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Émeutes du PKK à Paris: l’absence de réaction française interroge

Ekip  | 26.12.2022 - Mıse À Jour : 26.12.2022
Émeutes du PKK à Paris: l’absence de réaction française interroge

France

AA/Paris/Feïza Ben Mohamed

Paris a vécu un week-end d’une rare violence, rythmé par des incendies, des saccages, et des dégradations, orchestrés par des groupuscules proches du PKK.

Si la capitale n’avait pas connu de telles scènes depuis les manifestations de gilets jaunes en 2018, l’absence de réaction ferme et officielle, interroge de nombreux observateurs.

Et pour cause, un défilé violent, agrémenté par des drapeaux d’organisations terroristes et des chants agressifs, n’a finalement abouti qu’à un bilan très léger de 11 interpellations et surtout à aucune condamnation formelle de la part de l’Exécutif.

- Apologie du terrorisme au sens large

Il n’est plus à démontrer que le PKK, placé sur la liste des organisations terroristes dans de nombreux pays dont la Türkiye, les Etats-Unis, la France ou encore l’Allemagne, commet des attentats meurtriers chaque année.

Dans un entretien accordé à l’Agence Anadolu, le docteur en Histoire, Maxime Gauin, s’étonne de ce fait, de la complaisance française à l’égard des défilés violents organisés depuis vendredi.

« La loi n’est pas appliquée » déplore ce spécialiste du nationalisme, rappelant que « le code pénal est clair » en la matière et vise « le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes » mais également « le fait d'inciter publiquement à porter sur ces infractions ou leurs auteurs un jugement favorable ».

Maxime Gauin juge donc qu’il « est évident qu’arborer la bannière d’une organisation terroriste incite à porter sur des auteurs d’attentats « un jugement favorable ».

« Cela étant dit, ce problème n’est pas spécifique à l’apologie du PKK. Il existe une habitude absurde, dans tous les parquets de France, qui consiste à ne jamais engager de poursuites si le groupe terroriste en question n’a pas massacré récemment sur le sol français » note néanmoins l’expert.

Sur les réseaux sociaux aussi, les posts visant à dénoncer ces faits d’apologie de terrorisme en plein Paris, se sont multipliés ces derniers jours.

« Elle est belle la France. les gens peuvent manifester tranquillement en faisant l’apologie du terrorisme » s’agace par exemple un internaute tandis qu’un autre se demande « depuis quand autorise-t-on l'apologie et le soutien au terrorisme » en France.

- Un silence qui interroge

La tuerie raciste qui a coûté la vie à trois personnes vendredi à Paris a naturellement suscité un vif émoi et les condamnations ont fusé de toutes parts, jusqu’au plus haut de l’Etat avec un message d’Emmanuel Macron.

Mais alors que le suspect a ouvertement reconnu au cours de sa garde à vue, avoir voulu viser des étrangers par « haine pathologique », ce qui aurait dû être une période de deuil s’est instantanément transformé en véritable guérilla urbaine.

Malgré la gravité des faits, le bilan des forces de l’ordre reste relativement maigre au regard de l’ampleur des dégâts provoqués.

Seuls 11 personnes ont été arrêtées pour des violences alors que pas moins de 31 policiers et gendarmes ont été blessés à la veille de Noël après avoir été ciblés par les partisans du PKK.

De ce point de vue, Maxime Gauin met clairement en garde contre « une répression insuffisante » qui pourrait être prise « pour une preuve de faiblesse » par ces milices violentes.

« Et c’est un fait qu’ils réagissent fréquemment à ce qu’ils considèrent comme de telles preuves en accentuant leur violence » alerte-t-il en appelant néanmoins à attendre « de voir s’il y aura d’autres arrestations ».

En outre, il considère que même « si le nombre de personnes arrêtées augmente, il demeurera toujours ce constat : la préfecture de police n’a pas vu venir la violence de la réaction ».

« Qu’elle ne l’ait pas vu venir le jour même peut à la rigueur se comprendre, surtout en période de Noël, mais qu’elle n’ait pas prévu la répétition (en pire) de cette espèce d’émeute pose la question de savoir pour qui travaillent en réalité ses informateurs dans les milieux » proches du PKK, pointe le docteur en Histoire.

- L’instrumentalisation à la clé

Face aux évidentes pressions, plusieurs hauts responsables et dirigeants ont reçu ces derniers jours, des représentants d’organisations proches du PKK, dont le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti et le préfet de police de Paris Laurent Nuñez.

Mais les revendications ont rapidement cheminé vers des sujets sans aucun lien avec la tuerie de vendredi.

Notant une « instrumentalisation évidente » de la part de « cette organisation terroriste qui adore se poser en victime », Maxime Gauin estime que c’est en réalité ses échecs successifs qui l’y obligent particulièrement.

« Le PKK a récemment échoué à se faire retirer de la liste des organisations terroristes établie par l’Union européenne (décisions rendues par la Cour de justice de l’Union européenne en 2018 et 2022), et de celle établie par la Grande-Bretagne » relate le spécialiste avant de mentionner que « la candidature de la Suède et de la Finlande à l’OTAN a forcé les gouvernements de ces pays à mettre fin à la politique d’impunité pratiquée pour des membres du PKK ».

Selon lui, « la Turquie et ses amis ont une opportunité » et « il est parfaitement clair que les casseurs sont tous des partisans du PKK, que les Turcs de France et les Français d’origine turque n’ont pas utilisé ces violences comme prétextes pour des expéditions punitives ».

« L’électorat de la majorité présidentielle — comme une grande partie des électorats d’opposition — est demandeur de fermeté contre les casseurs » proches du PKK « et ceux qui se faisaient des illusions sur ce milieu commencent à mieux comprendre la réalité. Il faudra évidemment que le gouvernement y mette de la bonne volonté, mais c’est son intérêt » conclut Maxime Gauin.

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