France / Loi Duplomb : le Conseil constitutionnel censure la réintroduction d’un néonicotinoïde
– La grande majorité des autres dispositions a été validée par les Sages, y compris celles facilitant la construction de mégabassines.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Le Conseil constitutionnel français a annoncé ce jeudi 7 août qu’il censurait une disposition centrale de la loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », plus connue sous le nom de loi Duplomb. Le cœur de cette censure vise la possibilité de réintroduire les néonicotinoïdes — une famille de pesticides interdits en France depuis 2018 — via dérogation gouvernementale par décret.
Par voie de communiqué, les sages de la rue de Montpensier ont jugé que cette disposition « a privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé », garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement. La mesure en cause permettait des dérogations sans limitation claire dans le temps, dans l’espace ou selon les types d’usage — y compris pour des traitements par pulvérisation, pourtant connus pour leur grande dispersion dans les milieux naturels.
Les juges ont estimé que cette rédaction ouvrait la voie à une réintroduction massive de substances dangereuses sans encadrement suffisant, au mépris des exigences constitutionnelles en matière environnementale. La disposition, figurant dans l’article 2, est donc déclarée inconstitutionnelle, ainsi qu’un alinéa lié, jugé inséparable.
Le Conseil a également annulé l’article 8 de la loi, pour non-respect de la procédure législative : l’article, introduit en cours d’examen, n’avait aucun lien avec le texte initial, en violation de l’article 45 de la Constitution.
- Une loi controversée dès l’origine
Déposée au Sénat en novembre 2024 par le sénateur Laurent Duplomb (LR), la proposition de loi visait à simplifier les normes encadrant l’activité agricole, notamment en matière d’usage des produits phytosanitaires, d’élevage et de gestion de l’eau. Soutenu par la majorité présidentielle et la FNSEA, syndicat des grands exploitants agricoles, le texte prétendait « alléger les contraintes » imposées aux agriculteurs français.
Mais très vite, la loi a suscité une vive contestation chez les associations environnementales, les syndicats agricoles alternatifs, les scientifiques et une partie de l’opinion publique. La réintroduction possible des néonicotinoïdes, responsables du déclin massif des abeilles et pollinisateurs, a cristallisé les oppositions. Une pétition contre le texte a réuni plus de deux millions de signatures.
Adopté à marche forcée, le texte a été rejeté en première lecture à l’Assemblée nationale après le vote d'une motion de rejet préalable. Cette stratégie procédurale, destinée à court-circuiter les plus de 3 500 amendements déposés, a été validée par le Conseil constitutionnel dans la même décision. Il n’a pas constaté de manquement au droit d’amendement ni à la sincérité du débat parlementaire.
- Une victoire pour les défenseurs de l’environnement
Avec cette censure ciblée, les opposants à la loi remportent une victoire juridique importante sur un point central. Les néonicotinoïdes — et les substances similaires comme l’acétamipride ou le sulfoxaflor — ne pourront pas être réintroduits par simple décret, même en cas de « menace grave » sur certaines cultures.
Pour autant, la loi Duplomb n’est pas enterrée : la grande majorité des autres dispositions a été validée par les Sages, y compris celles facilitant la construction de mégabassines, allégeant les procédures pour les élevages industriels ou supprimant l’obligation de conseil stratégique phytosanitaire.
La décision du Conseil trace donc une ligne rouge environnementale, mais laisse intacte une large partie de l’architecture du texte, au grand dam des organisations écologistes. Elle ouvre la voie à une nouvelle bataille, cette fois sur le terrain de l’application.
Le Président français Emmanuel Macron a « pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel et promulguera la loi telle qu'elle résulte de cette décision dans les meilleurs délais », a indiqué l’Élysée, cité par BFMTV. Le chef de l’État français dispose désormais d’un délai de quinze jours pour promulguer la loi.
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