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Au Sénégal, des femmes tissent leur toile dans la mécanique

Pépinière de femmes mécaniciennes, le garage Femme Auto, autonomise les Sénégalaises.

17.08.2015 - Mıse À Jour : 17.08.2015
Au Sénégal, des femmes tissent leur toile dans la mécanique

AA/ Dakar/ Babacar Dione

Vêtue d'un boubou rouge noirci par des traces de graisse, Ndack Diagne, la vingtaine, clé à la main, huile un moteur qu'elle vient de démonter. Malgré les regards amusés de quelques passants, elle prend très au sérieux son travail.

"C'est une tâche quotidienne. Chaque jour, je suis sur les moteurs des véhicules. Nous touchons à toutes les marques et à toutes sortes de pannes" explique Ndack Diagne à Anadolu.

Depuis plus de deux ans, Ndack exerce le métier de mécanicien à " Femme auto", un garage composé majoritairement de femmes (une douzaine), niché à Liberté VI, un quartier populaire de Dakar.

"J'ai choisi ce métier volontairement. C'est une passion pour moi depuis toute jeune quand j'accompagnais mon père dans de longues virées en voiture et que parfois on était obligé de s'arrêter pour changer un pneu, ou rafraîchir la voiture en versant un peu d'eau dans le réservoir", dit-elle à Anadolu.

Plus jeune que Ndack Diagne, Mariama Sarr est encore au stade de formation, qui dure environ deux ans et demi.

"Depuis juin 2015, je suis dans le garage comme apprenti mécanicienne. J'apprends tous les rudiments du métier: démonter une boîte, mettre une croix de distribution, réparer des cardans, etc." énumère-elle, dans une déclaration à Anadolu.

"Les filles se débrouillent bien. Elles sont intelligentes et s'adaptent vite" explique à Anadolu, Babacar, un jeune mécanicien qui travaille à Femme Auto, où ils sont une huitaine d'hommes. "C'est vrai que certains clients qui viennent pour la première fois au garage sont étonnés, voire sceptiques au début, mais après, une fois le travail réalisé, ils sont satisfaits" témoigne-t-il.

Mariama évoque aussi de la part de certains clients "des préjugés", qui ne résistent pas, toutefois, au constat des bons résultats qu'elle accomplit. Elle confie que sa motivation essentielle dans le choix de ce métier a été sa quête d'autonomisation.

"Autour de moi, à commencer par ma famille, on a aujourd'hui tendance à m'accepter comme mécanicienne. J'ai choisi un métier plutôt dur parce que ce critère élimine ou diminue la concurrence. Et puis, cela me permet de gagner ma vie, d'aider mes parents et même nos maris, alors qui va se plaindre ?" poursuit Mariama, qui explique qu'une fois la formation finie, elle espère gagner mensuellement entre 70.000 et 100.000 F CFA (entre 120 USD et 170 USD environ) comme la plupart de ses collègues.

"Nous pouvons faire les métiers exercés par les hommes. C'est un travail un peu difficile, mais nous résistons" renchérit Ndack Diagne, en rajoutant, d'un trait d'humour "Nous travaillons de 8 à 18 heures, je ne connais pas beaucoup d'hommes qui feraient 10 heures par jour".

Créée en 2006, Femme Auto a été la concrétisation de toute une carrière, pour Ndeye Coumba Mbengue, sa fondatrice. Cette quinquagénaire a épousé, dès 1993, ce métier, en fréquentant le centre de formation Sénégal Japon, un institut spécialisé dans la formation en mécanique, créé par l'Etat du Sénégal en partenariat avec le Japon.

Titulaire, depuis, d'un brevet de technicien en industrie, Coumba Mbengue a travaillé pendant plus de 15 ans chez plusieurs concessionnaires basés au Sénégal, depuis elle a ouvert ce garage l'un des rares au Sénégal à embaucher des femmes, pour des motivations diverses qu'elle explique.

"Quand j'ai démissionné pour lancer ce garage, Femme Auto, je voulais encourager les femmes qui veulent embrasser ce métier, mais qui n'ont pas la chance de le pratiquer faute d'employeurs. Les entreprises n'aiment pas tellement embaucher les femmes, parce qu'elles estiment que les femmes s'absentent et qu'à un certain âge, les femmes n'auront pas la force physique pour exercer ce métier" explique Mbengue à Anadolu.

Depuis sa création, le garage a formé une trentaine de filles, selon Ndeye Coumba Mbengue, qui assure personnellement et à titre gracieux, la formation des mécaniciennes, jusqu'à ce qu'elles achèvent leur formation. Après, elles ont le choix de poursuivre avec elle, en tant qu'employées, ou de partir à la quête de nouveaux horizons, et ce ne sont pas les opportunités qui manquent. 

"J'ai eu des filles qui sont maintenant employées par de grands concessionnaires de véhicules. D'autres, plus rares, ont ouvert leurs propres garages. Par contre, il y a des filles qui ont préféré abandonner le métier après le mariage" conclut-elle, en disant tout de même avoir réussi à inculquer chez celles-ci, "ne serait-ce que pour un moment, le sens du défi."

 
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