».
Lors d’une conférence de presse tenue, mardi, au palais présidentiel du Planalto, à Brasilia, à la veille de sa visite d’État en France, le président brésilien a accusé Israël de mener une campagne militaire génocidaire dans la Bande de Gaza. « Ce qui se passe à Gaza n’est pas une guerre ! C’est un génocide ! C’est une armée qui tue des femmes et des enfants ! », a-t-il martelé devant la presse.
Réagissant à une note publiée la veille par l’ambassade d’Israël à Brasilia, selon laquelle les dirigeants mondiaux « croient aux mensonges » du Hamas, Lula a estimé que le gouvernement israélien devait « cesser de se présenter comme une victime ».
« [Israël] intervient pour dire que c'est de l'antisémitisme. Il faut arrêter cette victimisation et reconnaître ce qui suit : ce qui se passe dans la Bande de Gaza est un génocide », a-t-il insisté.
Le chef d'État brésilien a fait valoir que des voix critiques s’élèvent partout dans le monde, y compris en Israël. « Toutes les personnes sensées dans le monde, y compris des Israéliens, et vous avez dû lire une lettre de l’ancien Premier ministre déclarant que ce n’était plus une guerre, que c’est un génocide », a-t-il déclaré. Il a également mentionné une « lettre de 1000 militaires annonçant que ce n’était plus une guerre, que c’est un génocide ».
Lula a exprimé son indignation face aux conséquences humanitaires du conflit : « Je ne sais pas si vous avez vu la scène de deux enfants transportant de la farine pour manger et qui ont été tués ». Il a ajouté : « On ne peut pas, sous prétexte de chercher quelqu’un, tuer des femmes et des enfants, laisser des enfants affamés ».
« C’est précisément en raison de ce que le peuple juif a souffert dans son histoire que le gouvernement israélien devrait faire preuve de bon sens et d'humanisme dans ses relations avec le peuple palestinien. Ils se comportent comme si le peuple palestinien était constitué de citoyens de seconde zone », a-t-il estimé.
Depuis le déclenchement de la guerre israélienne contre la Bande de Gaza, en octobre 2023, le Brésil plaide en faveur d’un cessez-le-feu permanent, qui permettrait l’acheminement d’une aide humanitaire soutenue.
Le gouvernement de Benyamin Netanyahu a été à plusieurs reprises la cible de critiques brésiliennes. « Le gouvernement Netanyahu agit par vengeance contre les Palestiniens », avait déjà déclaré Lula le week-end précédent. Le ministère brésilien des affaires étrangères a, de son côté, diffusé plusieurs communiqués remettant en cause les fondements juridiques et éthiques des opérations militaires israéliennes.
Le chef de la diplomatie brésilienne, Mauro Vieira, a récemment qualifié les opérations à Gaza de « carnage » lors d’auditions devant le parlement. Le Brésil réclame un retrait total des troupes israéliennes de la Bande de Gaza et dénonce le blocage de l’acheminement de l’aide humanitaire, malgré les mises en garde de l’ONU contre un risque de famine imminent.
Selon les autorités sanitaires de Gaza, plus de 54 600 Palestiniens ont été tués depuis le début du conflit, dont une majorité de femmes et d’enfants. En novembre 2024, la Cour pénale internationale (CPI) a délivré des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et son ancien ministre de la défense, Yoav Gallant, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Israël est également poursuivi devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour « crime de génocide ».
** Enjeux majeurs d’une visite d'État en France
Alors que les tensions diplomatiques autour du conflit au Proche-Orient sont à leur comble, le président brésilien est arrivé ce mercredi en France, où il entamera une visite d’État, à partir de jeudi. Il s’agit de la première visite d’un chef d’État brésilien en France depuis 2012.
Au programme de cette visite : des discussions avec le président Emmanuel Macron sur les relations bilatérales, la guerre contre la Bande de Gaza, la guerre en Ukraine, ainsi que la guerre commerciale menée par Donald Trump. « Il est d'autant plus important de retrouver des convergences avec le Brésil, un grand État émergent », a souligné un communiqué du palais de l’Élysée, rappelant que le Brésil assure cette année la présidence tournante du groupe des BRICS.
Lula, qui avait accueilli Emmanuel Macron à Brasilia en mars dernier, aura un déjeuner en tête-à-tête avec le président français, suivi d’un dîner d’État à l’Élysée. Les deux dirigeants devraient signer plus d’une douzaine d’accords couvrant divers domaines de coopération, rapportent les médias français.
Le président brésilien participera également, le 8 juin, à un sommet économique à Monaco, avant de rejoindre Emmanuel Macron le lendemain à Nice, pour l’ouverture de la 3ᵉ conférence des Nations unies sur les océans.
Dans le contexte actuel, cette visite est perçue comme stratégique, tant pour Paris que pour Brasilia. Elle se déroule aussi sur fond de divergences entre la France et les pays du Mercosur concernant un éventuel accord de libre-échange avec l’Union européenne, auquel Paris reste farouchement opposé.
La position très critique de Lula à l’égard d’Israël pourrait aussi peser dans les échanges diplomatiques avec les partenaires européens, alors que le Brésil multiplie les appels à une reconnaissance pleine et entière d’un État palestinien.
« Nous l’avons dit depuis longtemps et le Brésil a été le premier à reconnaître l’État palestinien ici, en Amérique du Sud », a rappelé Lula, insistant : « Je le répète, il n’y aura de paix que lorsque nous aurons conscience que les Palestiniens ont droit à leur État, à un territoire » dans les limites des frontières de1967.
Lula a souligné que le gouvernement israélien refuse de reconnaître le droit du peuple palestinien à un Etat dans les limites des frontières de1967 et « attaque chaque jour le territoire palestinien, y compris en Cisjordanie, pour agresser les agriculteurs palestiniens ».
Alors que le Brésil ne cesse de s’imposer comme un acteur majeur sur la scène internationale, la visite en France du président Lula sera sans doute l’occasion pour Paris de solliciter l’appui de cette voix très écoutée des pays du ‘Sud global’ lors de la conférence organisée par la France et l'Arabie saoudite à l'ONU à la mi-juin. Une initiative portée par Emmanuel Macron visant à relancer un règlement du conflit israélo-palestinien basé sur une solution à deux Etats.