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Émeutes en France: des peines de prison ferme pour des jeunes en majorité sans antécédent judiciaire

- Les premières audiences des personnes interpellées lors des émeutes qui ont ébranlé la France ont eu lieu. Le profil des prévenus est en majorité celui de jeunes n'ayant pas de casier judiciaire et la réponse pénale à leur encontre est ferme.

Majdi Ismail  | 04.07.2023 - Mıse À Jour : 04.07.2023
Émeutes en France: des peines de prison ferme pour des jeunes en majorité sans antécédent judiciaire

France

AA / Tunis / Majdi Ismail

La justice française a prononcé lors d'audiences en comparutions immédiates ses premières condamnations, en fin de semaine et ce lundi, pour participation aux violences urbaines, dans plusieurs villes de France, et ce, en pleine grève des greffiers qui revendiquent une revalorisation salariale.

Selon le ministère français de la Justice, depuis vendredi, 3 915 personnes ont été interpellées, dont 1 244 mineurs. Ces interpellations ont donné lieu à 374 comparutions immédiates.

Lors d'un déplacement à Reims, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait souligné qu’« un tiers » des personnes interpellées depuis le début des émeutes sont des mineurs, dont 60% d'entre eux n'ont pas d’antécédent judiciaire.

Selon « Franceinfo », 120 personnes ont été écrouées, condamnées ou placées en détention provisoire en attente d'un procès.

Parmi les peines les plus lourdes, à Chartres en Eure-et-Loir, un jeune homme de 25 ans a été condamné à sept mois de prison avec incarcération immédiate pour vols en réunion, indique le parquet dans un communiqué, repris par « France Bleu ».

À Grenoble (sud-est de la France), quinze prévenus ont écopé de peines de prison allant jusqu'à six mois ferme, avec mandat de dépôt ou sous bracelet électronique.

À Beaune (commune française située dans le département de la Côte-d'Or et la région Bourgogne-Franche-Comté), un jeune a été condamné à quatre mois de prison ferme et quatre mois avec sursis, « pour des violences sur la police, le port d'un couteau et la participation à un attroupement le visage dissimulé ».

Deux émeutiers interpellés à Nancy (ville française située en Meurthe-et-Moselle) ont écopé de la même peine pour avoir tiré des mortiers d'artifice en direction de la police.

La moyenne d'âge des personnes interpellées est de « 17 ans, avec parfois des enfants, il n'y a pas d'autre mot, de 12-13 ans, qui étaient des pyromanes ou qui ont attaqué les forces de l'ordre ou qui ont attaqué des élus », a souligné Gérald Darmanin.

Selon le locataire de la Place Beauvau, « un tiers » des personnes interpellées depuis le début des émeutes sont des mineurs, dont 60% d'entre eux n'ont aucun antécédent judiciaire. À Bobigny (banlieue parisienne), 13 mineurs ont été présentés à un juge d'enfants, tandis que des dizaines de jeunes ont écopé de peines qui vont de 6 à 8 mois de prison ferme avec mandat de dépôt.


*Une réponse pénale ferme

Dans une circulaire diffusée vendredi 30 juin, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a appelé à une réponse judiciaire « rapide, ferme et systématique ».

Le garde des sceaux précise dans ce document de quatre pages, que « outre les qualifications usuelles sur les atteintes aux personnes et aux biens », il pourra être retenu « la rébellion, la participation à un groupement en vue de la préparation de violences ou de dégradations, et la participation à une manifestation en étant porteur d’une arme », rapporte « Le Monde ».

Pour les prévenus, « Le déferrement aux fins de comparution immédiate ou à délai différé, ou, le cas échéant, de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité [le plaider-coupable], sera privilégié pour répondre aux faits les plus graves » et assurer une réponse rapide (…) Pour les mineurs, le déferrement est aussi privilégié ».

Concernant les parents, la circulaire indique que « les infractions commises par les mineurs engagent, en principe, la responsabilité civile de leurs parents ». Autrement dit, les parents devront payer les dégâts commis par leurs enfants. Dupond-Moretti exige également d’utiliser les dispositions du code pénal permettant de poursuivre les parents pour lesquels de « graves manquements à leurs obligations légales pourraient être constatés au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation du mineur ».

Le procureur de la République de Bobigny, Éric Mathais, s’était défendu de vouloir « faire des exemples », rapporte le blog de la commune française située dans le département de la Seine-Saint-Denis. Cependant, il avait appelé les magistrats à mesurer l’importance de ses décisions pour « envoyer un message fort » et « rétablir l’équilibre social vis-à-vis des intéressés et de la société ». « Les raisons [de ces actes] sont complètement futiles », a-t-il assené, sans jamais prononcer le prénom Nahel.

Certains des avocats des prévenus ont exprimé leur exaspération de voir la circulaire du ministre de la Justice « fidèlement reproduite dans la salle d’audience ».

Par voie de communiqué publié le 30 juin dernier, le Syndicat de la magistrature, a exprimé sa position vis-à-vis des émeutes provoquées par la mort de Nahel, déclarant que « ce n’est pas à la justice d’éteindre une révolte ».

Le syndicat a fustigé la rhétorique du « respect du travail de la justice », « servie ad nauseam par le Gouvernement, le chef de l’État, [et] certains syndicats de police », estimant qu’elle ne sert qu’un but : « celui de ne pas regarder en face la question systémique que soulève, une fois encore, la mort d’un adolescent d’un quartier populaire sous les balles de la police ».

Pour ce syndicat orienté à gauche, la question que pose la mort Nahel tué par un policier après un refus d’obtempérer « est bel et bien politique », et cette « soudaine déférence à l’égard de la justice n’est qu’une forme d’instrumentalisation ».

« L’autorité judiciaire pâtit, loi après loi, de la construction d’un ordre policier qui rogne sur les droits et libertés des citoyens, les prive de l'accès à la justice et empêche un réel contrôle judiciaire de la police, au nom de la sécurité », écrit le Syndicat de la magistrature.

Ce mardi, 33 audiences de comparution immédiate sont prévues au tribunal de Marseille.




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